La fiabilité des comptes locaux : quel rôle pour la profession comptable ?

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La Cour des comptes est déjà amenée à certifier le régime général de la Sécurité sociale, les comptes de l'État ou encore de l'Assemblée nationale et du Sénat.

La Cour des comptes est organisée en 6 chambres thématiques. Les chambres concernées par des travaux de certification recrutent des experts en CDD pour une durée de 3 à 5 ans disposant, la plupart du temps, d'une première expérience en cabinet d'audit

Matthieu Sannet fait partie de ces diplômés d'expertise comptable qui se sont orientés vers le secteur public, d'abord via un master spécialisé après le DEC, ensuite, en postulant à la Cour des comptes.

Après avoir eu son diplôme d'expertise comptable en 2017, il quitte son cabinet pour rejoindre la quatrième chambre de la Cour des comptes début 2018. Depuis, il participe à l'expérimentation de la certification des collectivités territoriales qui a débuté en 2015 avec la loi dite « NOTRe ».

A partir de 2020, des cabinets d'expertise comptable et d'audit sélectionnés par appel d'offre interviendront auprès de certaines de ces collectivités et formuleront une première opinion sur leurs comptes. Témoignage

Une expérimentation originale basée sur le volontariat

A l'approche des élections municipales, le sujet de la fiabilité des comptes locaux pourrait (re)venir sur le devant de la scène. Les constats des chambres régionales des comptes étaient déjà alarmants à ce sujet (méconnaissance du patrimoine, problèmes de rattachement...). « Cependant, les collectivités locales n'étaient, jusqu'à présent, pas soumises à la certification de leurs comptes », explique Matthieu Sannet.

« L'expérimentation, sur la base du volontariat, concerne des collectivités publiques locales de tailles très différentes, depuis la commune de 300 habitants jusqu'à la mairie de Paris. Au total, parmi les collectivités qui se sont portées candidates, 25 d'entre elles ont été retenues dans toute la France.

L'expérimentation est conduite en 3 phases. La première phase, engagée en 2017, a consisté en un diagnostic d'entrée, mené pour chaque entité par des équipes mêlant des experts de la Cour et des magistrats et vérificateurs de chambres régionales des comptes.

Au cours de la seconde phase, de 2018 à 2020, la Cour des comptes conserve le pilotage de l'expérimentation. À ce stade, il s'agit d'auditer des thématiques particulières (arrêté des comptes, charges de personnel etc.). Cette phase se termine début 2020.

Matthieu Sannet s'est déplacé dans de nombreuses collectivités locales. Il rappelle que « le travail de production des rapports à la Cour des comptes fait une large place à la collégialité, c'est-à-dire que les conclusions ne sont pas celles de l'équipe mais sont approuvées par des magistrats en formation de délibéré ». Il soulève une autre particularité des modalités de travail à la Cour des comptes, le principe du contradictoire, c'est-à-dire que « les projets de rapports sont envoyés aux collectivités qui disposent d'un délai pour y répondre par écrit ».

L'intervention des professionnels du chiffre et les premières opinions

Au cours de la troisième et dernière phase, de 2020 à 2023, plusieurs collectivités vont réaliser des appels d'offres pour faire intervenir experts-comptables ou commissaires aux comptes. « Il s'agira d'une certification, d'une mission d'examen limité, d'attestations particulières ou d'une mission de présentation à blanc avec une première opinion émise ». Un modèle de cahier des charges a été publié par la Cour pour permettre aux collectivités territoriales de choisir leur cabinet.

Chaque année, la Cour des comptes émettra un avis de conformité au cahier des charges des travaux du cabinet. Les cabinets vont donc devoir s'adapter à un format spécialement conçu pour l'expérimentation, mais largement inspiré des normes professionnelles d'audit et d'expertise comptable.

Si « certains cabinets auront peut-être plus de facilités à répondre aux appels d'offres du fait de divisions ou de compétences dédiées au secteur public, tout cabinet qui remplit les conditions fixées dans l'appel d'offre peut être concerné ».

En 2023, la Cour des comptes remettra un rapport au Parlement qui exprimera un avis quant à l'opportunité de généraliser ou non la certification des comptes des collectivités territoriales.



Sandra Schmidt
Rédactrice sur Compta Online de 2014 à 2022, média communautaire 100% digital destiné aux professions du Chiffre depuis 2003.