Le pouvoir disciplinaire de l'employeur

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Publié le
Modifié le 26/03/2024
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En droit du travail, le pouvoir disciplinaire se traduit par la prérogative dont dispose un employeur pour élaborer des règles que ses salariés devront respecter. Si un salarié a commis un acte constitutif d'une faute, il encourt une sanction prise à l'issue d'une procédure spécifique.

Comment se traduit le pouvoir disciplinaire de l'employeur ? Quelles sont ses limites ?

De quels pouvoirs dispose l'employeur ? 

En vertu du lien de subordination, l'employeur dispose d'un certain nombre de pouvoirs envers son salarié.

Ces pouvoirs sont au nombre de 3 :

  • le pouvoir de direction : l'employeur dirige l'ensemble des salariés. En vertu de son contrat de travail, le salarié s'engage à respecter les directives de son employeur ; 
  • le pouvoir de contrôle : il peut donc contrôler le travail des salariés sous conditions. Plusieurs dispositifs peuvent être mis en place (système de pointage, vidéosurveillance, etc.) mais doivent être conformes à la loi ;
  • le pouvoir de sanction : l'employeur a le pouvoir de sanctionner le comportement fautif de ses salariés. On parle de pouvoir disciplinaire. La mise en pratique de ce pouvoir est réglementée.

Attention

Selon un arrêt de la Cour de cassation du 14 février 2024, un employeur peut déployer un système de vidéosurveillance sans en informer ses salariés, à condition que cette mesure soit proportionnée à l'objectif visé.

Cette décision fait suite au licenciement pour faute grave d'une employée commettant un vol, filmée à son insu par la vidéosurveillance. Contestant la légalité de son licenciement, faute d'information sur la surveillance, elle a été déboutée par la justice.

La Cour justifie sa décision en considérant la protection des biens de l'entreprise comme un motif légitime, estimant que la violation de la vie privée était mesurée au vu de l'objectif de sécurité (Cour de cassation, 14 février 2024, n°22-23.073).

Que recouvre le pouvoir disciplinaire ? 

Le pouvoir disciplinaire est une prérogative de l'employeur lui permettant d'établir des règles que les salariés de l'entreprise devront respecter et de sanctionner les comportements fautifs.

L'exercice de ce pouvoir est encadré par les juges qui contrôlent la régularité de la sanction.

Il trouve, par principe, sa source dans le contrat de travail qui le lie à ses salariés. L'employeur peut ainsi sanctionner la conduite fautive du salarié placé sous sa subordination et son autorité.

Outre les règles de loi et de jurisprudence, ce pouvoir est établi à d'autres niveaux.

Lorsque sa mise en place est obligatoire, il revient, en premier lieu, au règlement intérieur de fixer les règles générales relatives à la discipline (nature et échelle des sanctions). Les mesures doivent être déterminées avec précision, faute de quoi l'employeur ne sera pas autorisé à y recourir.

Il est également possible que des conventions ou accords collectifs de travail précisent  la nature et l'échelle des sanctions applicables dans l'entreprise et fixent une procédure disciplinaire supplémentaire.

Comment s'exerce le pouvoir disciplinaire de l'employeur ? 

Le pouvoir disciplinaire de l'employeur se déclenche lors du comportement fautif du salarié. Un tel comportement est déterminé lorsqu'une faute relative à une obligation découlant du contrat de travail est relevée.

Les potentielles sanctions disciplinaires

L'employeur peut relever plusieurs types de sanctions à l'encontre d'un salarié responsable d'un comportement fautif.

On souligne, par ordre de gravité, en premier lieu :

  • l'avertissement ou le blâme, inscrit au dossier du salarié et formalisés par écrit, cette sanction vise à avertir le salarié lorsque sa faute est d'une moindre gravité ; 
  • la mise à pied disciplinaire : sanction consistant à suspendre le contrat de travail du salarié ainsi que le versement de son salaire. 

D'autres sanctions sont applicables dans certaines entreprises :

  • la rétrogradation disciplinaire du salarié (temporaire ou définitive) ; 
  • la mutation du salarié sur un autre poste, une autre succursale ou un autre lieu de travail. 

Enfin, nous avons les sanctions les plus lourdes de conséquence puisqu'elles induisent une rupture définitive du contrat de travail. Ces mesures viennent sanctionner les comportements particulièrement graves.

Parmi elles, il y a la rupture anticipée du CDD pour faute grave. Également le licenciement pour faute réelle et sérieuse intervenant lorsque le salarié a commis des fautes d'une importante gravité (absences injustifiées, insubordination, etc.).

Le licenciement pour faute grave ou faute lourde venant sanctionner une faute d'une gravité exceptionnelle rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Ce licenciement ne permet pas au salarié visé de bénéficier d'indemnités de rupture.

La procédure disciplinaire applicable 

Bien que l'employeur dispose d'un pouvoir de sanction, il est tenu de respecter une procédure spécifique pour le mettre en ½uvre.

Il doit, en premier lieu, convoquer le salarié à un entretien préalable par lettre recommandée avec accusé de réception ou par remise en main propre contre décharge. Cette convocation doit contenir la date, le lieu, l'objet de l'entretien et préciser la possibilité pour le salarié de se faire assister par un autre salarié de l'entreprise.

Durant l'entretien, il incombe à l'employeur de préciser les motifs du licenciement envisagé et d'écouter les explications du salarié.

S'il souhaite sanctionner le salarié, il doit notifier sa décision par lettre recommandée avec accusé de réception ou par remise en main propre contre décharge. La notification ne peut intervenir avant 2 jours ouvrables minimum suivant l'entretien.

Les mesures de sanction doivent être prises dans un délai de 2 mois à compter du jour où l'employeur a eu connaissance de la sanction. De plus, au-delà d'un délai de 3 ans, aucune sanction ne peut venir appuyer la prise d'une nouvelle sanction.

Quelles sont les limites du droit disciplinaire ? 

Le pouvoir disciplinaire de l'employeur présente des limites. En effet, celui-ci ne peut prendre des mesures qui seraient discriminatoires à l'encontre du salarié (fondées sur l'orientation sexuelle, la maladie, la religion, etc.).

De plus, l'employeur doit prendre des mesures proportionnées à la gravité du comportement invoqué. En effet, toute mesure disproportionnée ou vexatoire pourrait être contestée devant le conseil de prud'hommes.

La règle du « non bis in idem »

Cette règle interdit à tout employeur de sanctionner deux fois les mêmes faits considérés comme fautifs.

L'employeur épuise ainsi son pouvoir disciplinaire à compter de la première sanction.

On parle de règle dite de l'interdiction de la double sanction.

La règle de l'épuisement de la sanction 

En effet, l'employeur ne peut pas sanctionner après à une sanction, un fait antérieur à la première sanction dont il avait connaissance. La notification de la sanction épuise son pouvoir disciplinaire.

En effet, selon la jurisprudence, dans le cas où l'employeur a connaissance de plusieurs faits reprochés et décide de ne sanctionner qu'un seul fait, la règle de l'épuisement du pouvoir disciplinaire lui interdit d'envisager une sanction ultérieure sur ces mêmes faits.

La règle de la prescription 

Aucun fait fautif ne peut donner lieu à une sanction disciplinaire au-delà d'un délai de 2 mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, sauf si ce fait a donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.