[CSRD] Durée des mandats, secret professionnel... la déontologie applicable au CAC en matière d'audit de durabilité

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Une conférence sur la transposition de la directive CSRD organisée par la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC) et le Haut conseil du commissariat aux comptes (H3C)[1] a permis de dévoiler les modalités de transposition de la directive européenne qui figurent dans le texte transmis au Conseil d'État.

Quelles devraient être les obligations déontologiques pesant sur les futurs acteurs de la certification des informations de durabilité ?

Rappel : CAC, OTI ou PSAI, futurs acteurs de la durabilité

La transposition de la directive CRSD va ouvrir le champ de la certification des informations de durabilité à deux catégories de professionnels :

  • les commissaires aux comptes ;
  • les prestataires de services d'assurance indépendante (PSAI), tels qu'ils sont nommés dans la directive européenne, ou organismes tiers indépendants (OTI), tels qu'ils devraient être désignés en droit français.

Pour en savoir plus concernant ces différentes catégories, voir notre article : « Transposition de la CSRD : commissaires aux comptes, OTI ou PSAI... quels sont les futurs acteurs de l'audit de durabilité ? »

Deux principes directeurs : partir de l'existant et proposer des règles uniformes

« Nous avons travaillé dans une logique d'extension du cadre existant. Il ne s'agissait pas de faire table rase du passé », Joanna Ghorayeb, sous-directrice du droit économique à la DACS.

Afin de garantir une équité entre les différents professionnels et d'éviter au maximum les complexités juridiques, la transposition de la CSRD devrait donc, sur le principe, respecter une certaine unicité des règles :

  • unicité entre les règles applicables à la certification des informations de durabilité et financière ;
  • unicité entre les règles applicables aux commissaires aux comptes et celles applicables aux OTI.

En clair, en matière de durabilité, les OTI devront respecter les mêmes règles d'exercice que les commissaires aux comptes. Le contrôle de leur activité sera réalisé, dans les deux cas, par la Haute autorité de l'audit, la future H2A[2].

 

Durée des mandats : 6 ans en principe, sauf pour le premier mandat

En principe, les audits de durabilité seront alignés sur les mandats « classiques » des commissaires aux comptes, avec une durée de 6 ans. Toutefois, en fixant une telle durée dès l'entrée en vigueur de la CSRD, le risque est de figer le marché pour plusieurs années.

Afin d'encourager au contraire un marché de l'audit de durabilité « ouvert et dynamique », la future transposition de la CSRD prévoit donc un dispositif de transition. En ce qui concerne le premier mandat uniquement, les entreprises pourront déroger à la durée de 6 ans :

  • en optant pour une nomination pour 3 ans au titre de ce premier mandat ;
  • ou dans, le cas où le commissaire aux comptes qui réalise l'audit de durabilité est le même que celui qui réalise l'audit financier de l'entreprise, en prévoyant que le premier mandat d'audit de durabilité prenne fin avec le mandat « classique » en cours.

« C'est une mesure pensée pour donner du souffle au marché », souligne Pierre Rohfritsch, chef du bureau du droit des sociétés et de l'audit à la DACS.

Co-commissariat : pas d'obligation en 2024 mais un alignement sur l'audit financier prévu pour 2028 au plus tard

Selon le principe d'unicité des règles, le co-commissariat en matière de durabilité devrait être rendu obligatoire « à terme », selon les mêmes modalités que les audits financiers. Toutefois, il ne le sera pas dès le 1er janvier 2024. Deux raisons sont évoquées par les rédacteurs du texte de transposition de la directive :

  • le niveau d'assurance demandé en matière de durabilité sera dans un premier temps plus faible que celui demandé en matière financière ;
  • le marché de l'audit de durabilité ne sera probablement pas assez mûr lors de l'entrée en vigueur de la CSRD.

« Le risque était de créer une surconcentration du marché. [...] Le co-commissariat ne sera rendu obligatoire [dans les mêmes conditions que l'audit financier] qu'à partir du moment où une assurance raisonnable sera demandée, soit en 2028 au plus tard », Pierre Rohfritsch, chef du bureau du droit des sociétés et de l'audit à la DACS.

Secret professionnel : pas de différence entre commissaires aux comptes et OTI

Dans ce domaine aussi, c'est l'unicité des règles qui s'applique : les OTI seront soumis au secret professionnel pour les missions liées à la certification des informations de durabilité dans les mêmes conditions que les commissaires aux comptes.

« Des modalités de levée du secret professionnel entre le commissaire aux comptes [pour son mandat d'audit financier] et l'auditeur de durabilité sont prévues », précise Joanna Ghorayeb. Ces dispositions devraient également rendre possible l'association d'un OTI et d'un commissaire aux comptes pour les besoins d'une mission d'audit de durabilité donnée.

Appel d'offres : il va falloir faire vite !

Les EIP devront-elles avoir recours à une procédure d'appel d'offres dès les premiers mandats de certification des informations de durabilité, c'est-à -dire dès les exercices 2024 ?

Tout en reconnaissant les contraintes pratiques que cela peut poser, Pierre Rohfritsch et Joanna Ghorayeb indiquent qu'aucune dérogation n'est prévue dans ce domaine. Les conditions de recours à l'appel d'offres devraient donc être strictement identiques à celles connues dans le domaine financier, dès l'entrée en vigueur de la CSRD !

Contrôle d'activité : un élargissement du champ du H3C, qui devient le H2A

Le contrôle d'activité que connaissent actuellement les commissaires aux comptes sera élargi à tous les professionnels exerçant des missions de certification des informations de durabilité, commissaires aux comptes ou OTI. Les modalités de réalisation de ce contrôle sont en cours d'adaptation selon Eric Baudrier, directeur général du H3C pour intégrer cette modification de périmètre, tant en termes de missions que de public.

En pratique, les OTI seront donc contrôlés à la fois par la H2A au titre de leur activité, et par le COFRAC au moment de leur accréditation[3]. Toutefois, « il n'y aurait pas de sens à ce que la H2A refasse ce qu'a déjà fait le COFRAC, ou inversement » selon Eric Baudrier, qui souligne l'importance de la coordination entre ces deux entités.

[1] Conférence « Transposition de la directive CSRD » qui s'est tenue le 20 septembre 2023 à la Maison de la Chimie, à Paris.

[2] Le Haut conseil du commissariat aux comptes devrait en effet se transformer en Haute autorité de l'audit pour tenir compte de l'extension de ses prérogatives.

[3]Pour plus de détails concernant les modalités d'accréditation des OTI, voir notre article « Transposition de la CSRD : commissaires aux comptes, OTI ou PSAI... quels sont les futurs acteurs de l'audit de durabilité ? »



Julien Catanese Aubier
Diplômé d'expertise comptable, après 7 ans en tant que rédacteur en chef puis directeur de la rédaction Fiscalistes et experts-comptables chez LexisNexis, Julien rejoint l'équipe Compta Online en tant que Directeur éditorial de juin 2020 à octobre 2023.