La nouvelle réforme des plus-values mobilières

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La loi de finances pour 2013 a réformé en profondeur le régime des plus-values mobilières.

En effet, alors qu'elles étaient préalablement soumises à l'impôt sur le revenu au taux fixe de 19% (1), les plus-values constatées, depuis le 1er janvier 2013, lors de la cession de valeurs mobilières sont imposables au barème progressif de l'impôt sur le revenu, après application d'un abattement pour durée de détention. La loi de finances pour 2013 a fixé cet abattement à 20% après deux ans de détention, 30% après quatre ans de détention et 40% après six ans de détention.

Toutefois, pour ne pas pénaliser la création d'entreprise, plusieurs régimes de faveur ont été mis en place, sous forme, notamment, d'exonération ou d'abattement renforcé, au profit des cessions réalisées par les dirigeants de PME prenant leur retraite, aux cessions de titres de sociétés bénéficiant du statut de "Jeune Entreprise Innovante" (JEI), etc.

La loi de finances pour 2014 a réaménagé une nouvelle fois le régime d'imposition des plus-values sur cession de valeurs mobilières. Si le principe de l'imposition au barème progressif de l'impôt sur le revenu après application d'un abattement pour durée de détention est conservé, le taux de cet abattement est augmenté, des abattements dérogatoires ont été créés et les différents régimes de faveur supprimés.

Régime de droit commun

Comme on l'a dit, les plus-values sur cessions de valeurs mobilières relèvent du barème progressif de l'impôt sur le revenu, après déduction d'un abattement pour durée de détention.

La loi de finances pour 2014 a simplifié le barème de cet abattement (i.e. suppression d'une tranche) et relevé les taux à :

  • 50% après deux ans de détention (contre 20% préalablement) ;
  • 65% après huit ans de détention (contre 40% préalablement).

Comme dans le régime en vigueur depuis le 1er janvier 2013, le nouveau dispositif vise l'ensemble des gains nets de cession d'actions, de parts de sociétés, de droits portant sur ces parts ou actions (i.e. nue-propriété ou usufruit) et de titres représentatifs de parts de sociétés, actions ou droits portant sur ces parts ou actions (i.e. SICAV, parts de FCP, etc).

Ces aménagements concernent les plus-values réalisées depuis le 1er janvier 2013 ; l'abattement pour durée de détention moins favorable mis en place par la loi de finances pour 2013 n'aura donc jamais à s'appliquer.

Remarque 1 : l'abattement pour durée de détention a un large champ d'application qui couvre notamment les compléments de prix perçus par le cédant, les répartitions d'actifs par les FCPR, les distributions de plus-values par les SCR, etc.

Remarque 2 : la durée de détention est décomptée à partir de la date de souscription ou d'acquisition des actions, parts, droits ou titres et prend fin à la date de la cession.

Dispositifs dérogatoires pour favoriser la création d'entreprise

Plusieurs dispositifs dérogatoires ont été introduits pour encourager la création, le développement ainsi que la transmission d'entreprises, prenant la forme d'un abattement pour durée de détention majoré ou d'un abattement fixe cumulable avec l'abattement pour durée de détention majoré.

Ces dispositifs sont plus avantageux que le régime de droit commun mais souvent moins favorables que ceux mis en place par la loi de finances pour 2013 (et supprimés par la loi de finances pour 2014).

Cession de titres de PME acquis ou souscrits dans les dix ans de sa création

Les plus-values réalisées au titre de la cession de titres de PME au sens communautaire du terme, acquis ou souscrits dans les dix ans de la création de ladite PME, peuvent bénéficier, sous réserve du respect de certaines conditions, d'un abattement pour durée de détention majoré, égal à :

  • 50% lorsque la durée de détention des titres est comprise entre 1an et quatre ans ;
  • 65% lorsque la durée de détention est comprise entre quatre et huit ans ;
  • 85% au delà de huit de détention.

Ce régime favorable est applicable aux cessions de sociétés opérationnelles relevant de l'impôt sur les sociétés et établies en France, dans l'Union européenne, en Islande, en Norvège ou au Liechtenstein, réalisées depuis le 1er janvier 2013. Entre outre, la PME ne doit pas être issue d'une concentration, d'une restructuration, d'une extension ou d'une reprise d'activités préexistantes.

Remarque : sont des PME au sens communautaire du terme les sociétés qui emploient moins de 250 personnes, et qui, soit réalisent un chiffre d'affaires n'excédant pas 50 millions d'euros, soit ont un bilan annuel n'excédant pas 43m¤.

Cession au sein du groupe familial

Le même abattement pour durée de détention majoré s'applique aux plus-values constatées lors de la cession de droits dans une société soumise à l'impôt sur les sociétés ou à un impôt équivalent (2) et ayant son siège dans un État de l'Espace Économique Européen, lorsque que ladite cession est réalisée au profit de l'un des membres du groupe familial. Ce dispositif concerne les cessions intervenant à compter du 1er janvier 2014 (le régime plus favorable mis en place par la loi de finances pour 2013, consistant en une exonération de la plus-value, s'applique donc aux cessions effectuées en 2013).

Cette mesure est réservée aux situations où le groupe familial détient ou a détenu, directement ou indirectement, plus de 25% des droits dans les bénéfices sociaux de la société à un moment quelconque au cours des cinq années précédant la cession. En outre, l'acquéreur ne doit pas revendre tout ou partie des droits acquis à un tiers dans un délai de cinq ans.

Remarque : pour cette mesure, le groupe familial inclut le cédant, son conjoint, leurs descendants ou ascendants, ainsi que leurs frères et s½urs.

Mesures en faveur des dirigeants de PME prenant leur retraite

La loi de finances pour 2014 a introduit deux dispositifs en faveur des dirigeants de PME prenant leur retraite, applicables aux cessions réalisées à compter du 1er janvier 2014 :

  • Les plus-values constatées par les dirigeants lors de la cession de leur entreprise, à l'occasion de leur départ en retraite, sont diminuées d'un abattement fixe de 500.000¤. Cet abattement s'applique une seule fois pour l'ensemble des gains afférents à une même société, même si la cession des titres est effectuée de manière échelonnée. En cas d'imputation partielle de l'abattement, l'excédent peut être reporté sur les plus-values constatées lors des cessions ultérieures des titres de la même société ; 

  • Une fois cet abattement fixe déduit, le solde de la plus-value est diminué de l'abattement majoré pour durée de détention précité.


Plusieurs conditions cumulatives doivent être remplies pour bénéficier de ces mesures favorables.

Principales conditions concernant la société dont les titres sont cédés

  • la société est une PME, au sens communautaire du terme ;
  • dont le siège social est situé dans l'Espace Economique Européen ;
  • relevant de l'impôt sur les société de plein droit ou sur option ; 
  • ayant exercé une activité industrielle, commerciale, artisanale, libérale, agricole ou financière, de manière continue au cours des cinq dernières années ;
  • dont 75% au moins du capital social est détenu par des personnes physiques ou des PME.

Principales conditions concernant les dirigeants

Sont considérés comme des cédants éligibles à ces dispositifs les personnes qui :

  • sans interruption au cours des cinq dernières années précédant la cession, ont dirigé la société ; 
  • ont détenu, directement ou indirectement, ou par l'intermédiaire du groupe familial, au moins 25% des droits de vote ou des droits financiers de la société cédée ;
  • ont cessé toute fonction salariée dans la société ; et, 
  • ont fait valoir leurs droits à la retraite dans les deux ans suivant ou précédant la cession.

Suppression de plusieurs régimes dérogatoires

La loi de finances pour 2014 a supprimé plusieurs régimes dérogatoires introduits par la loi de finances pour 2013 :

  • le taux forfaitaire de 19% bénéficiant à certains salariés et dirigeants créateurs d'entreprises ;
  • l'exonération des plus-values de cession de titres de jeunes entreprises innovantes ;
  • l'exonération des plus-values de cession au sein du groupe familial dès lors que la participation du groupe familial dans la société excède 25% ;
  • l'abattement spécifique en faveur des dirigeants de PME partant à la retraite ;
  • le dispositif de report d'imposition sous condition de remploi.

Ces suppressions entrent en vigueur à partir du 1er janvier 2014, à l'exception de la première qui s'applique aucun plus-values réalisées à compter du 1er janvier 2013.

(1) Outre l'impôt sur le revenu au taux de 19%, les plus-values mobilières étaient soumises aux prélèvements sociaux. La réforme de la taxation des plus-values mobilières couvre uniquement l'impôt sur le revenu, les prélèvements sociaux continuant d'être perçus dans les mêmes conditions que préalablement (taux global de 15,5% à ce jour).

(2) Il peut s'agir d'une société relevant de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, effectivement soumises à l'impôt ou exonérée.



Clotilde Cattier, avocate spécialisée en fiscalité, inscrite au Barreau de Paris.
Contact : contact@clotilde-cattier.com

Après avoir passé deux ans chez STC Partners et six ans chez Taj (Deloitte), Clotilde a rejoint le cabinet Room Avocats, en Suisse. Elle partage son temps entre Paris et la Suisse.

Ses principaux domaines d'intervention, en fiscalité française et internationale, sont les suivants :

  • fiscalité patrimoniale (restructuration de patrimoine, transmission de patrimoine, acquisition/détention/cession de biens immobiliers, etc.) ;
  • fiscalité des particuliers (imposition des cadres internationaux et des dirigeants, traitement fiscal des pensions de retraite versées sous forme de capital, etc.) ;
  • installation en Suisse de personnes physiques et de sociétés ;
  • fiscalité générale des entreprises (restructurations, assistance à contrôle fiscale, intégration fiscale, problématiques de remontée des liquidités, etc.) ;
  • fiscalité immobilière (fiscalité des marchands de biens et des promoteurs immobiliers) ;
  • fiscalité internationale (transactions transfrontalières, traitement fiscal des flux internationaux, etc.) ;
  • opérations de fusions-acquisitions ;
  • régularisation de la situation fiscale des français détenant des avoirs non déclarés à l'étranger.