Yannick Ollivier : « Sur le plan économique, la prudence reste de mise »

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Tenant compte de l'amélioration progressive de la situation sanitaire, le Gouvernement multiplie les concertations et mesures de soutien pour accompagner la sortie de crise. Les commissaires aux comptes font partie intégrante de cette stratégie, que ce soit pour fiabiliser l'information financière ou pour orienter les entreprises vers les solutions de traitement des difficultés les plus adaptées.

Yannick Ollivier, président de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes, apporte le regard de la profession sur les mesures annoncées, précise sa vision de la mission « relation de confiance » et trace des perspectives pour la période qui s'ouvre.

Le Gouvernement vient de publier son plan d'accompagnement des entreprises dans la sortie de crise, qui souligne le rôle des commissaires aux comptes en matière de prévention. Quel regard portez-vous sur ce plan ? 

Je salue la publication de ce plan, tant pour son contenu, avec des propositions qui me paraissent tout à fait adaptées, que sur la méthode. De nombreux acteurs, privés et publics, ont été consultés, et nous avons pu mettre en avant notre volonté commune de participer à la gestion de sortie de crise.

Autre point important, nous avons évidemment beaucoup parlé d'entreprises, mais aussi de chefs d'entreprises. Il est important de soutenir les entreprises en difficulté, mais il l'est tout autant de permettre aux porteurs de projets de continuer à avancer.

Alors bien sûr, il faut rester humble face à l'enjeu de la relance et à l'ampleur de la crise. Mais c'est une initiative qui va dans le bon sens, une pierre supplémentaire à l'édifice de la relance.

Quelle est la mesure la plus marquante de ce plan selon vous ? 

Le mandat ad hoc de sortie de crise, qui permet de faciliter la renégociation des dettes des petites entreprises avec une procédure simplifiée, est particulièrement intéressant selon moi. Ce dispositif viserait les entreprises employant au plus 10 salariés et serait particulièrement rapide, puisque sa durée ne pourrait excéder 3 mois.

Cette mesure est intéressante parce qu'elle est rapide donc, mais aussi parce qu'elle établit clairement, dans le texte, la nécessité de disposer d'une information fiable sur l'état de santé financier de l'entreprise. Nous avons donc collectivement, un rôle à jouer pour fiabiliser cette information financière, au moyen d'un diagnostic ou d'une mission d'audit réellement adaptée.

Pouvez-vous nous dire où en sont les travaux autour de la mission « relation de confiance », que vous défendez depuis le rapport Richelme ?  

On est au bout du processus. Nous avons imaginé cette mission innovante pour répondre au besoin de notre marché, défini précisément le rôle des commissaires aux comptes, et tout récemment obtenu une reconnaissance des pouvoirs publics avec la reprise de la mission « relation de confiance » dans le plan de sortie de crise du Gouvernement.

Nous devons maintenant former, informer et sensibiliser l'ensemble des parties prenantes pour que notre écosystème sache que cette mission existe et qu'il sollicite les commissaires aux comptes le moment venu.

Nous préparons par ailleurs un webinaire à destination des confrères, qui sera diffusé d'ici quelques semaines et au cours duquel nous présenterons cette mission, son contenu détaillé, et des modèles de rapports.

Sur un plan macroéconomique, pensez-vous que la vague de défaillances annoncée régulièrement depuis plus d'un an finira par se concrétiser ? 

Nous prenons progressivement connaissance des comptes annuels 2020 des entreprises, et il est vrai qu'en l'état, on a plutôt de bonnes surprises. Je salue à cet égard la publication des premières données financières par le Conseil supérieur de l'Ordre des experts-comptables, qui confirment que cette vague sera moins importante que ce que l'on pouvait craindre. Je m'en réjouis, mais il n'en demeure pas moins que de nombreuses entreprises vont devoir faire face à des difficultés, même si c'est moins que prévu. 

Sur le plan économique, plusieurs éléments d'incertitude subsistent. La fin des aides et les conséquences sur les entreprises bien sûr, mais aussi les difficultés d'approvisionnement en matières premières, et donc une inflation grandissante du prix des matériaux. La prudence reste de mise.

Quels conseils donneriez-vous aux dirigeants d'entreprise en cette période toute particulière ? 

Mon premier conseil est de communiquer. Régulièrement, largement, en toute transparence. A mon sens, la réussite et l'efficacité de cette relance reposeront sur le capital confiance des différents partenaires de l'entreprise. Il faut donc disposer des bons indicateurs, et évaluer régulièrement sa situation financière, en mettant à jour son prévisionnel par exemple.

Mon second conseil est de s'appuyer sur l'ensemble des dispositifs d'aides existants. Et ils sont nombreux, tant au plan national que régional. Les entreprises ne doivent pas hésiter à solliciter leurs conseils dans ce domaine, et particulièrement leur expert-comptable. La priorité doit être donnée aux aides qui renforcent les capitaux propres de l'entreprise, et améliorent ainsi le haut de bilan.

Quelle est la situation des commissaires aux comptes en ce moment, en pleine période de certification ?

En ce moment, nos confrères jouent effectivement un rôle essentiel en certifiant les comptes 2020 et donc en contribuant à maintenir un haut niveau de qualité d'information financière. Mais les données financières 2020 seules ne sont pas toujours de nature à rassurer les tiers.

Les commissaires aux comptes peuvent donc jouer en même temps un second rôle, en apportant leur regard de professionnel indépendant sur des éléments plus récents, prévisionnels ou issus de situations intermédiaires. La mission de l'auditeur légal est une mission qui prend des formes variées et c'est toute l'année, c'est aussi là qu'est notre valeur ajoutée.

Vous avez signé récemment un partenariat avec la Conférence générale des juges consulaires. Quel est son objectif ?

L'idée de ce partenariat est de renforcer les liens entre commissaires aux comptes et tribunaux de commerce dans le domaine de la prévention des difficultés. D'une part, nous avons un vrai rôle à jouer pour expliquer à nos clients l'utilité des procédures collectives, qui ne doivent plus être vues comme des solutions de derniers recours.

Par ailleurs, nous devons communiquer plus largement auprès de ces juridictions, pour faire passer les messages issus du terrain. T out le monde y gagnera, surtout nos clients.



Julien Catanese Aubier
Diplômé d'expertise comptable, après 7 ans en tant que rédacteur en chef puis directeur de la rédaction Fiscalistes et experts-comptables chez LexisNexis, Julien rejoint l'équipe Compta Online en tant que Directeur éditorial de juin 2020 à octobre 2023.