Faute inexcusable de l'employeur : décryptage, procédures et conséquences

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Modifié le 04/02/2024
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Tout salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle (AT/MP) ou ses ayants droit peuvent invoquer la faute inexcusable de l'employeur, afin d'obtenir réparation.

La faute inexcusable se définit comme le manquement par l'employeur à son obligation de sécurité lors d'une maladie professionnelle ou d'un accident de travail. L'employeur doit, en effet, entreprendre toutes les mesures nécessaires à la protection de la sécurité de ses salariés.

Quelle est la définition de la faute inexcusable ? 

La faute inexcusable a été redéfinie par les arrêts dits « amiante » du 28 février 2002 relatifs aux salariés atteints de maladies professionnelles liées à l'amiante.

De ces arrêts résultait une obligation de sécurité de résultat fondée sur le contrat de travail du salarié. La seule survenance d'une maladie professionnelle suffisait à engager sa responsabilité s'il avait conscience du danger et n'avait entrepris aucune mesure pour protéger le salarié.

Cette obligation a, par la suite, été allégée en 2015 et l'employeur est, désormais, soumis à une obligation de moyens renforcée.

L'employeur peut donc s'exonérer de sa responsabilité s'il justifie avoir pris toutes les mesures nécessaires pour préserver la santé et la sécurité de ses salariés.

Enfin, la faute inexcusable n'est pas une faute volontaire. Elle se distingue donc de la faute intentionnelle.

Comment faire reconnaître une faute inexcusable ?



La preuve de la faute inexcusable

La charge de la preuve repose sur la victime salariée. Il lui revient de prouver que l'employeur avait conscience ou aurait dû avoir conscience du danger.

Parmi les éléments pouvant aboutir à la reconnaissance d'une faute inexcusable :

  • l'absence d'évaluation des risques par l'employeur ;
  • l'absence de mesures prises en prévention des risques ;
  • l'absence de mise à jour du document unique d'évaluation des risques professionnels (DUERP) ;
  • l'insuffisance des moyens de protection fournis ;
  • l'absence de vérification de l'effectivité des mesures de prévention.

Pour les salariés en contrat à durée déterminée, en contrat de travail temporaire et les stagiaires, la faute inexcusable est présumée en cas survenance d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle sans que la formation obligatoire à la sécurité renforcée n'ait été dispensée. On parle de présomption simple, pouvant donc être renversée par toute preuve contraire.

Par ailleurs, l'employeur dispose de son droit de défense. Il peut prouver sa méconnaissance du danger ou qu'il a entrepris toutes les mesures pour assurer la santé et la sécurité de ses salariés. En cas de preuve suffisante, il peut échapper à la reconnaissance de la faute inexcusable.

La procédure de reconnaissance de la faute inexcusable

A la demande de la victime ou à l'initiative de la Caisse primaire, une procédure de conciliation est engagée pour obtenir un accord amiable avec l'employeur sur la reconnaissance de la faute inexcusable et le montant de l'indemnisation complémentaire.

À l'issue de la procédure amiable, un procès-verbal (de carence, de conciliation ou de non-conciliation) est établi par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (CPAM) et signé par les parties.

À défaut d'accord, la caisse ou la victime peut engager une action devant la juridiction compétente.

La demande de reconnaissance de la faute inexcusable est soumise à un délai de prescription de 2 ans. Ce délai court à compter de la date de l'accident du travail ou de la date d'information par certificat médical établissant le lien de causalité entre l'activité professionnelle et la maladie. Le délai peut également courir à la date de cessation du paiement des indemnités journalières.

E n cas d'action pénale en cours, le délai de 2 ans court à compter de la décision définitive.

Faute inexcusable de l'employeur et indemnisation



Une majoration de la rente en cas d'AT/MP

En cas de reconnaissance de la faute inexcusable, la victime ou ses ayants-droits disposent d'un droit à une majoration de rente ou de capital versée par la CPAM.

Cette majoration peut être réduite en cas de faute inexcusable de la victime. Toutefois, la responsabilité de l'employeur résultant de sa faute inexcusable ne pourra être exonérée en cas de faute de la victime.

E n cas de décès suite à un accident du travail, la majoration de la rente perçue par les ayant-droits est de 100%.

Le 20 janvier 2023, la Cour de cassation, par deux décisions majeures, a procédé à un revirement concernant l'indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Selon les juges, la rente forfaitaire attribuée à une victime d'incapacité permanente ne couvre que les conséquences professionnelles, et exclut le « déficit fonctionnel permanent » lié aux souffrances physiques et morales dans la vie de tous les jours. Auparavant, ce déficit était inclus dans la rente, limitant les possibilités d'indemnisation complémentaire en cas de faute inexcusable de l'employeur.

Désormais, si une telle faute est établie, le salarié peut réclamer une indemnisation supplémentaire pour « les souffrances physiques et morales » endurées, en plus de la rente majorée, conformément à l'article L.452-3 du Code de la Sécurité sociale.

Avec cette décision, la Cour de cassation ouvre la voie à une indemnisation plus complète pour ces types de préjudices (Cour de cassation, 20 janvier 2023, n°21-23.947 et n°20-23.673).

Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2024 envisageait de modifier les règles de calcul de la rente AT/MP afin de prévoir expressément qu'elle indemnise à la fois le préjudice professionnel et le déficit fonctionnel permanent (article 39 du PLFSS).

Finalement, le Gouvernement a décidé de retirer cet article du PLFSS 2024.

Indemnisation des autres préjudices 

L'article L. 452-3 du code de la Sécurité sociale énonce divers préjudices pouvant donner lieu à réparation pour la victime ou ses ayants-droits :

  • préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées ;
  • préjudices esthétiques et d'agrément ; 
  • préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle.

Cette liste n'est pas limitative, la victime a donc le droit de demander réparation des préjudices n'y figurant pas. Ce principe fut posé par le Conseil constitutionnel dans sa décision QPC du 18 juin 2010.

En ce sens, la jurisprudence est venue élargir cette liste en admettant d'autres préjudices tels que le déficit fonctionnel temporaire.