Comptabiliser des abandons de créance à caractère financier

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Un abandon de créance est une opération par laquelle une entreprise décide de renoncer à l'exercice des droits que lui confère la détention d'une créance vis-à-vis d'un tiers. L'abandon de créance peut prendre 2 formes : financier ou commercial. Nous traitons celui à caractère financier.

Pourquoi faire un abandon de créance ?

Un abandon de créances consiste à renoncer à l'encaissement d'une créance déjà facturée. Si l'abandon est réalisé dans le but de maintenir des débouchés commerciaux ou des sources d'approvisionnement, il est qualifié d'abandon à caractère commercial. Le but est alors de pouvoir continuer à travailler avec le client actuellement en difficultés. Cela peut être intéressant s'il s'agit d'un client important pour l'entreprise notamment.

Lorsque l'abandon de créance est exempt de toute relation commerciale il s'agit d'un abandon à caractère financier. L'objectif est alors pour la société mère d'aider une de ses filiales en difficultés financières pour assurer son développement ultérieur et donc consolider les projets futurs du groupe.

Qu'est-ce qu'un abandon de créance à caractère financier ?

Un abandon de créance à caractère financier ne peut exister qu'au sein d'un groupe de sociétés : entre société mère et ses filiales ou ses participations. En effet, il est nécessaire de détenir une participation dans la société en difficulté.

Le caractère financier est retenu lorsqu'il n'existe aucune relation commerciale prépondérante entre les sociétés ayant des liens financiers entre elles.

L'abandon de créance à caractère financier est souvent établi entre une société mère et sa filiale et peut porter sur plusieurs éléments :

  • un prêt ;
  • une avance en compte courant.

La comptabilisation du côté de la société qui consent l'abandon de créance

Nous allons exposer les règles de déductibilité pouvant avoir un impact sur la comptabilisation choisie et le traitement comptable à réaliser. Puis nous travaillerons sur ce point avec un exemple concret.

Les règles de déductibilité

Commençons par indiquer que depuis les exercices clos à compter du 4 juillet 2012, les abandons de créances ne sont pas déductibles s'ils ne présentent pas de caractère commercial ou ne sont pas consentis à une entreprise en difficulté financière soumise à une procédure collective ou de conciliation.

La déductibilité (partielle) de l'abandon est donc soumise à l'ouverture d'une procédure collective du type :

Une fois cette condition établie, la déductibilité est partielle. Elle concerne :

  • le montant d'abandon permettant la reconstitution de la situation nette (capitaux propres) de la société en difficulté à 0 ;
  • pour le surplus abandonné : uniquement à proportion des participations détenues par les autres associés ne participant pas à l'abandon de créances.

Les possibilités de comptabilisation

Pour le créancier, l'abandon de créance à caractère financier représente une charge qui doit être enregistrée dans le compte 664 Pertes sur créances liées à des participations ou dans le compte 6788 Charges exceptionnelles diverses en contrepartie du compte qui correspond à la nature de la créance abandonnée (274 pour les prêts par exemple).

Cette comptabilisation nécessitera un retraitement fiscal (réintégration) de la part non déductible de l'abandon.

Une autre possibilité est envisageable pour éviter le retraitement fiscal de la partie non déductible :

  • enregistrement du montant déductible de l'abandon en compte 664 ou 6788 ;
  • enregistrement du montant non déductible de l'abandon en complément d'apport, au débit du compte de titres ;
  • la contrepartie au crédit reste inchangée.

Enfin, à noter que les abandons à caractère financier sont exonérés de TVA.

Exemple

Une société mère décide d'abandonner la créance qu'elle détient sur sa filiale en difficulté pour la somme de 100 000¤. Elle détient 60% du capital de sa filiale qui est placée en redressement judiciaire. La situation nette de la filiale est de -80 000¤.

Déterminons la part déductible de l'abandon

Reconstitution de la situation nette à 0 : 80 000¤

Apport supplémentaire : 20 000¤

> Part déductible : 20 000 x 40% (part des autres associés) : 8 000¤

TOTAL déductible : 80 000 + 8 000 = 88 000¤

Part non déductible : 100 000 – 88 000 = 12 000¤

Chez le créancier (société mère)

Numéro de compte

Comptabiliser l'abandon de créance chez la société mère

Montant

Débit

Crédit

Débit

Crédit

664

Pertes sur créances liées à des participations

100000¤

 

267

Créances rattachées à des participations

 

100000¤

Il est aussi possible d'isoler la part déductible de l'abandon et la part non déductible en procédant ainsi :

Numéro de compte

Comptabiliser l'abandon de créance chez la société mère

Montant

Débit

Crédit

Débit

Crédit

664

 

Pertes sur créances liées à des participations

88000¤

 

261

 

Titres de participation

12000¤

 

 

267

Créances rattachées à des participations

 

100000¤

La comptabilisation du côté de la société qui bénéficie de l'abandon de créance

Pour la société bénéficiant de l'abandon, l'opération a pour effet de créer un produit qui, en principe, est intégré aux résultats imposables.

La dérogation à l'imposition d'une partie du produit

Cependant, la fraction non déductible par la société qui accorde l'abandon peut ne pas être imposée chez la société bénéficiaire si celle-ci prend l'engagement de procéder à une augmentation de capital pour un montant au moins équivalent à l'abandon obtenu avant la clôture du second exercice suivant celui de l'abandon et dont une partie est réservée à la société mère ayant fait l'abandon (au moins pour la part non déductible). Ces éléments sont présentés dans les textes suivants : BOI-IS-BASE-10-10-30 et article 216 A du Code général des impôts.

La comptabilisation

Pour le bénéficiaire, l'abandon de créance, est un produit, il peut être enregistré soit dans le compte 768 Autres produits financiers, ou le compte 7788 Produits exceptionnels divers en contrepartie du compte concerné par l'abandon de créance 171 Dettes rattachées à des participations ou le compte 455 Associés comptes courants.

S'il prend l'engagement de procéder à une augmentation de capital, cela est sans incidence sur la comptabilisation. Seul un retraitement fiscal (déduction) sera opéré pour la part non imposable.

Exemple

En reprenant les informations de l'exemple précédent :

Chez le bénéficiaire (filiale)

Numéro de compte

Comptabiliser l'abandon de créance chez la filiale

Montant

Débit

Crédit

Débit

Crédit

171

 

Dettes rattachées à des participations

100000¤

 

 

7788

Produits exceptionnels divers

 

100000¤

La clause de retour à meilleure fortune

Comme pour l'abandon de créance à caractère commercial, l'abandon à caractère financier peut prévoir une clause de retour à meilleure fortune. L'abandon de créance est alors réalisé sous condition résolutoire.

Il s'agit d'une convention permettant de fixer les conditions obligeant le bénéficiaire de l'abandon à rembourser sa dette au créancier. La notion de « meilleure fortune » peut être convenue entre les parties.

L'existence de cette convention ne modifie en rien les schémas comptables précédemment évoqués.