De l'interprofessionnalité capitalistique à l'interprofessionnalité d'exercice

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Les professionnels n'ont pas attendu l'ordonnance du 1er avril 2016 pour se rassembler dans le but de proposer un meilleur service à leurs clients.

Les soirées interprofessionnelles du CJEC IDF, et notamment l'année dernière celle du Rallye du Louvre, réunissent de jeunes professionnels, experts-comptables, avocats, notaires, plusieurs fois par an.  La prochaine réunion doit avoir lieu à la rentrée.

Interview

La Loi Macron a ravivé certaines tensions entre les professionnels du droit et du chiffre.
Ces tensions existent-elles toujours ?

Jean-Christophe Forestier

Nous, jeunes experts-comptables et avocats notamment, avons du mal à croire à la réalité de ces tensions en tant que jeunes professionnels. La complémentarité de nos professions est une telle réponse aux besoins de nos clients qu'il ne peut y avoir que des tensions marginales sur des points mineurs.

Néanmoins, certains médias ont exacerbé le mécontentement de certaines professions hors avocats et experts-comptables qui eux, ont un temps d'avance sur l'interprofessionnalité.

La majeure partie de nos adhérents voit la complémentarité d'un réseau interprofessionnel plus que de la concurrence.

Xavier Odinot

Les tensions entre nos professions sont principalement alimentées par la peur que l'une vienne empiéter sur le périmètre d'intervention de l'autre. Mais c'est en s'éloignant que la méfiance s'instaure ! Tout au contraire, nous pensons que lorsque l'homme du chiffre et l'homme du droit se parlent pour définir ensemble une stratégie d'action commune au service du client, il n'y a plus de zones d'ombre, les tensions disparaissent et l'action commune est claire, complémentaire et efficace.

On distingue souvent l'interprofessionnalité fonctionnelle (sur le terrain) de l'interprofessionnalité capitalistique.
Qu'en pensez-vous ?
Faut-il distinguer les deux ?
Les deux options ont-elles le même intérêt ?

Jean-Christophe Forestier

Jusqu'à présent, les SPFPL étaient assez contraignantes dans leur mise en place.

De plus, le fait de se « marier » avec un professionnel dans une structure, impose de faire appel à ses services même si nous savons pertinemment que la personne n'est pas dans son coeur de métier.

Nos associations privilégient le réseau avec des structures de jeunes professionnels qui nous ressemblent tels que l'ACE JA ou la FNUJA. Nous ne faisons pas de distinction syndicale entre ces deux structures car le CJEC est lui-même neutre syndicalement.

Xavier Odinot

L'interprofessionnalité n'a pas attendu l'évolution du cadre réglementaire pour fonctionner efficacement de fait. Par exemple, dès que j'ai besoin de prouver l'impact d'un procès sur l'activité de ma cliente, le recours à l'expert-comptable est un réflexe quasi-systématique.

Nous sommes favorables à l'interprofessionnalité quotidienne de terrain qui marche réellement et qui est un véritable plus pour le client. L'interprofessionnalité capitalistique va quant à elle, nécessairement plus loin puisqu'elle implique de définir un projet structurel avec l'affectio societatis qui va avec.

L'interprofessionnalité capitalistique a été instaurée par une loi du 28 mars 2011.
Envisagez-vous de recourir à ce type de société ? Pourquoi ?

Jean-Christophe Forestier

A mon avis, l'interprofessionnalité capitalistique est un corps vivant qui continuera sa mutation tant que son intérêt ne répondra pas totalement aux attentes des professionnels et des clients.

Le décret du 1er avril permet un rapprochement aux professionnels suivants :

  • avocat,
  • avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation,
  • commissaire-priseur judiciaire,
  • huissier de justice,
  • notaire,
  • administrateur judiciaire,
  • mandataire judiciaire,
  • conseil en propriété industrielle,
  • expert-comptable.

C'est une réelle novation mais pour ma part, étant également commissaire aux comptes, je resterai sur la réserve sur ce point car il faut trouver les bonnes personnes et le champ des possibles est tellement vaste avec les autres professionnels, qu'il faut se laisser du temps pour bien appréhender le potentiel.

Xavier Odinot

Je n'ai pas d'opposition de principe à la SPFL ou la SPE, même si je crois personnellement davantage à l'efficacité de l'interprofessionnalité fonctionnelle que structurelle.

En tout état de cause, il convient de relever certaines zones d'ombre que l'ordonnance du 1er avril n'a pas clarifiée en renvoyant certaines questions aux décrets d'application qui ne sont pas encore sortis.

Par exemple, quid de l'exigence d'unicité de l'avocat associé qui n'a pas le droit d'exercer en dehors de son cabinet, alors que les experts-comptables peuvent être associés de plusieurs structures différentes.

Il me semble qu'il existe une rupture d'égalité dans le partage des risques.



Sandra Schmidt
Rédactrice sur Compta Online de 2014 à 2022, média communautaire 100% digital destiné aux professions du Chiffre depuis 2003.