Certification des comptes de l'État 2022 : la Cour des comptes émet une opinion avec réserve

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Chaque année, la Cour des comptes s'attelle à la certification des comptes de l'État, garantissant leur régularité, sincérité et fidélité. L'exercice 2022 du compte général de l'État n'échappe pas à la règle, et fait l'objet d'une certification « avec réserve », compte tenu de la présence de quatre anomalies significatives.

Un processus de certification en deux temps

Chaque année, la Cour des comptes certifie la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes de l'État. Cette certification se fait selon les normes internationales d'audit (normes internationales des institutions supérieures de contrôle, ou ISSAI), sauf exceptions liées au droit français.

La certification des comptes de l'État s'effectue en deux étapes majeures :

  • de juin à décembre, la Cour des comptes évalue les risques d'anomalies comptables en se basant sur une analyse financière approfondie et l'évaluation des systèmes de contrôle interne ;
  • de janvier à avril de l'année suivante, elle réalise l'audit des chiffres retenus par l'administration.

Le rapport d'opinion est ensuite soumis à l'administration pour validation avant d'être adopté de manière collégiale par la Cour.

Une certification avec réserve justifiée par 4 anomalies significatives... à plusieurs milliards d'euros

Pour l'exercice 2022, la Cour des comptes émet une opinion avec réserve, pointant du doigt quatre anomalies significatives :

« La Cour certifie, sous réserve des incidences des problèmes décrits dans la section « Fondement de l'opinion avec réserve » de son rapport, qu'au regard des règles et principes comptables qui lui sont applicables, le compte général de l'État de l'exercice 2022, arrêté le 3 avril 2023, est régulier et sincère, et donne une image fidèle de la situation financière et du patrimoine de l'État. » - Rapport de la Cour des comptes.

Les quatre anomalies relevées sont les suivantes :

  • une surévaluation des matériels militaires d'au moins 3 milliards d'¤ (sur 42 milliards d'¤) et une absence de provision des charges de « gros entretien » et de « grandes visites » les concernant (au moins 3 milliards d'¤) ;
  • une surévaluation de la participation de l'État au capital d'EDF de 9 milliards d'¤ (sur 34 milliards d'¤),
  • une sous-évaluation de 12 milliards d'¤ (sur un total de 32 milliards) de la participation de l'État relative au groupe Caisse des dépôts ;
  • l'absence de mention dans l'annexe de l'engagement hors bilan pris par l'État de garantir la dette de Bpifrance à hauteur de 42 milliards d'¤.

« Absence d'éléments probants suffisants » pour 13 postes des états financiers, dont la valeur des créances fiscales

La Cour a par ailleurs, constaté l'absence d'éléments probants suffisants et appropriés pour fonder son opinion sur 13 postes des états financiers :

    • la valeur du patrimoine immobilier, du réseau routier, des actifs liés aux programmes d'armement et des stocks militaires ;
    • la valeur de certaines entités contrôlées par l'État ;

  • la valeur des créances fiscales ;
    • le provisionnement des obligations de dépollution et de désamiantage ;
    • la justification des soldes de trésorerie ;
    • le montant des charges relatives aux boucliers tarifaires (nouveau) ;
    • le montant des charges d'intervention payées par des opérateurs pour le compte de l'État ;

  • le montant des produits fiscaux ;
  • le montant de l'engagement de l'État au titre des prêts garantis dans le cadre de la crise sanitaire (nouveau) ;
  • le montant de l'engagement de l'État au titre du régime de retraite des fonctionnaires civils et des militaires, et le montant du besoin de financement du régime (nouveau).

Zoom sur les créances et produits fiscaux

En matière de créances fiscales, l'absence d'éléments probants suffisants et appropriés résulte d'une incertitude sur une dépréciation de 34,7 milliards d'¤ insuffisamment justifiée :

« Cette dépréciation est déterminée sans que le millésime des créances fiscales soit suivi en comptabilité. L'ancienneté des créances est pourtant une information nécessaire pour mesurer le risque statistique que certaines d'entre elles ne puissent finalement être recouvrées par l'État. Par ailleurs, l'information nécessaire pour identifier les créances fiscales faisant l'objet d'un litige est indisponible en comptabilité. » - Rapport de la Cour des comptes

On notera enfin que la Cour des comptes consacre une section de son rapport aux recettes fiscales, pointant du doigt certains dysfonctionnements du système d'organisation comptable :

« La gestion des impôts s'appuie sur des applications informatiques anciennes, conçues à l'origine pour en retracer les flux en comptabilité de caisse et qui n'ont pas été significativement modernisées depuis la mise en place, en 2006, de la comptabilité générale de l'État. [...] Au surplus, cette situation rend nécessaire l'enregistrement d'un grand nombre d'écritures manuelles à fort enjeu financier au moment de l'arrêté des comptes. » - Rapport de la Cour des comptes

Pour en savoir plus, lire le rapport « Certification des comptes de l'État - Exercice 2022 ».



Julien Catanese Aubier
Diplômé d'expertise comptable, après 7 ans en tant que rédacteur en chef puis directeur de la rédaction Fiscalistes et experts-comptables chez LexisNexis, Julien rejoint l'équipe Compta Online en tant que Directeur éditorial de juin 2020 à octobre 2023.