Cadres internationaux : principes de détermination du régime de sécurité sociale applicable

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Les salariés exerçant leur activité professionnelle, en même temps, sur le territoire de plusieurs Etats membres de l'Union européenne sont en principe affiliés dans un seul Etat, qui peut être celui de résidence du salarié ou du siège de l'employeur, selon la situation, sous réserve des dispositions applicables en matière de détachement.

Lorsque l'activité est exercée sur le territoire de plusieurs Etats, dont certains ne sont pas membres de l'Union européenne, il existe un risque d'affiliation à plusieurs régimes de sécurité sociale.

En cas d'exercice de l'activité salariée au sein de l'Union européenne



Principes généraux

Etats dans lesquels la législation européenne est applicable

La réglementation européenne (règlements européen n° 1408/71, 574/72, 883/2004 et 987/2009) s'applique aux ressortissants des Etats membres de l'Union européenne (UE), des Etats de l'AELE (Islande, Liechtenstein et Norvège) et de la Suisse (ci-après « Etats membres»).

Le principe de base : le principe d'unicité de législation

Conformément à la réglementation précitée, un travailleur ne peut être affilié que dans un seul Etat à la fois (i.e. principe d'unicité de législation).

En principe, le travailleur qui exerce une activité salariée est soumis à la législation applicable en matière de prestations sociales de l'Etat d'exercice de l'activité (i.e. affiliation dans le pays d'exercice de l'activité).

Application du principe d'unicité de législation en cas d'exercice de l'activité sur le territoire de plusieurs Etats membres

Compte tenu du principe d'unicité de législation visé ci-dessus, comment est traité un salarié qui exerce en même temps son activité sur le territoire de plusieurs Etats membres ?

La réglementation européenne prévoit des dispositions spécifiques visant à déterminer la législation de sécurité sociale applicable en matière de sécurité sociale dans ce contexte.

Ces dispositions sont les suivantes :

  • si le salarié exerce une partie substantielle de son activité sur le territoire de son Etat de résidence (i.e. au moins 25% du temps de travail et/ou de sa rémunération), affiliation à la législation de ce dernier Etat membre ;
  • lorsque le salarié n'exerce pas une partie substantielle de ses activités sur le territoire de son Etat de résidence (i.e. inférieure à 25% du temps de travail et/ou de sa rémunération) :
    - si le salarié relève d'un ou plusieurs employeurs n'ayant leur siège que dans un seul Etat membre, affiliation à la législation de cet Etat membre ;
    - affiliation à la législation de l'Etat membre ayant son siège en dehors de l'Etat de résidence du salarié, en cas de pluralité d'employeurs dont l'un a son siège dans l'Etat de résidence du salarié ;
    - affiliation à la législation de l'Etat membre de résidence du salarié, en cas de pluralité d'employeurs, dont deux au moins ont leur siège dans différents Etats membres autres que l'Etat de résidence.  

Les cotisations de sécurité sociale doivent être versées dans le pays compétent sur la totalité des salaires.

Remarque

Les activités marginales (définies par la Commission européenne comme les activités représentant moins de 5% du temps de travail et/ou de la rémunération du travailleur) ne sont pas prises en compte pour la détermination de la législation de sécurité sociale applicable.

Sur le plan pratique, en cas d'exercice de l'activité salariée sur le territoire de plusieurs Etats membres, une demande de détermination de la législation applicable doit être déposée dans l'Etat de résidence.

Exception : maintien du régime de sécurité sociale du pays d'origine en cas de détachement

Les salariés domiciliés au sein de l'Union européenne (ainsi que dans un Etat de l'AELE ou en Suisse) qui sont détachés par leur employeur dans un autre Etat membre demeurent affilié au régime de sécurité sociale de leur pays d'origine.

Conditions du détachement:

  • un employeur ne peut détacher un salarié de son entreprise qu'à condition que cette personne soit, juste avant le démarrage de son activité salariée, déjà soumise à la législation de l'Etat membre dans lequel est établi son employeur depuis au moins un mois ;
  • l'entreprise qui détache un salarié dans un Etat membre doit exercer habituellement des activités substantielles sur le territoire de l'Etat de son siège, autres que des activités de pure administration interne ;
  • la durée prévisible du travail dans le cadre d'un détachement ne doit pas excéder deux ans, le détachement pouvant cependant être prolongé si le travail se poursuit en raison de circonstances imprévisibles (dans cette situation, le maintien de l'affiliation dans le pays d'origine est subordonné à l'accord de l'autorité compétente de l'Etat membre sur le territoire duquel le salarié est détaché) ;
  • au moins deux mois doivent s'écouler entre deux détachements d'un même salarié, pour la même entreprise, dans le même Etat.

En cas d'exercice de l'activité salariée en dehors de l'Union européenne



Principes généraux

La France a signé un certain nombre de conventions bilatérales en matière de sécurité sociale mais ces dernières ne traitent pas expressément de la situation des salariés exerçant en même temps leur activité sur le territoire de plusieurs Etats.

D'une manière générale, ces conventions prévoient que le salarié est affilié au régime de sécurité sociale de l'Etat sur le territoire duquel il exerce son activité professionnelle.

Sous réserve des dispositions relatives au détachement, l'on peut donc en déduire qu'un salarié exerçant son activité sur le territoire de plusieurs Etats devrait être affilié dans l'ensemble des Etats dans lesquels il exerce son activité, à proportion du temps de travail et/ou de la rémunération afférent à l'exercice de l'activité dans chaque Etat.

En pratique, l'affiliation effective du salarié dans chacun des Etats sur le territoire desquels il exerce son activité ne devrait intervenir que si le temps de travail du salarié sur ledit territoire est suffisamment substantiel.

La situation devrait être la même en l'absence de convention bilatérale (mais avec un risque de double affiliation si l'ensemble de la rémunération est versée par un employeur français et en cas de détachement dans les conditions du droit interne français – voir ci-dessous).

Remarque

Les conventions bilatérales ne sont en principe applicables qu'aux salariés ayant la nationalité d'une des parties signataires, ainsi qu'aux apatrides et aux réfugiés.

Maintien du régime de sécurité sociale du pays d'origine en cas de détachement

Un certain nombre de conventions de sécurité sociale conclues par la France prévoient le maintien du régime de sécurité sociale du pays d'origine en cas de détachement du salarié dans l'autre Etat partie à la convention (e.g. Canada, Etats-Unis, Argentine, Brésil, Tunisie, etc.).

La durée maximum de détachement autorisée varie en fonction des dispositions de la convention (entre 6 mois, dans les conventions conclues avec Saint-Marin et avec le Cameroun, et 5 ans, dans les conventions conclues avec les Etats-Unis, l'Inde et le Japon). Des possibilités de prolongation existent, dont la durée et les modalités sont prévues par la convention applicable.

Si les conditions du détachement prévues par la convention ne sont pas réunies, le salarié ne peut plus continuer d'être affilié au régime de sécurité sociale français.

Lorsqu'aucune convention internationale n'est applicable (absence de convention avec le pays de détachement, salarié d'une autre nationalité que celle d'un des Etats signataires, durée maximum du détachement dépassée, etc.), l'employeur établi en France peut détacher le salarié dans les conditions prévues par le droit interne français.

En application de ce dispositif, le salarié est simultanément affilié au régime de sécurité sociale français (en qualité de salarié détaché) et à celui applicable dans l'Etat de détachement. Compte-tenu de ce système de double affiliation, les détachements opérés dans ce cadre sont très rares.

Conditions du détachement :

  • l'employeur s'engage à acquitter l'intégralité des cotisations de sécurité sociales françaises ;
  • la durée du détachement ne doit pas excéder trois ans, renouvelable une fois (i.e. six ans au maximum) ;
  • le salarié ayant été détaché pendant six ans ne peut à nouveau être détaché par l'employeur auprès de la même entreprise, tout en maintenant son rattachement au régime de sécurité sociale français, que s'il s'est écoulé une période d'au moins deux ans depuis la fin du précédent détachement (disposition non applicable si le détachement dure moins de trois mois).  

Lorsque les conditions du détachement prévues par le droit interne français ne sont pas respectées, le salarié ne peut plus continuer d'être affilié au régime de sécurité sociale français.



Clotilde Cattier, avocate spécialisée en fiscalité, inscrite au Barreau de Paris.
Contact : contact@clotilde-cattier.com

Après avoir passé deux ans chez STC Partners et six ans chez Taj (Deloitte), Clotilde a rejoint le cabinet Room Avocats, en Suisse. Elle partage son temps entre Paris et la Suisse.

Ses principaux domaines d'intervention, en fiscalité française et internationale, sont les suivants :

  • fiscalité patrimoniale (restructuration de patrimoine, transmission de patrimoine, acquisition/détention/cession de biens immobiliers, etc.) ;
  • fiscalité des particuliers (imposition des cadres internationaux et des dirigeants, traitement fiscal des pensions de retraite versées sous forme de capital, etc.) ;
  • installation en Suisse de personnes physiques et de sociétés ;
  • fiscalité générale des entreprises (restructurations, assistance à contrôle fiscale, intégration fiscale, problématiques de remontée des liquidités, etc.) ;
  • fiscalité immobilière (fiscalité des marchands de biens et des promoteurs immobiliers) ;
  • fiscalité internationale (transactions transfrontalières, traitement fiscal des flux internationaux, etc.) ;
  • opérations de fusions-acquisitions ;
  • régularisation de la situation fiscale des français détenant des avoirs non déclarés à l'étranger.