Ventilation du prix d'un appartement parisien entre terrain et construction

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La question de la ventilation du prix d'un appartement entre terrain et construction est un sujet crucial, notamment dans les grandes villes où les prix du terrain au m2 sont très élevés, dans la mesure où seule la fraction du prix de l'appartement comptabilisée en construction sera amortissable.

Pour mémoire, on rappelle que l'amortissement des terrains est interdit.

Il est important de bien déterminer le prix de revient d'un ensemble immobilier, puisque l'Administration peut contester la ventilation retenue par le contribuable entre terrain et construction.

Un arrêt rendu le 13 mars 2014 par la Cour administrative d'appel de Paris avait fixé à 40% de son prix la valeur représentative du terrain pour un appartement de 178 m2 situé 24 avenue de l'Opéra à Paris, remettant en cause la déductibilité d'une fraction des amortissements qui avaient été constatés par la société.

La cour avait appliqué une méthode par comparaison pour rehausser la valeur représentative du terrain retenue par la société de 10% à 40%, en se fondant sur dix-neuf autres biens immobiliers localisés dans des arrondissements voisins de la capitale.

Cet arrêt a été annulé par une décision du Conseil d'État en date du 15 février 2016 (CE 15 février 2016, n°380400) (voir aussi : CE 15 février 2016, n°367467).

Dans cette décision, le Conseil d'État définit les critères de ventilation du prix entre terrain et construction et précise, de manière hiérarchique, la liste des méthodes  à mettre en ½uvre par l'administration fiscale pour contester la ventilation opérée par la société.

Ainsi, l'arrêt énonce que « lorsque l'administration remet en cause la répartition, au sein du bilan d'un contribuable, entre les valeurs retenues respectivement pour un terrain et pour une construction édifiée sur ce terrain, en invoquant l'insuffisance de la valeur retenue pour le terrain, il lui appartient d'établir l'insuffisance de cette valeur ».

La décision précise ensuite que :

  • méthode 1 : l'administration fiscale doit, « pour déterminer la valeur du terrain, se fonder prioritairement sur des comparaisons reposant sur des transactions réalisées sur des terrains nus et à des dates proches de celle de l'entrée du bien au bilan du contribuable. Ces terrains doivent être situés dans la même zone géographique que ce bien et présenter des droits à construire similaires » ;
  • méthode 2 : « à défaut, l'administration peut évaluer la valeur de la construction à partir de son coût de reconstruction à la date de son entrée au bilan, en lui appliquant, le cas échéant, les abattements nécessaires pour prendre en compte sa vétusté et son état d'entretien » ;
  • méthode 3 : « lorsqu'elle ne peut appliquer aucune des deux méthodes précédentes, notamment pour les immeubles les plus anciens, l'administration peut s'appuyer sur des données comptables issues du bilan d'autres contribuables pour déterminer des taux moyens relatifs aux parts respectives du terrain et de la construction et les appliquer ensuite à la valeur globale de l'immeuble en litige à sa date d'entrée au bilan. Elle doit, en ce dernier cas, se fonder sur un échantillon pertinent reposant sur un nombre de données significatif, portant sur des immeubles présentant des caractéristiques comparables s'agissant de la localisation, du type de construction, de l'état d'entretien et des possibilités éventuelles d'agrandissement. Seuls peuvent être retenus des immeubles entrés au bilan des entreprises servant de termes de comparaison à des dates proches de celle de l'entrée au bilan de l'immeuble en litige ».

Enfin, l'arrêt indique que le contribuable peut démontrer soit que le choix de la méthode retenue par l'administration fiscale ou sa mise en ½uvre sont erronés au regard des principes définis ci-dessus, soit justifier de l'évaluation qu'il a retenue en se référant à d'autres données que celles qui lui sont proposées par l'administration fiscale, sans pour autant recourir à d'autres méthode que celles préconisés par le Conseil d'Etat.

Par ailleurs, les dépenses supportées à l'occasion de l'acquisition d'un ensemble immobilier peuvent être incluses, en fonction de leur nature, dans le prix de revient du terrain ou des constructions. A titre d'exemple, les honoraires d'architectes ou de bureaux d'études peuvent être prises en compte dans le prix de revient des constructions (CE, 21 décembre 1983, n°41613). En revanche, les dépenses relatives à des études préalable à la prise de décision d'investir, sont déductibles en charges.

En ce sens, le prix d'achat ainsi que les frais de démolition d'un immeuble acquis en vue de sa reconstruction sont un élément du prix de revient des constructions (CE, 4 mai 1977, n°2137).

Remarque

Les deux premières méthodes sont d'une application très difficile dans les grandes villes et notamment à Paris. En effet, les transactions sur les terrains nus y sont extrêmement rares. En outre, l'évaluation des coûts de reconstruction est délicate en raison de l'ancienneté et des spécificités architecturales des immeubles.

Plus d'infos

  • CAA de Paris, 13 mars 2014, n°13PA00961
  • Conseil d'État, décision n°380400 du 15 février 2016