Taxonomie verte européenne : l'essentiel à connaître

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Comment définir une activité durable ? C'est en substance la question à laquelle répond la taxonomie verte, un règlement européen qui pose le cadre de la finance durable au sein de l'Union européenne.

Les experts-comptables, commissaires aux comptes, et leurs collaborateurs ont tout intérêt à s'intéresser à cette nouvelle obligation, qui va toucher un nombre croissant d'entreprises dans les années à venir.

Taxonomie ou taxinomie ?

Bien que l'expression « taxonomie verte » soit la plus répandue, on peut trouver celle de « taxinomie verte ». Contrairement aux apparences, il ne s'agit pas d'une faute d'orthographe : le terme « taxinomie » est utilisé dans les documents officiels. Toutefois, en pratique, c'est le terme « taxonomie » qui a pris le dessus dans la plupart des articles qui évoquent le sujet. On parle aussi de « taxonomie verte européenne », voire de « taxonomie européenne ».

 

Définir les activités vertueuses pour mesurer les objectifs

L'Union européenne affiche des objectifs ambitieux en matière de lutte contre le dérèglement climatique. Annoncé dans la foulée des Accords de Paris, le « Green Deal européen », ou Pacte vert pour l'Europe, prévoit en effet une neutralité carbone de l'Union en 2050. Pour y parvenir, un des leviers majeurs est celui de la finance durable, car au niveau européen, on estime qu'un investissement annuel de 350 milliards d'¤ est nécessaire.

Tout l'enjeu est donc d'orienter les capitaux vers les activités vertueuses. Encore faut-il s'accorder sur leur définition. C'est justement le rôle du « règlement taxonomie », adopté en juin 2020[1] : apporter une classification exhaustive et objective des activités économiques.

6 grands objectifs environnementaux

La taxonomie verte européenne définit 6 grands objectifs :

  • atténuation du changement climatique ;
  • adaptation au changement climatique ;
  • utilisation durable et protection des ressources aquatiques et marines ;
  • transition vers une économie circulaire ;
  • contrôle de la pollution ;
  • protection et restauration de la biodiversité et des écosystèmes.

Le caractère durable ou non d'une activité s'apprécie donc par référence à ces objectifs. Concrètement, de quelle façon ?

Pas d'activité considérée comme « verte », mais des activités « durables, transitoires ou habilitantes »



Activités durables

Pour être qualifiée de durable, une activité doit :

  • contribuer substantiellement à l'un de ces 6 objectifs ;
  • ne pas causer de préjudice important à l'un des 5 autres objectifs (c'est le principe du « Do no significant harm ») ; 
  • respecter des critères sociaux basiques (principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales et principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme).

Des critères plus précis, déclinés activité par activité dans la taxonomie, permettent d'évaluer le respect de ces conditions. 

Activités transitoires

Une activité est considérée comme transitoire, dans le cas où il n'existe pas d'alternative bas-carbone économiquement ou technologiquement viable, et que les 3 critères suivants sont respectés :

  • présenter des niveaux d'émission de gaz à effet de serre qui correspondent aux meilleures performances du secteur ou de l'industrie ;
  • ne pas entraver le développement ni le déploiement de solutions de remplacement sobres en carbone ; 
  • ne pas entraîner un verrouillage des actifs à forte intensité de carbone, compte tenu de la durée de vie économique de ces actifs.

Activités habilitantes

Une activité est considérée comme habilitante, si elle permet à d'autres activités qu'elles-mêmes de contribuer à l'atteinte d'un des 6 objectifs environnementaux, et respecte les critères suivants :

  • ne pas entraîner un verrouillage dans des actifs qui compromettent des objectifs environnementaux à long terme, compte tenu de la durée de vie économique de ces actifs ; 
  • avoir un impact environnemental positif significatif sur la base de considérations relatives au cycle de vie.

Entités concernées

La taxonomie européenne s'applique :

  • à certaines entreprises ;
  • aux États membres de l'Union européenne qui mettent en place des mesures publiques, des normes ou des labels pour des produits financiers verts ou des obligations vertes (green bonds) ;
  • aux acteurs financiers, institutions de supervision financière (banques centrales, par exemple) et compagnies d'assurances.

Actuellement, les seules entreprises non financières soumises aux obligations de la taxonomie verte sont les entreprises de plus de 500 salariés considérées de la catégories des entités d'intérêt public (EIP)[2].

Nature de l'obligation



Entreprises non financières

Les entreprises concernées doivent évaluer, au regard des critères applicables à leur activité et aux 6 objectifs environnementaux :

  • la part de leur chiffre d'affaires provenant de produits ou de services associés à des activités « durables », en distinguant les activités « transitoires » et « habilitantes » ;
  • la part de leurs dépenses d'investissement et d'exploitation liée à des actifs ou à des processus associés à des activités « durables », en distinguant les activités « transitoires » et « habilitantes » ;
  • la part de leurs dépenses d'exploitation liée à ces mêmes actifs ou processus.

Entreprises financières

Un reporting spécifique prévoit la publication d'informations relatives aux produits financiers ayant un objectif d'investissement durable[3] et aux produits intégrants des caractéristiques environnementales ou sociales[4] :

  • les informations relatives à la contribution des investissements sous-jacents au produit financier à l'un ou plusieurs des six objectifs environnementaux ;
  • une description de la façon et de la mesure dans laquelle les investissements sous-jacents au produit financier sont effectués dans des activités économiques pouvant être considérées comme « durables », c'est-à-dire la part du portefeuille aligné avec la taxonomie.

Entrée en vigueur

L'entrée en vigueur du reporting prévu par la taxonomie européenne est progressive :

  • à compter de janvier 2022 (exercices 2021) : reporting portant sur l'exercice 2021 sur l'éligibilité aux 2 premiers objectifs environnementaux (atténuation et adaptation) ;
  • à partir de janvier 2023 (exercices 2022): reporting relatif aux trois indicateurs taxonomiques complets (éligibilité et alignement) relatifs aux deux objectifs climatiques, selon un tableau normalisé[5] ;
  • à partir de janvier 2024 (exercices 2023) : reporting relatif aux indicateurs éligibles et alignés aux 4 autres objectifs environnementaux : ressources aquatiques et marines, économie circulaire, pollution et biodiversité ;
  • à compter de janvier 2025 (exercices 2024) : le reporting devra faire l'objet, pour les grandes sociétés cotées, d'une vérification indépendante⁷ selon les modalités définies dans la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD), publiée le 16 décembre 2022
  • à compter de janvier 2026 et au-delà (exercices 2025) : l'obligation de vérification s'appliquera aux autres sociétés soumises à la CSRD, en fonction de la taille et de l'organisation de l'entreprise, selon des modalités qui doivent encore être précisées.

Pour l'exercice 2021, les entreprises financières ont également dû se plier à un premier exercice de reporting, visant à déterminer la part éligible de leur portefeuille. Le calendrier applicable aux entreprises financières (banques, assureurs, gestionnaires d'actifs et entreprises d'investissement) est décalé d'un an par rapport aux entreprises non financières.

[1] Règlement (UE) 2020/852

[2] Art. 8 du règlement taxonomie

[3] Au sens de l'article 9 de la SFDR

[4]  Au sens de l'article 8 de la SFDR

[5] Tableau de l'annexe II pour les entreprises non financières



Julien Catanese Aubier
Diplômé d'expertise comptable, après 7 ans en tant que rédacteur en chef puis directeur de la rédaction Fiscalistes et experts-comptables chez LexisNexis, Julien rejoint l'équipe Compta Online en tant que Directeur éditorial de juin 2020 à octobre 2023.