La CJUE sanctionne DAC6

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La CJUE (affaire C-694/20) vient de juger illégale l'obligation imposée aux avocats des États Membres qui les avaient exemptés au titre de leur secret professionnel de transmettre leur obligation de notification d'un dispositif fiscal agressif à un autre intermédiaire non couvert par le secret professionnel.

Cette transmission était prévue à l'article 8 bis ter §5 de la directive DAC6.

La décision se fonde sur l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'UE qui protège de manière renforcée les échanges entre les avocats et leurs clients. Pour la CJUE, les autres intermédiaires n'ont pas à connaître la relation entre le client et son avocat.

Les enseignements de cette décision C694/20

Cette décision a le mérite de mettre en exergue trois aspects :

  • les experts-comptables, exemptés dans certains pays dont la France, doivent être vigilants car ils ne sont pas concernés par cette nouvelle limitation jurisprudentielle. Vigilants dans leurs transmissions à un autre professionnel non exempté (pour les pays où ils sont exemptés). Mais vigilants également car ils doivent déclarer aux autorités dans les pays où ils ne le sont pas (Italie par exemple) ;
  • la CJUE sacralise une nouvelle fois la protection des rapports et des échanges entre l'avocat et son client ;
  • la Cour, indirectement, hiérarchise les professionnels exemptés au titre de leur secret professionnels : d'un côté les avocats qui bénéficient d'une protection particulière alors que l'ensemble des autres professionnels exemptés (notaires, experts-comptables ou commissaires aux comptes, par exemple) seront tenus au devoir de transmettre sans délai leur propre obligation de déclaration aux autorités.

La portée pratique de cette décision

La remise en cause de l'article 8 bis ter §5 DAC6 ne saurait être assimilée à un blanc-seing délivré aux avocats. La CJUE n'a visé que la seule obligation de transmission à un autre intermédiaire.

L'avocat exempté doit toujours :

  • informer son client du dispositif fiscalement agressif car aucun professionnel ne peut prétendre qu'il ignorait les obligations de déclaration de DAC6 ;
  • demander à son client s'il accepte de le relever de son secret professionnel ;
  • en cas de refus, l'avocat doit notifier au client qu'il a obligation de déclarer le dispositif en tant que contribuable aux autorités.

De leurs côtés, les experts-comptables et les commissaires aux comptes doivent prendre conscience qu'un pays étranger peut les sanctionner si le dispositif concerne également ce pays :

  • il ne suffit pas de maîtriser les seules règles françaises de DAC6, il faut connaître les 27 législations ;
  • il faut dans tous les cas où un dispositif fiscal agressif est identifié, soit transmettre l'obligation de déclaration, soit déclarer le dispositif. Seules exceptions : la Roumanie et l'Autriche qui ne sanctionnent que les professionnels établis dans ces deux pays.

Conclusions

En clair, les avocats restent toujours des acteurs majeurs de la transparence fiscale mise en place par DAC6 et en l'absence de la démonstration de ces trois derniers éléments les avocats seront sanctionnés.

Il serait donc dangereux que les avocats s'estiment, à tort, déchargés de toute obligation vis-à-vis de la directive DAC6.

Les professionnels du chiffre doivent prendre conscience de leurs nouvelles obligations et face aux 27 législations DAC6, ils auront tout intérêt à recourir à un outil de détection utilisant l'IA qui intègre ces 27 spécificités nationales pour les guider dans leurs analyses et leurs démarches.



Me Philippe LAURENS

Avocat aux barreaux de Luxembourg et de Montpellier
Cabinet Nexus Conseils