Cadre réglementaire du reporting extra-financier au sein de l'Union européenne

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Modifié le 07/12/2023
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Les enjeux liés au développement durable dépassent de loin ceux de la comptabilité. Ils sont pourtant liés, car la mesure des conséquences de l'activité humaine sur l'environnement est un facteur clé de succès de la lutte contre le dérèglement climatique. La question de la normalisation de l'information extra-financière (ou comptabilité extra-financière) est donc essentielle.

Les années 2010 ont vu émerger progressivement un cadre international, puis européen au reporting extra-financier. Quels sont les principaux textes qui aboutissent à la réglementation actuelle ?

2014 - Directive européenne relative à la publication d'information non financières

La directive 2014/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2014 modifie le volet publication d'informations non financières par certaines grandes entreprises et certains groupes de la directive 2013/34/UE.

Elle vise uniquement les grandes entreprises d'intérêt public de plus de 500 salariés, qui doivent publier dans leur rapport de gestion une déclaration non financière contenant des informations sur les incidences actuelles et prévisibles de leurs activités sur l'environnement.

2015 - Agenda 2030 et Accords de Paris

Les Nations unies adoptent l'agenda 2030 pour le développement durable, un « plan d'action pour les populations, la planète et la prospérité ». Cet agenda inclut 17 objectifs (ODD), déclinés en cibles et indicateurs. Parmi ceux-ci, l'objectif 12.6 « Encourager les entreprises, en particulier les grandes et les transnationales, à adopter des pratiques viables et à intégrer dans les rapports qu'elles établissent des informations sur la viabilité ».

La même année, les Accords de Paris sont signés, fixant comme objectif de « rendre les flux financiers compatibles avec un profil d'évolution vers un développement à faible émission de gaz à effet de serre et résilient aux changements climatiques ».

2017 - Transposition en droit français

Le décret n°2017-1265 du 9 août 2017 relatif à la publication d'informations non financières par certaines grandes entreprises et groupes d'entreprises introduit l'obligation de Déclaration annuelle de performance extra-financière (DPEF).

Ce document doit inclure, pour les risques sociaux, environnementaux et sociétaux les plus pertinents :

  • une description des principaux risques liés à l'activité de la société ;
  • une description des politiques appliquées par la société incluant, le cas échéant, les procédures de diligence raisonnable mises en ½uvre pour prévenir, identifier et atténuer la survenance de ces risques ;
  • les résultats de ces politiques, incluant des indicateurs clés de performance (ICP).

Cette obligation de reporting vise alors 3 800 entreprises en France selon le gouvernement.

8 mars 2018 - Plan d'action sur la finance durable 

Le 8 mars 2018, la Commission européenne présente son plan d'action pour financer la croissance durable. Constatant que « le secteur financier ne tient pas toujours suffisamment compte des risques environnementaux et climatiques », la Commission européenne propose notamment :

  • la création d'un système européen de classification unifié (ou taxinomie) permettant de déterminer clairement quelles activités peuvent être considérées comme « durables » (action n°1 du plan) ; 
  • l'amélioration de la publication d'informations en matière de durabilité et de la réglementation comptable (action n°9 du plan).

Elle prévoit par ailleurs de réviser les lignes directrices sur l'information non financière et crée un laboratoire européen sur le reporting d'entreprise dans le cadre de l'EFRAG (European Financial Reporting Advisory Group).

24 mai 2018 - Paquet législatif européen

Le 24 mai 2018, la Commission européenne présente un ensemble de mesures législatives dans le prolongement du plan d'action présenté en mars. Ce « package » comprend 3 propositions visant à :

  • établir un système de classification unifié des activités économiques durables (« taxonomie » évoquée en mars) ;
  • améliorer la prise en compte des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) par les investisseurs institutionnels ;
  • créer une nouvelle catégorie d'indices de référence pour aider les investisseurs à comparer l'empreinte carbone de leurs investissements.

18 juin 2020 - Naissance de la taxonomie

La taxonomie, publiée sous forme de règlement, s'applique directement à tout acteur européen, sans avoir besoin d'une transposition dans le droit des États membres. 6 objectifs environnementaux sont établis :

  • l'atténuation du changement climatique ;
  • l'adaptation au changement climatique ;
  • l'utilisation durable et la protection des ressources aquatiques et marines ;
  • la transition vers une économie circulaire ; 
  • la prévention et le contrôle de la pollution ;
  • la protection et la restauration de la biodiversité et des écosystèmes.

Ce texte fixe donc un cadre pour évaluer les activités économiques : une activité sera considérée « durable » si elle contribue significativement à l'un de ces 6 objectifs environnementaux, sans causer de préjudice important à l'un des 5 autres.

21 avril 2021 - Nouvelles mesures de la Commission européenne

La Commission européenne adopte une série de mesures comprenant :

  • l'acte délégué relatif au volet climatique de la taxonomie de l'UE, définissant notamment les activités éligibles à la taxonomie ;
  • une proposition de directive sur la publication d'informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD), visant notamment à harmoniser la publication d'informations sur la durabilité par les entreprises ;
  • les 6 actes délégués modificatifs relatifs aux devoirs fiduciaires et au conseil en investissement et en assurance, pour une meilleure prise en considération de la durabilité dans les conseils en investissement.

6 juillet 2021 - Nouvelles stratégie pour la finance durable

La nouvelle stratégie de la Commission européenne prévoit de nombreuses mesures visant à :

  • élargir la panoplie des instruments de finance durable disponibles pour faciliter l'accès aux financements de transition ;
  • inclure davantage les petites et moyennes entreprises (PME), ainsi que les consommateurs, en leur offrant les outils et incitations dont ils ont besoin pour accéder aux financements de transition ;
  • rendre le système économique et financier plus résilient face aux risques en matière de durabilité ;
  • accroître la contribution du secteur financier à la durabilité ;
  • préserver l'intégrité du système financier de l'UE, en veillant à sa transition ordonnée vers la durabilité ;
  • proposer des initiatives et des normes internationales en matière de finance durable, tout en soutenant les pays partenaires de l'UE.

Parmi les mesures adoptées, on trouve l'acte délégué supplémentant l'article 8 du règlement Taxonomie présenté en avril 2021. Cet acte délégué précise le contenu, la méthodologie et la présentation des informations à publier par les entreprises concernant la proportion d'activités économiques durables dans leurs activités.

10 novembre 2022 - Le Parlement Européen adopte la directive CSRD

Le Parlement Européen a adopté, le 10 novembre 2022, la directive sur la publication d'informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD). Cette directive rendra les entreprises plus responsables publiquement, en les obligeant à publier régulièrement des données sur leur impact sociétal et environnemental. Cela pourrait mettre fin aux pratiques d'écoblanchiment, renforcer l'économie sociale de marché de l'UE et jeter les bases d'établissement de normes d'information sur la durabilité au niveau mondial.

Avec cette directive CSRD :

    • la transparence sur les questions environnementales, sociales et de gouvernance devient la norme pour les grandes entreprises ;
    • l'UE va devenir chef de file des normes mondiales en matière d'information sur la durabilité ;
    • environ 50 000 entreprises seront concernées par ces nouvelles règles, contre 11 700 actuellement.

28 novembre 2022 - Le Conseil de l'Union européenne adopte définitivement la directive CSRD

Le Conseil de l'Union européenne a adopté, le 28 novembre 2022, la directive CSRD. Suite à l'approbation de la position du Parlement européen par le Conseil, l'acte législatif est adopté.

Après signature par les présidents du Parlement européen et du Conseil, il sera publié au Journal officiel de l'Union européenne et entrera en vigueur 20 jours plus tard. Les nouvelles règles devront avoir été mises en ½uvre par les États membres 18 mois plus tard.

6 décembre 2023 - la directive CSRD est transposée en droit français

Une ordonnance du 6 décembre 2023 transpose en droit français la directive CSRD. Tous les professionnels de l'audit de durabilité, qu'ils soient commissaires aux comptes ou auditeurs spécialisés, seront supervisés par un unique organisme : le Haut Conseil du commissariat aux comptes (H3C), désormais renommé Haute Autorité de l'Audit (H2A).

La H2A se voit dotée de nouvelles compétences et moyens, y compris la gestion d'une liste des professionnels autorisés, le contrôle des auditeurs, et la capacité à sanctionner. En outre, elle adopte une approche de co-construction pour la normalisation des audits de durabilité, tout en respectant les normes en vigueur pour les thématiques financières.

Cette ordonnance introduit également une nouvelle composition de son collège, intégrant des experts en durabilité, et sépare clairement les membres de l'organe disciplinaire de ceux du collège. Ceci vise à renforcer l'efficacité des procédures de contrôle et disciplinaires.

Selon les principes européens visant à appliquer les mêmes normes et assurances aux audits d'informations de durabilité qu'aux audits de certification des comptes, les règles actuelles de certification des comptes sont désormais étendues aux audits d'informations de durabilité.

Cette approche est tellement dominante que le terme « certification » est également utilisé pour ces nouvelles missions d'audit de durabilité, alignant ainsi leur dénomination sur celle des audits de comptes.

Enfin, l'ordonnance s'aligne avec le 3° de l'article d'habilitation, visant à harmoniser de manière claire et cohérente les diverses réglementations liées à la CSRD. Elle simplifie les dispositifs de reporting en matière de responsabilité sociale des entreprises (RSE), établit des définitions communes pour différentes tailles d'entreprises et groupes, et unifie les procédures d'injonction pour assurer l'efficacité de ces dispositifs.



Maxime Navarrete
Responsable de l'actualité professionnelle de Compta Online, média communautaire 100% digital destiné aux professions du Chiffre depuis 2003.
Après 8 ans en tant qu'éditeur juridique puis rédacteur en chef de Lexis 360 experts-comptables chez LexisNexis, je rejoins l'équipe Compta Online en octobre 2021.
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