Abandon de créance : quels traitements fiscal et comptable ?

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L'abandon de créance est une possibilité offerte à une entreprise pour venir en aide à l'un de ses partenaires commerciaux ou l'une de ses filiales. L'abandon de créance peut prendre 2 formes qui auront un impact sur le traitement fiscal à opérer.

Qu'est-ce qu'un abandon de créance ?

L'abandon de créance est le fait pour une entreprise de renoncer à ses droits concernant une créance qu'elle détient envers une autre. Pour la bénéficiaire de l'abandon de créance, elle est alors déchargée de son obligation relative à la dette qu'elle avait.

L'abandon de créance peut être réalisé pour aider une entreprise partenaire ou une filiale lorsque celles-ci font face à des difficultés financières.

Deux catégories d'abandon de créance

On distingue 2 types d'abandon de créance, suivant la nature du bénéficiaire :

  • abandon de créance à caractère commercial ;
  • abandon de créance à caractère financier.

L'abandon de créance à caractère commercial

Ce type d'abandon est possible entre deux sociétés commerciales qui n'ont aucun lien juridique entre elles. L'objectif principal dans ce cadre d'abandon est de maintenir des débouchés commerciaux en aidant financièrement la société en difficulté à poursuivre son activité.

L'abandon de créance à caractère financier

Cet abandon ne peut exister qu'entre deux sociétés ayant des liens juridiques entre elles. Cela signifie ainsi que la société mère qui consent l'abandon de créances détient des titres de la société bénéficiaire. Lorsque les 2 sociétés font partie du même groupe, il convient tout de même de s'assurer qu'il n'existe pas de liens commerciaux qui seraient prépondérants. Le cas échéant, l'abandon de créance serait à caractère commercial.

Abandon de créance et traitement fiscal

En fiscalité, il existe également une différence de traitement selon la nature de l'abandon de créance (commercial ou financier) et dans le cadre de l'abandon financier, selon la situation de la société bénéficiaire.

Le traitement fiscal d'un abandon de créance à caractère commercial

Pour la société qui accorde l'abandon de créance, la charge engendrée sera normalement déductible. Pour la société qui bénéficie de l'opération, le produit sera normalement imposable. Cependant, l'abandon venant couvrir des pertes existantes, il permettra de venir compenser les déficits antérieurs induisant de ce fait, peu voire aucune imposition.

Pour résumer : dans le cadre d'un abandon à caractère commercial, il n'y a aucun retraitement fiscal à opérer.

Le traitement fiscal d'un abandon de créance à caractère financier

Côté société qui accorde l'abandon

La déductibilité fiscale d'un abandon de créance à caractère financier est soumise à condition. En effet, depuis le 4 juillet 2012, pour pouvoir déduire partiellement la perte subie par l'abandon octroyé, il faut que la société bénéficiaire soit en difficultés financières et qu'elle soit inscrite dans une procédure collective. La société qui reçoit l'abandon doit donc être placée soit en procédure de sauvegarde judiciaire, soit en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire.

En l'absence de procédure collective pour la société qui bénéficie de l'abandon de créance, il ne pourra être déduit aucune charge relative à l'opération.

Lorsque les conditions sont remplies, la perte correspondant à l'abandon est partiellement déductible fiscalement. Le principe est le suivant :

  • déductible à hauteur de la reconstitution de la situation nette négative de la bénéficiaire ;
  • déductible à hauteur du surplus pour la fraction représentant le pourcentage des autres associés ne participant pas à l'opération d'abandon de créance.

La situation nette correspond aux capitaux propres diminués des actifs fictifs.

Côté société qui bénéficie de l'abandon

Pour la société bénéficiaire :

  • l'abandon reçu est totalement imposable ;
  • si elle est en difficultés financières reconnues par une procédure : la fraction non déductible chez la société qui accorde peut être non imposable chez la bénéficiaire si cette dernière s'engage à procéder à une augmentation de capital d'un montant au moins égal au montant de l'abandon au plus tard à la clôture du 2nd exercice suivant l'abandon.

Exemple

L'entreprise A détient 60% des titres de l'entreprise B. Cette dernière est en difficultés financières et a été placée en redressement judiciaire au cours de N. La société A avait accordé un prêt de 100 000¤ à B courant N-1.

Au 31/12/N, l'extrait du bilan de B est le suivant :

ACTIF

PASSIF

Frais d'établissement  5000

Capital social 100000

Report à nouveau débiteur (80000)

Résultat de l'exercice (70000)

Calcul des capitaux propres : 100 000 – 80 000 – 70 000 = - 50 000¤

Calcul de la situation nette avant opération d'abandon : - 50 000 – 5 000 = - 55 000¤

L'abandon est de 100 000¤.

Entièrement déductible jusqu'à remonter la situation nette à 0 soit 55 000¤.

Il reste ensuite 100 000 – 55 000 = 45 000¤.

Ce surplus est déductible pour la part des autres associés qui n'ont pas fait d'abandon soit 40%.

45 000 x 40% = 18 000¤

Chez la société A qui accorde l'abandon :

L'abandon de créance est déductible pour 55 000 + 18 000 = 73 000¤

Il est non déductible pour 100 000 – 73 000 = 27 000¤ (ou 45 000 - 18 000). Ce montant sera réintégré fiscalement.

Chez la société B bénéficiaire :

L'abandon est totalement imposable : aucun retraitement fiscal.

Exception : si B s'engage à réaliser une augmentation de capital dans un délai de 2 ans suivant l'abandon et pour un montant au moins équivalent à l'abandon le montant non déductible chez A (27 000¤) peut être non imposé chez B. Il faudra alors déduire ce montant au résultat fiscal.

Comment comptabiliser l'abandon de créance ?



Abandon à caractère commercial

Pour celui qui accorde l'abandon, l'opération représente une charge exceptionnelle venant supprimer la créance.

  • débit du compte 67 Charges exceptionnelles ;
  • débit du compte 44566 État, TVA déductible sur autres biens et services ;
  • crédit du compte 411 Clients.

Pour celui qui reçoit l'abandon, l'opération représente un produit exceptionnel venant supprimer la dette existante.

  • débit du compte 401 Fournisseurs ;
  • crédit du compte 44571 État, TVA collectée ;
  • crédit du compte 77 Produits exceptionnels.

Abandon à caractère financier

Pour celui qui accorde l'abandon, on constate une charge en contrepartie d'une annulation de la créance financière.

  • débit du compte 678 Charges exceptionnelles ou 664 Pertes sur créances liées à des participations ;
  • crédit du compte 27 en cas d'abandon d'un prêt ou 455 pour l'abandon d'un compte courant d'associé.

Pour celui qui reçoit l'abandon, on constate un produit en contrepartie de la suppression de la dette financière.

  • débit du 17 Dettes rattachées à des participations ou 455 pour les comptes courants d'associés ;
  • crédit du 7788 Produits exceptionnels divers.

La clause de retour à meilleure fortune

Dans le cadre d'un abandon de créance cette clause permet à celui qui le consent de se voir rembourser ultérieurement tout ou partie des créances abandonnées si la société bénéficiaire se trouve en meilleure situation financière. Il convient de déterminer les conditions plaçant la bénéficiaire dans l'obligation de restituer les fonds obtenus par l'abandon.