78ème Congrès : Bruno Le Maire veut franchir une « 2ème étape avec les experts-comptables »

Article écrit par (1287 articles)
Publié le
Modifié le 01/10/2023
4 115 lectures

La Conférence « Regards croisés » qui s'est tenue le troisième jour du 78ème Congrès de l'Ordre des experts-comptables a mis en lumière les grands enjeux de la profession. Elle s'est terminée par une intervention du ministre de l'Économie et des Finances, qui avait réservé plusieurs annonces à son auditoire.

Experts-comptables et commissaires aux comptes affichent leur unité

Cette conférence a débuté par un échange entre Cécile de Saint Michel, présidente du Conseil national de l'Ordre des experts-comptables (CNOEC), et Yannick Ollivier, président de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC). Les deux présidents ont souligné l'unité de ces deux institutions, leur capacité à travailler ensemble, et surtout leur complémentarité, notamment sur les sujets de durabilité.

Durabilité : quelle répartition des rôles entre experts-comptables et commissaires aux comptes ?

Pour Yannick Ollivier d'abord, les commissaires aux comptes vivent « un moment historique » avec la transposition de la directive CSRD, l'ouverture d'un nouveau champ d'activité et la consécration du rôle du commissaire aux comptes en tant que créateur de confiance.

Cette extension du champ d'activité des CAC ne se fera pas au détriment des experts-comptables, qui peuvent quant eux se concentrer sur la préparation des informations de durabilité. La répartition des rôles semble donc claire, Cécile de Saint-Michel, appelant les professionnels à exercer les audits de durabilité avec leur casquette commissaire aux comptes plutôt qu'expert-comptable. 

Zoom sur Profession comptable 2030, le nouveau programme de formation de l'Ordre

La suite de la conférence a permis de mettre une nouvelle fois dans la lumière l'ambitieux programme de formation de l'Ordre, Profession comptable 2030. Laurent Benoudiz, vice-président du CNOEC en charge de la formation, a rappelé que ce programme représente le plus gros investissement jamais réalisé par l'Ordre en matière de formation, avec un budget de 4,5 millions et demi d'¤ au total. Un budget conséquent, subventionné à hauteur de 3 millions d'¤.

Profession comptable 2030 inclut deux volets :

  • Cap 2030, un outil qui permet à la fois aux collaborateurs de faire un point sur leurs compétences et de mesurer l'impact du numérique sur leur activité, et aux dirigeants de cabinet de disposer d'une cartographie des compétences ;
  • un programme de formation organisé en 16 parcours et 4 thématiques pour accompagner l'évolution des compétences des collaborateurs dans ce contexte de transformation numérique. L'objectif est de faire passer les collaborateurs de la production à l'accompagnement du chef d'entreprise, tant en termes de connaissances que de comportement.

« La subvention obtenue permet de rendre ce dispositif aussi abordable que possible, en divisant par trois le prix habituel », précise Laurent Benoudiz. Le coût pour les cabinets serait plus faible encore pour 10 des 16 parcours de formation de Profession 2030, éligibles au Fonds national de l'emploi (FNE). « Dans ce cas, la prise en charge porte à la fois sur le coût de la formation et une partie de la rémunération du collaborateur. Le montant remboursé est donc supérieur au coût direct de la formation ».

La « liste de courses » de Cécile de Saint-Michel

La présidente du CNOEC a ensuite démarré un échange par discours interposé avec le ministre de l'Économie et des finances : « une fois n'est pas coutume Monsieur le ministre et comme à chacune de nos rencontres, j'ai ma traditionnelle liste de courses, comme vous aimez à l'appeler ».

Cécile de Saint-Michel a notamment évoqué le projet de réforme du statut social des indépendants, sujet sur lequel elle avait interpellé le ministre par courrier quelques semaines auparavant. Le projet de réforme de l'assiette des cotisations des travailleurs indépendants poserait en effet quelques difficultés du côté de l'institution, qui appelle à une « véritable concertation constructive ».

Concernant le report du calendrier de la facture électronique, la présidente du CNOEC a pris acte d'un report « compris, mais pas souhaité » par la profession et insisté sur le haut niveau de préparation des experts-comptables, chiffres de l'enquête OpinionWay à l'appui. Concrètement, Cécile de Saint Michel a appelé à :

  • poursuivre l'accréditation des Plateformes de Dématérialisation Partenaires (PDP) « quitte à prévoir des étapes intermédiaires jusqu'à leur connexion au Portail Public de Facturation (PPF) ; 
  • maintenir le déploiement de l'annuaire, « qui ne doit pas être subordonné au lancement du PPF, et permettre ainsi aux entreprises volontaires, d'échanger avec des moyens modernes ».

Annonces de Bruno Le Maire : Assises de la simplification, mandat implicite, et surtout, facture électronique

L'intervention du ministre de l'Économie et des Finances et sa réponse aux demandes de la présidente du CNOEC étaient particulièrement attendues, notamment en ce qui concerne le calendrier de généralisation de la facture électronique.

Avant d'aborder cette question, Bruno Le Maire a commencé par rappeler le rôle essentiel des experts-comptables pendant la crise sanitaire, applaudi par une salle forcément convaincue. Il a appelé de ses voeux l'ouverture d'une « deuxième étape » pour valoriser encore le rôle de l'expert-comptable au sein de l'économie. Deuxième étape qui devrait notamment passer par un accès facilité au compte fiscal des clients, mais aussi par la mise en place d'un mandat implicite pour les experts-comptables.

Le ministre a également appelé la profession à contribuer aux futures Assises de la simplification pour réduire le nombre de normes et de contraintes qui pèsent sur les entreprises : «  Aidez-moi à simplifier l'économie française »

Bruno Le Maire est ensuite revenu sur le lancement manqué du guichet unique, admettant que l'idée était excellente, « mais que son exécution avait laissé à désirer ». Dans un geste suffisamment rare pour être souligné, il a présenté ses excuses pour les dysfonctionnements rencontrés.

Sur le sujet de la réforme du statut social des indépendants, Bruno Le Maire a accueilli positivement la demande de concertation évoquée par la présidente du CNOEC. « Nous ne nous sommes pas assez vus » a-t-il résumé en quelques mots.

Enfin, le ministre de l'Economie et des Finances a abordé la question tant attendue du calendrier de la généralisation de la facture électronique. On le rappelle, dans une précédente conférence de ce 78ème Congrès, Jérôme Fournel, directeur général des finances publiques, avait avancé de premiers éléments :

  • la confirmation d'un retard technique dans la mise en place du Portail public de facturation (PPF) ; 
  • la piste d'une immatriculation provisoire des PDP, dans l'attente de la finalisation du PPF ; 
  • une phase pilote qui démarrerait en 2025, et une ouverture du service aux entreprises prévue en plusieurs étapes sur 2026 et 2027 ;
  • une réflexion en cours sur la séparation des volets e-reporting et e-invoicing de la réforme.

Bruno Le Maire, quant à lui a soumis à l'applaudimètre de la salle un calendrier légèrement différent :

  • démarrage des tests au cours de l'année 2024 ;
  • mise à l'essai sur une base volontaire en 2025 ;
  • entrée en vigueur de la réforme en 2026, sans précision sur une entrée en vigueur en plusieurs étapes, comme c'était prévu à l'origine.

Un calendrier qui semble donc en l'état plus resserré que celui évoqué par le directeur général des finances publiques 48 heures plus tôt.