Preuve de la possibilité de prendre les congés payés : revirement de jurisprudence

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Dans un arrêt du 13 juin 2012 promis à une large publication (y compris le rapport annuel), la Chambre sociale de la Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence. En effet, elle estime qu'en cas de litige relatif à la prise des congés payés, la charge de la preuve n'incombe plus exclusivement au salarié.

Jusqu'à cette date, la position de la Cour suprême, obligeait le salarié à apporter la preuve de l'impossibilité de prise des congés payés du fait de l'employeur.  

Ainsi, dans l'affaire soumise à la Cour, un salarié avait demandé des dommages et intérêts à son employeur parce que celui-ci ne lui avait pas donné la possibilité de prendre ses congés payés alors même que tous les mois, il touchait l'indemnité compensatrice de 10%, en plus de son salaire brut.

La Cour d'appel avait estimé, en conformité avec la jurisprudence antérieure, que le salarié n'apportait pas la preuve des torts de l'employeur, considérant indirectement que le paiement des congés était suffisant (accueillant ainsi les arguments de l'employeur).

La Cour de cassation rappelle tout d'abord les textes communautaires qui font de la prise des congés payés (et non de leur paiement), un principe communautaire d'une particulière importance. Elle rappelle ensuite les obligations de l'employeur en matière de congés payés en inversant la charge de la preuve.

Attendu qu'eu égard à la finalité qu'assigne aux congés annuels la Directive 2003/ 88/ CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, il appartient à l'employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé, et, en cas de contestation, de justifier qu'il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la privation de congés annuels, l'arrêt retient que les bulletins de salaires ne mentionnent pas de date de prise de congés payés annuels mais attestent du versement de la majoration de 10 % et que le salarié ne démontre pas s'être trouvé dans l'impossibilité de prendre ses congés annuels du fait de l'employeur alors que ces congés lui ont été payés ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le versement d'une indemnité ne peut suppléer la prise effective des congés et qu'il ressortait de ses constatations que l'employeur ne justifiait pas avoir satisfait à ses obligations, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

C'est à l'employeur de prouver qu'il a effectué toutes les diligences nécessaires afin d'informer les salariés de leurs droits et de leur permettre de prendre les congés payés. Ces diligences sont énumérées aux articles D3141-5 et D3141-6 du code du travail.

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Sandra Schmidt
Rédactrice sur Compta Online de 2014 à 2022, média communautaire 100% digital destiné aux professions du Chiffre depuis 2003.