Les commissaires aux comptes doivent mieux communiquer pour démontrer leur utilité auprès des dirigeants

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Le rapport de la mission de Cambourg, présenté début juillet a l'avantage de prôner la conservation de l'audit légal dans les PME. Il est cependant loin d'être suffisant aux yeux de nombreux commissaires aux comptes qui estiment qu'il faut continuer à faire des propositions.

Parmi ces commissaires aux comptes se trouve le collectif CAC en mouvement ou « InterCRCC », une organisation apolitique qui regroupe plusieurs compagnies régionales de commissaires aux comptes. Son objectif est de faire remonter des propositions à la CNCC et au gouvernement, de la part des territoires.

Farouk Boulbahri, président de la CRCC d'Aix-Bastia, réagit au rapport de la commission de Cambourg. Pour lui, le « rapport permet des ouvertures pour la profession, mais pas assez ». C'est donc aux commissaires aux comptes de trouver des axes de rebond et de repenser le métier de demain.

« Je lis entre les lignes que les commissaires aux comptes disposent d'un délai de trois ans pour s'améliorer et justifier de leur utilité auprès de leurs clients ».

Trop de clients font « l'amalgame entre le faiseur de comptes, l'expert-comptable et l'auditeur légal ».

« Nous sommes responsables de cette confusion parce que beaucoup de confrères ont fait l'amalgame entre la mission d'expert-comptable et celle d'auditeur légal ».

Aux commissaires aux comptes de sortir un peu des chiffres pour aller davantage vers « les nouveaux risques de fraude qui apparaissent. Je pense notamment aux certifications qu'il devrait y avoir sur la blockchain, les cyber risques et la cybersécurité ». Ici, ce sont « les petites entreprises qui sont les plus vulnérables ». Le rapport de Cambourg « n'est pas allé assez loin sur ce nouveau périmètre éventuel » qui permettrait de donner une meilleure image de la profession.

« L'auditeur de demain doit être digital, communicant et réactif ». Il faut « repenser la formation des auditeurs pour la mettre en adéquation avec les enjeux liés aux données des entreprises ».

« Il faut absolument que l'audit légal PE soit obligatoire »

Le rapport de la commission présidée par Patrick de Cambourg a le « mérite de proposer de conserver l'audit légal dans les PME ». Cependant, pour garantir l'indépendance des auditeurs, la mission « doit être une mission légale ».

À partir du moment où l'on parle d'audit volontaire, les « banques et les gros réseaux bancaires » vont exiger des signatures de cabinets internationaux et de grands groupes ». Le « marché sera concentré et on fera appel aux grands cabinets parce qu'il n'y aura plus d'alternative ».

« L'arrêt des mandats et la reprise pour trois ans pose un problème de constitutionnalité de la mesure »

Le délai de trois ans laissé aux auditeurs pour s'adapter aux nouveaux seuils de nomination a peut être aussi un autre objectif. Il pourrait s'agir « d'une manière de calmer volontairement les inquiétudes de la profession, pour éviter d'indemniser une partie des professionnels qui ne vont plus exercer l'audit à terme ».

C'est aussi un délai qui pose problème puisque les mandats sont des contrats, signés par les entreprises. Il n'est pas certain qu'ils puissent être remis en cause sans heurter certains principes tels que la liberté contractuelle.

« Nous tenons à la tutelle du ministère de la justice »

Le discours du garde des sceaux lors du dernier conseil national de la CNCC a fait réagir. Si son discours était positif pour les commissaires aux comptes, « on sent bien que la tutelle nous échappe au profit de Bercy » précise Farouk Boulbahri.

La ministre de la justice « n'a pas la mainmise sur les décisions qui concernent notre métier puisque la loi PACTE dépend de Bruno Le Maire, un ministre ultra libéral ».

Or, « nous tenons à la tutelle du ministère de la justice » qui « nous permet d'avoir des relations privilégiées avec le parquet, les autorités judiciaires, la police judiciaire, le parquet financier ou encore les commissions de liaisons régionales de chaque cour d'appel ».

« La remontée des seuils nous pend au nez depuis 20 ans ou au moins depuis 2008 »

Les seuils de nomination des commissaires aux comptes n'ont pas été réévalué depuis de nombreuses années. Au niveau de la CNCC, « qui est aux mains des grands cabinets, il y a une volonté de concentration et surtout, une volonté que rien ne bouge » estime Farouk Boulbahri.

« Il y a six ans, lorsque j'ai interpellé le président de la CNCC de l'époque sur la nécessité de créer un département petites entreprises, j'ai essuyé un refus ».

C'est pour cette raison que le collectif CAC en mouvement a été créé, pour faire des propositions concrètes.

Aujourd'hui, nous attendons les amendements prévus pour fin juillet et début août et de nombreux professionnels sont dans l'expectative.

« Nous devons adapter nos diligences au niveau de risque et à la taille de l'entreprise »

L'audit proportionné est l'une des propositions portées par le collectif CAC en mouvement, ce n'est pas la seule.

Dans les petites entreprises, le commissaire aux comptes est « noyé dans le formalisme ». Pour redorer l'image des professionnels aux yeux des dirigeants d'entreprises, les diligences doivent donc être « adaptées au niveau de risque et à la taille de l'entreprise ». « On proportionne nos interventions et notre degré de diligence et le régulateur proportionne le contrôle d'activité correspondant ».

Le collectif souhaite aussi une « institution plus réactive, proche du terrain » et « qui intègre les jeunes professionnels de manière totale en son sein » pour permettre le renouveau de la profession.



Sandra Schmidt
Rédactrice sur Compta Online de 2014 à 2022, média communautaire 100% digital destiné aux professions du Chiffre depuis 2003.