Récupérer la TVA sur les dépenses engagées avant la création de la société

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Modifié le 10/12/2023
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Les créateurs d'entreprise qui souhaitent récupérer la TVA sur les dépenses engagées avant la signature des statuts ou avant l'immatriculation de la société, doivent respecter un certain formalisme.

Ce formalisme passe par un état annexé aux statuts ou la désignation d'un mandataire, généralement parmi les associés.

Le projet de loi de finances pour 2024 prévoit plusieurs changements en matière de TVA. D'une part, la transposition d'une directive sur le régime particulier des petites entreprises en matière de TVA, à savoir que la franchise en base de TVA bénéficierait aux entreprises de l'Union européenne dans tous les Etats-membres, ayant un chiffre d'affaires inférieur à 100 000¤. En revanche, le plafond national serait abaissé à 85 000¤.

La franchise en base spécifique (avocat, auteur de l'½uvre et de l'esprit, artiste-interprète) fait aussi l'objet d'une modification. En effet, les personnes ayant réalisé au cours de l'année civile précédente un chiffre d'affaires hors taxe n'excédant pas 47 500¤ bénéficieraient de la franchise. De plus, la franchise cesserait de s'appliquer aux avocats dépassant le seuil de 52 250¤ de chiffre d'affaires hors taxe l'année en cours. Enfin pour les opérations non couvertes par la franchise particulière, à savoir les opérations non réglementées, les personnes pourraient bénéficier d'une franchise à condition que le chiffre d'affaires de l'année précédente n'excède pas le seuil de 37 500¤. Cette franchise cesserait de s'appliquer aux avocats réalisant ces opérations et dépassant au cours de l'année le seuil de 41 250¤.

Face aux défis de l'économie du numérique, le cadre juridique relatif aux fraudes à la TVA devrait s'adapter (article 19 du PLF). Une procédure serait instaurée pour contrer les entreprises étrangères évitant la TVA, comprenant la possibilité de déréférencer leurs sites en ligne. De plus, une attention particulière est portée aux « dropshippers » (un intermédiaire achète un bien situé à l'étranger et le revend en ligne en France sans jamais en disposer physiquement). Ceux-ci devront s'acquitter de la TVA à l'importation pour leurs ventes à distance, à moins de garantir la perception complète de cette taxe lors de l'import.

Enfin, il est prévu l'extension du champ d'application du taux intermédiaire (10%) à certaines opérations de réhabilitation de logements anciens, ainsi que la zone géographique pour l'application dudit taux.

La TVA est déductible sur les dépenses engagées par un assujetti, redevable de la TVA, réalisées dans le cadre d'opérations taxables. L'entreprise en formation n'est pas un assujetti, pas encore.

La récupération de la TVA sur les dépenses engagées avant la création de l'entreprise ou de la société se fait sous conditions. L'administration fiscale est particulièrement attentive au respect de ces conditions. Elles permettent une rétroactivité limitée du droit à récupération de la TVA.

Principe : la récupération de la TVA est possible à partir de la date de création de la société

La date de création d'une société est celle qui est déclarée sur le site internet du guichet unique des formalités des entreprises. En effet, il n'est plus possible d'effectuer les démarches auprès des Centres de formalités des entreprises (CFE) et ce depuis le 1er janvier 2023.

La date de création figurera sur l'extrait K-bis de la société nouvelle.

Une société en formation n'est pas un assujetti à la TVA

Une société en formation n'entre pas dans la définition de l'assujetti à la TVA. Or, seul un assujetti peut récupérer ou déduire la TVA sur les dépenses réalisées dans le cadre de son activité économique. C'est pour cette raison que la date de création de la société est importante.

En principe, seules les dépenses engagées par la société à partir de cette date devraient pouvoir générer de la TVA déductible et faire l'objet d'une déduction sur les déclarations de TVA. 

Par exception, il est possible que la TVA ayant grevé des achats par le fondateur d'une société pendant sa période de formation puisse faire l'objet d'un droit à déduction dès lors que ladite société civile ratifie cet achat et que son fondateur n'utilise pas le bien pour exercer lui-même une activité taxable (Conseil d'État, 30 avril 1980 n°15506, SCI Guinard-Montrouge).

La date de création de la société n'est pas rétroactive

La société française devient un assujetti à la TVA à partir de sa date de création et sous réserve d'avoir déclaré réaliser des opérations taxables à la TVA. Il n'y a pas de rétroactivité.

Les sociétés étrangères, hors Union européenne qui peinent à réaliser les formalités nécessaires peuvent parfois demander la rétroactivité sous réserve de justifier de leur bonne foi. Elles doivent également accepter de régulariser toutes les opérations taxables non déclarées et de régler les pénalités correspondant à l'absence de déclaration sur la période.

La demande d'immatriculation rétroactive à la TVA pour les sociétés étrangères s'effectue auprès du centre des impôts des non-résidents.

La reprise des actes par la société et la déduction de la TVA

Les dépenses engagées pour le compte de la société en formation peuvent être reprises sous certaines conditions. La TVA sera alors déductible si le formalisme est respecté. La reprise des actes accomplis ou des dépenses engagées se fait par un état annexé aux statuts avant la signature des statuts. Par ailleurs, il est aussi possible, pour la reprise des actes, de désigner de manière expresse le gérant comme mandataire après la signature des statuts mais avant l'immatriculation de la société.

En l'absence de mandat ou d'état annexé aux statuts, les dépenses engagées peuvent être ratifiées à la majorité des associés après l'immatriculation.

Avant la signature des statuts : récupérer la TVA grâce à un état des dépenses engagées

Les dépenses engagées pour le compte de la société en formation avant la signature des statuts peuvent être reprises par la société, en vertu de l'article 1843 et suivants du Code civil. Cette reprise des dépenses, appelées ici engagements, se fait par la création d'un état récapitulatif en annexe des statuts.

L'état récapitulatif est plus qu'une liste des dépenses. Pour chaque engagement, il faut indiquer les conséquences qui en résultent pour la société.

Chacun des actes repris par la société doit mentionner le nom de la société en cours de formation et l'adresse de son futur siège social. Le dirigeant ou l'associé mandaté doit détenir les factures originales et les annexer aux statuts.

Les dépenses doivent être liées à l'activité de la société en formation et ne pas être trop éloignées de la date de signature des statuts. Une période de quelques semaines à quelques mois tout au plus est admise.

La signature des statuts par les associés et l'immatriculation au Registre nationale des entreprises (RNE) vaut alors reprise de ces engagements par la société. Les dépenses peuvent être remboursées par la société et la TVA devient récupérable et peut être déduite sur la déclaration de TVA de la société.

Pour rappel, le registre national des entreprises (RNE) est depuis le 1er janvier 2023, l'unique organe d'immatriculation des sociétés. Ce registre unique concerne l'ensemble des activités commerciale, artisanale, libérale, agricole et regroupe les anciens répertoires et registres tel que le RCS.

Avant l'immatriculation de la société : récupérer la TVA grâce à l'utilisation du mandat

Entre la date de signature des statuts et l'immatriculation au RNE, les actes accomplis pour le compte de la société peuvent être repris automatiquement si la personne qui réalise les dépenses pour le compte de la société le fait dans le cadre d'un mandat spécial.

Ce mandat spécial est donné dans les statuts ou par un acte séparé. Il s'agit le plus souvent d'un associé ou du gérant non associé. Le mandat précise la nature des actes à accomplir ou des dépenses à engager.