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Taxation des dividendes : condamnation de la France par l'Europe

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Catégorie : Actualité fiscale et droit des sociétés
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Taxation des dividendes : condamnation de la France par l'Europe


La problématique est la suivante :

1- Les dividendes perçus par une société membre d'un groupe fiscalement intégré (i.e. société française) de la part de ses filiales situées dans un autre Etat membre que la France sont exonérés d'impôt sur les sociétés à l'exception d'une quote-part de frais et charges, forfaitairement fixée à 5% (i.e. régime mère-fille). Cette quote-part de frais et charges, qui représente les frais et charges supportés par la société mère et se rapportant à sa participation dans la filiale distributrice est donc soumise à l'impôt sur les sociétés, ce qui conduit à une exonération effective à hauteur de 95% des dividendes perçus (articles 145 et 216 du CGI).

Pour plus de détail sur le régime mère-fille, vous pouvez consulter les articles suivants :

 

2- Toutefois, lorsque les dividendes sont distribués par une filiale membre du groupe fiscalement intégré (i.e. société établie en France), la quote-part précitée de frais et charges de 5% est neutralisée pour le calcul du résultat d'ensemble du groupe intégré (article 223 B du CGI). Autrement dit, cela revient à une exonération intégrale de ces dividendes.

Vous trouverez plus de détails sur le calcul du résultat d'ensemble dans l'article suivant : Intégration fiscale : de la déclaration individuelle au paiement de l'IS groupe

 

Il en ressort donc que le coût fiscal attaché à la perception de dividendes au sein d'un groupe fiscal peut être différent selon que la société distributrice est membre du groupe fiscal, ce qui implique qu'elle soit établie en France, ou est établie dans un autre Etat membre et ne peut donc pas constituer un groupe fiscal avec la société bénéficiaire des dividendes. Parmi les sociétés établies dans un autre Etat membre qui versent des dividendes à une société mère française, seules sont visées par cette problématique celles qui, si elles avaient été établies en France, auraient pu constituer un groupe fiscal intégré avec leur société mère.

La Cour Administrative d'Appel de Versailles, dans une décision du 29 juillet 2014, s'est interrogée sur la compatibilité de cette situation avec la liberté d'établissement visée par la législation européenne et a posé la question préjudicielle suivante à la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) :

L'article 43 CE devenu l'article 49 TFUE relatif à la liberté d'établissement doit‑il être interprété en ce sens qu'il s'oppose à ce que la législation relative au régime français de l'intégration fiscale accorde à une société mère intégrante la neutralisation de la réintégration de la quote-part de frais et charges forfaitairement fixée à 5 % du montant net des dividendes perçus par elle des seules sociétés résidentes parties à l'intégration, alors qu'un tel droit lui est refusé, en vertu de cette législation, pour les dividendes qui lui sont distribués par ses filiales implantées dans un autre État membre qui, si elles avaient été résidentes, y auraient été objectivement éligibles, sur option?

La CJUE a répondu par l'affirmative à cette question, considérant que les dispositions précitées restreignent la liberté d'établissement, sans que cette restriction puisse être justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général (CJUE aff. C-386/14 du 2 septembre 2015, Groupe Steria SCA) :

L'article 49 TFUE doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une législation d'un État membre relative à un régime d'intégration fiscale en vertu de laquelle une société mère intégrante bénéficie de la neutralisation de la réintégration d'une quote-part de frais et charges forfaitairement fixée à 5 % du montant net des dividendes perçus par elle des sociétés résidentes parties à l'intégration, alors qu'une telle neutralisation lui est refusée, en vertu de cette législation, pour les dividendes qui lui sont distribués par ses filiales situées dans un autre État membre qui, si elles avaient été résidentes, y auraient été objectivement éligibles, sur option.

Face à cette décision, deux solutions se présentent pour le futur :

  • remettre en cause la neutralisation de la quote-part de frais et charges de 5% dans les groupes fiscalement intégrés, ce qui aurait pour conséquence d'entraîner une hausse de la fiscalité pour les sociétés ;
  • exonérer intégralement les dividendes perçus des sociétés établies dans l'Union européenne qui pourraient, si elles étaient établies en France, constituer un groupe fiscalement intégré avec leur société mère française : cette option représenterait un manque à gagner pour l'Etat français...

Pour le passé, des réclamations contentieuses peuvent être introduites afin de demander la restitution de l'impôt sur les sociétés acquitté sur la quote-part de frais et charges afférente aux dividendes perçus de sociétés établies dans d'autres Etats de l'Union européenne, qui auraient pu être neutralisées si la société mère et ces filiales avaient pu constituer un groupe fiscalement intégré.

 

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Clotilde Cattier

Clotilde Cattier, avocate spécialisée en fiscalité, inscrite au Barreau de Paris.
Contact : contact@clotilde-cattier.com

Après avoir passé deux ans chez STC Partners et six ans chez Taj (Deloitte), Clotilde a rejoint le cabinet Room Avocats, en Suisse. Elle partage son temps entre Paris et la Suisse.

Ses principaux domaines d'intervention, en fiscalité française et internationale, sont les suivants :

  • fiscalité patrimoniale (restructuration de patrimoine, transmission de patrimoine, acquisition/détention/cession de biens immobiliers, etc.) ;
  • fiscalité des particuliers (imposition des cadres internationaux et des dirigeants, traitement fiscal des pensions de retraite versées sous forme de capital, etc.) ;
  • installation en Suisse de personnes physiques et de sociétés ;
  • fiscalité générale des entreprises (restructurations, assistance à contrôle fiscale, intégration fiscale, problématiques de remontée des liquidités, etc.) ;
  • fiscalité immobilière (fiscalité des marchands de biens et des promoteurs immobiliers) ;
  • fiscalité internationale (transactions transfrontalières, traitement fiscal des flux internationaux, etc.) ;
  • opérations de fusions-acquisitions ;
  • régularisation de la situation fiscale des français détenant des avoirs non déclarés à l'étranger.

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