Le rebond programmé des commissaires aux comptes

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Les commissaires aux comptes sont mis à mal par un changement conséquent de réglementation de leur profession. C'est la loi PACTE qui a fait tant de bruit. Avec elle, le relèvement brutal des seuils de nomination des CAC promet d'avoir une double conséquence.

La première conséquence est la concentration du marché de l'audit entre les mains des grands cabinets et réseaux bien implantés. La seconde est l'affaiblissement du maillage territorial au profit de l'Île-de-France notamment.

Pour rebondir, ils doivent désormais se former pour acquérir de nouvelles compétences et réfléchir à leur avenir tous ensemble, sans s'arrêter à leur utilité, malmenée par les médias. Ce sont les objectifs de la consultation nationale et de la convention de Lille, les 7 et 8 novembre 2019.

Retour sur l'actualité de la profession et les actions mises en ½uvre avec Jean Bouquot, président de la CNCC.

Un cadre légal français très différent de celui des pays anglo-saxons

L'actualité récente fourmille de références à la qualité de l'audit externe en Grande-Bretagne, au point que certains très grands cabinets internationaux, en ont fait un axe de communication auprès de leurs clients.

On y apprend ainsi que les 7 plus grands cabinets présents dans ce pays n'ont pas atteint les objectifs de qualité fixés par le régulateur anglais.

Certains ont ainsi pris le parti de comparer la situation des auditeurs externes dans les deux pays. Ce n'est pourtant pas aussi simple.

« Les cabinets d'audit français sous le contrôle du H3C font un gros travail de respect des normes et de la déontologie depuis 2003 » estime Jean Bouquot. De plus, le  « cadre légal français est très différent de celui de la Grande-Bretagne, ne serait-ce qu'à cause de la responsabilité pénale des commissaires aux comptes français ». Cette responsabilité pénale est « plus engageante que la simple responsabilité civile ou disciplinaire ».

« Des technologies qui vont offrir la possibilité de gagner en profondeur »

Si les technologies « ont de plus en plus d'impact dans les travaux des commissaires aux comptes », elles ne sont pas la réponse à toutes les problématiques.

L'auditeur externe aura la possibilité « de gagner en profondeur, de faire des recherches plus ciblées, d'aller plus loin que les traditionnels échantillonnages », il restera toujours « le jugement humain qui nécessite du recul, des compétences et du temps ».

« La concentration du marché risque de faire perdre l'ancrage territorial »

C'est un peu « l'ironie de la situation provoquée par le relèvement des seuils » estime ici Jean Bouquot. D'un côté, il est question de « limiter la concentration du marché et de l'autre, le relèvement brutal des seuils risque d'avoir un effet de concentration sur les moyens et grands cabinets ».

Un « marché hyperconcentré fera perdre à la profession son ancrage territorial », la rendant par la même occasion, « moins pertinente dans certains secteurs comme le monde associatif ou celui des collectivités territoriales ».

Au final, « le choix de la concentration n'est pas entre les mains de la profession ».

« L'ouverture de nouveaux champs : des attestations au-delà de la certification des comptes »

Ce nouveau champ d'action des commissaires aux comptes a été voulu par le législateur. Les attestations des commissaires aux comptes vont concerner des secteurs extrêmement variés pour « donner confiance dans les données, les processus, le RGPD, la cybersécurité ».

Les commissaires aux comptes « doivent se saisir de ce champ de rebond, agir dans ces domaines en étant dans le marché et en restant encadré par les normes, en respectant leur ADN » estime encore Jean Bouquot. La profession « ne doit pas se limiter aux seules missions d'opinion dont le champ est beaucoup plus réduit ».

Les professionnels ont la « compétence sectorielle pour décrypter les risques dans une entreprise », faire bénéficier les entreprises de « leur jugement tout en étant à l'écoute » et pour « apporter des missions d'assurance et donner de la confiance ».

« Les commissaires aux comptes doivent désormais se préoccuper des souhaits du marché »

Le commissaire aux comptes doit pouvoir « embrasser ce nouveau rôle qui est le sien ». Les normes d'exercice sur les mandats d'opinion de 3 et 6 ans « doivent déjà permettre d'apporter plus de valeur ajoutée aux entreprises ».

La CNCC envisage de « construire un catalogue d'offre de marché, d'attestations avec des exemples de lettres de missions, de rapports, de procédures à mettre en ½uvre pour illustrer ce que peuvent être ces missions ».

La formation « doit également être repensée de fond en comble dans le cadre d'un projet qui s'inscrit sur 3 ans ». C'est un projet très ambitieux qui doit orienter les professionnels vers les soft skills dont ils auront besoin.

L'accompagnement des professionnels les plus touchés : l'association Soutien CAC

La CNCC a déjà mis en place un numéro vert et un référent humain pour les commissaires aux comptes en difficulté ainsi qu'un « soutien psychologique par des sachants ».

À ces éléments qui doivent permettre l'écoute des professionnels, s'ajoutent :

  • une aide au montage du dossier de demande d'indemnisation ;
  • la signature d'un contrat avec un prestataire pour les problèmes financiers passagers.

Enfin, la création de l'association « Soutien CAC » doit « offrir un champ de dialogue et d'actions plus percutant ». En seront membres, la CNCC et les CRCC et tous les professionnels qui le souhaitent.

« L'objectif de l'association est d'utiliser les moyens de la CNCC et si possible, d'aller encore plus loin ».

L'association travaillera également avec les membres de l'association CAC Indemn' qui profiteront de ce rapprochement.

« Les commissaires aux comptes ne doivent pas rester inactifs et subir »

C'est l'objectif de la Convention de la CNCC qui doit être organisée les 7 et 8 novembre 2019 à Lille. Le nouveau format doit favoriser la réflexion des professionnels sur leur avenir, leur attractivité et favoriser le rebond.

En amont de la Convention, les idées, observations, interpellations sont récoltées jusque fin août par le site "convention-nationale-cac.com" et des réunions organisées sur le terrain.

Le fruit de ces travaux permettra de « construire les piliers du rebond et les axes de communication de la profession qui a besoin d'expliquer son utilité à l'extérieur ».

La Convention de Lille doit ainsi permettre aux commissaires aux comptes de « repartir en avant avec le visage le plus positif possible ». Elle doit « les empêcher de s'enliser et de laisser le temps s'écouler en les aidant plutôt à prendre leur destin en main » conclut Jean Bouquot.



Sandra Schmidt
Rédactrice sur Compta Online de 2014 à 2022, média communautaire 100% digital destiné aux professions du Chiffre depuis 2003.