Dette actuarielle des IFC : zoom sur deux paramètres fondamentaux

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Les employeurs sont tenus d'évaluer leurs engagements relatifs aux indemnités de fin de carrière (IFC) qu'ils devront verser au départ à la retraite de leurs salariés.

Le montant de ce passif est à inscrire dans l'annexe des comptes annuels ou à enregistrer sous forme de provision au bilan (méthode de référence). Une externalisation auprès d'un assureur par exemple est également possible.

Conformément à la norme IAS 19 et à la recommandation de l'ANC, la dette future ou « dette actuarielle » en matière d'IFC pour les salariés est déterminée à partir du montant de l'indemnité que percevra chaque salarié au jour de son départ. On parle de méthode des « unités de crédit projetées ».

Le choix de deux paramètres de calcul revêt une importance toute particulière : le taux d'actualisation et la probabilité de présence (ou de départ).

Faisons le point sur ces facteurs ayant un impact fort, à la hausse comme à la baisse, sur le montant de la dette actuarielle (DA) des IFC !

 

Rappels préalables

Le calcul de la DA des IFC intègre plusieurs paramètres ou facteurs :

  • le salaire au terme ;
  • les droits octroyés par la convention collective ou l'accord d'entreprise ;
  • la probabilité de présence du salarié au jour de son départ théorique à la retraite, via le taux de « turn-over » et les données statistiques de mortalité ;
  • l'ancienneté actuelle acquise, l'ancienneté non acquise et l'ancienneté prévue au terme ;
  • le taux de charges sociales ;
  • et un taux d'actualisation.

 

Un taux d'actualisation : pourquoi ?

La DA constitue une dette future, puisqu'elle correspond au co»t de l'indemnité qui sera versé à chaque salarié lors de son départ...

...mais le calcul est établi aujourd'hui !

Il est donc primordial de ramener ce co»t futur à sa valeur d'aujourd'hui, soit sa valeur actuelle équivalente.

Pour cela, on applique à la dette future un taux d'actualisation.

Si la dette future est de 100 dans 15 ans, avec un taux 1%, sa valeur actuelle est de 100*(1+1%)^-15 = 86,13.

Dit autrement, il s'agit de fixer la valeur qu'il faudrait placer aujourd'hui, à un rendement de X %, pour obtenir le montant in fine de la dette future.

Avec l'exemple ci-avant, si on place une somme de 86,13 pendant 15 ans au taux de 1%, on obtiendra 100 in fine.

 

Comment choisir le taux d'actualisation approprié ?

Sur le principe, il convient de retenir comme taux d'actualisation pour le calcul de la DA des IFC un taux par référence au taux d'émission des obligations en euros du secteur privé dit « de grande qualité », à savoir en pratique les entreprises avec une cotation AA et AAA.

De plus, le taux retenu doit être conforme à la durée équivalente à celle des engagements.

Par exemple, si l'échéance moyenne des IFC est de 15 ans, le choix du taux se portera sur le taux de durée 15 ans et non de durée de 10 ou 20 ans.

L'outil IFC by MyFides propose des fourchettes de taux en fonction de la maturité des engagements (10 ans, 15 ans ou 20 ans).

Par exemple, pour un calcul au 31/12/2021, pour une échéance des IFC de 15 ans, il était proposé :

  • fourchette basse : 0,8% ;
  • fourchette haute : 1%.

 

Impact chiffré et sensibilité au taux d'actualisation

De prime abord, il est tentant de porter peu d'attention à ce facteur de calcul et de retenir le même taux d'une année sur l'autre.

Ce serait une erreur !

D'une part, les taux fluctuent dans le temps.

A titre indicatif, les taux au cours des trois dernières ont évolué comme suit :

Duration 15 ans

Fourchette basse

Fourchette haute

31/12/2019

0,7%

1,1%

31/12/2020

0,3%

0,5%

31/12/2021

0,8%

1%

D'autre part, le taux d'actualisation a un impact non négligeable sur le montant de la DA.

Par exemple, pour une entreprise d'une trentaine de salariés, avec une échéance moyenne des IFC de 15 ans, on aboutit à ces impacts :

Taux d'actualisation

Montant de la DA

0,20%

255471€

0,80%

235816€

1,50%

215167€

2,50%

189349€

On constate que le montant de la DA est particulièrement sensible à ce paramètre, qui peut avoir un impact d'autant sur le résultat en cas de comptabilisation sous forme d'une provision.

 

La probabilité de présence (mortalité et turn-over) : pourquoi ?

La DA est déterminée à une date T, avec les salariés présents à cette même date.

Mais rien ne dit que chaque salarié sera effectivement présent au jour de son départ théorique à la retraite.

Cette probabilité de présence in fine au sein de l'effectif est intégrée via deux paramètres :

  • les données statistiques de mortalité ;
  • le « turn-over ».

 

Quelle table de mortalité retenir ?

Il existe plusieurs tables de mortalité (ou table de survie) pour déterminer la probabilité de présence du salarié au jour de son départ à la retraite.

Sur le principe, une table de mortalité est une table qui fournit la probabilité annuelle de décès d'un individu, pour chaque âge. Sa construction est basée sur les données statistiques, notamment par l'INSEE pour la population française.

Les plus usuelles sont les tables de mortalité TG 05, TH-TF 00-02, INSEE 2014-2016 (données définitives) ou encore INSEE 2015-2018 (données provisoires).

L'outil IFC by MyFides met à disposition un large choix pour ce facteur de calcul.

Concrètement, il convient toutefois de noter que, de manière assez logique, l'impact du choix de telle ou telle table de mortalité conduit à des écarts assez limités pour le montant de la dette actuarielle.

Ce qui n'est absolument pas le cas du turn-over...

 

Le taux de turn-over : comment choisir ?

Tout d'abord, il est important de préciser le fonctionnement de ce facteur « turn-over ».

L'effet est cumulatif et appliqué une fois pour chaque âge.

Dit autrement, le fonctionnement des tables de turn-over est le suivant : le taux de turn-over est annuel mais la probabilité de présence est déterminée in fine, à l'âge de départ prévu à la retraite.

Un taux de turn-over de 25% signifie que la probabilité de présence d'une personne est de :

  • (1 - 25%) au bout d'un an, soit 0,75 ;
  • (1 - 25%) x (1 - 25%) au bout de 2 ans, soit 0,56 ;
  • (1 - 25%) x (1 - 25%) x (1 ?€« 25%) au bout de 3 ans, soit 0,42 ;
  • (1 - 25%) x (1 - 25%) x (1 ?€« 25%) x (1 ?€« 25%) au bout de 4 ans, soit 0,32 ;
  • etc ;
  • 0,01 au bout de 15 ans ;
  • etc ;
  • 0,003 au bout de 20 ans ;
  • etc.

Donc si le taux de turn-over appliqué est « fort », le montant de la dette actuarielle sera faible car la probabilité que le salarié soit présent au jour de son départ théorique à la retraite sera très réduite.

En pratique, il faut éviter de retenir des turn-over constants pour tous les âges, car il est plutôt erroné de penser que la probabilité de départ d'un salarié est identique quand celui-ci a 29 ans ou a 58 ans.

De préférence, il convient d'appliquer des taux de turn-over différents selon les âges des salariés et avec un niveau plutôt élevé jusqu'à 30 ans, puis dégressif jusqu'à 50 ou 55 ans, puis 0% au-delà.

Dans l'idéal, l'analyse des départs des salariés de l'entreprise concernée sur une période de 5-10 ans minimum, permet de retenir la table reflétant le mieux le turn-over au sein de celle-ci.

L'outil IFC by MyFides propose un certain nombre de tables de turn-over : constant, dégressif, pour tous les âges, jusqu'à 50 ans, jusqu'à 55 ans, etc.

Au besoin, des tables personnalisées (et anonymisées en ligne) peuvent être créées pour l'utilisateur.

 

Impact chiffré et sensibilité au taux de turn-over

Reprenons l'exemple ci-avant d'une entreprise d'une trentaine de salariés (avec un taux d'actualisation de 0,8%) et faisons varier les modalités de turn-over :

Taux de turn-over

Montant de la DA

0%

281047€

2% constant

209641€

10% constant

69370€

20% constant

18249€

8% constant jusqu'à 50 ans, puis 0%

241587€

dégressif de 10% à 2% jusqu'à 50 ans, puis 0%

266701€

dégressif de 30% à 5% jusqu'à 55 ans, puis 0%

219177€

dégressif de 23% à 0% jusqu'à 65 ans

209891€

S'il fallait se convaincre du caractère crucial du choix du taux de turn-over pour les IFC, les résultats obtenus se passent de commentaires !


MyFides est une association créée par des experts-comptables pour les experts-comptables et leurs clients. Elle a développé initialement une solution exclusive de chiffrage et présentation des passifs sociaux de l'entreprise liés aux indemnités de fin de carrière : IFC by MyFides.

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