Rencontre avec l'ACCA

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Pas de prérogative d'exercice, mais...

Contrairement à notre système continental, l'État britannique ne confère pas de prérogative d'exercice à des professionnels diplômés et inscrits sur une liste ou auprès d'un ordre. N'importe qui peut donc, en toute licéité, proposer librement ses services en matière de comptabilité.

Pour autant, cela n'exclut pas une véritable régulation de l'activité qui, dans la culture anglo-saxonne, s'appuie non pas sur l'intervention de l'État, mais sur le contrat entre particuliers (auto-régulation).

Plus précisément, le marché a lui-même régulé l'activité comptable et financière par la création d'associations (principalement l'ACCA et l'ICAEW) afin d'offrir aux agents économiques le choix de professionnels – les chartered accoutants – formés, compétents et respectant une éthique forte, seule à même d'assurer la sincérité et la transparence des comptes – en somme l'exigence de sécurité financière.

Cette sécurité financière apparaît donc comme un pilier essentiel et naturel de l'économie de marché dont les acteurs recherche à s'assurer, d'une manière ou d'une autre.

... des activités d'audit, d'administration judiciaire et de conseil en financement réservées

En contrepoint, l'État contrôle trois activités qui, pour être exercées, doivent être autorisées. Il s'agit :

  • du commissariat aux comptes, qui requiert un diplôme spécifique
  • du conseil auprès des sociétés en difficultés (administrateur judiciaire)
  • du conseil en financement.

L'ACCA est habilitée à délivrer ces autorisations. À cet effet, elle exige une expérience professionnelle et un niveau de diplôme spécifique, en lien avec ces missions.

De ce point de vue, les activités ne sont pas compartimentées, l'exercice de l'une et l'autre n'étant pas incompatibles (sauf dans une même entité pour l'audit).

L'État a instauré un organisme de tutelle : le FRC (Financial reporting cuncil), chargé de vérifier que les licences délivrées sont bien conformes. L'ACCA, responsable des licences qu'elle délivre, est contrôlée et doit rendre des comptes.

Comment devenir membre de l'ACCA ?

Il faut :

  • obtenir au minimum 5 des 14 examens normalement nécessaires (9 pouvant faire l'objet d'une exemption, dès lors que le candidat dispose d'une qualification appropriée du même niveau) ;
  • disposer d'une expérience de 36 mois dans un poste pertinent ;
  • passer le module d'éthique professionnelle.

Sont également exigés l'attestation d'assurance et un extrait de casier judiciaire.

Les licences sont délivrées aussi bien aux personnes physiques qu'aux entreprises.

Par ailleurs, on peut tout à fait avoir dans un même cabinet des professionnels apparentant à des associations différentes tels l'ACCA et l'ICAEW.

L'ACCA délivre un certificat à l'ensemble de ses membres qui a une valeur internationale : il est identique dans le monde entier. À cet égard, l'ACCA est la plus importante association à travers le monde.

Respect des règles par ses membres

L'ACCA dispose d'un code de déontologie qui intègre les règles de l'IFAC, les normes anti-blanchiment, mais également des règles qui lui sont propres.

Les membres de l'ACCA doivent se soumettre à ses standards, qui peuvent aller au-delà des exigences minimales requises par l'autorité de contrôle, dans le cadre des activités réglementées.

Un bureau des réglementations qui est indépendant de tout autre comité (étanchéité absolue) travaille sur ces questions.

La lutte contre le blanchiment

L'ACCA est mandatée pour superviser au sein des cabinets membres, le respect des règles relatives à la lutte contre le blanchiment. Elle s'assure que le cabinet fait notamment ce qui est prévu par les directives européennes.

À travers le monde, douze pays ont confié à l'ACCA le soin de ce contrôle, en demandant d'en rendre compte aux gouvernements. En Europe, seule Chypre a délégué ce rôle à l'ACCA.

Le contrôle de ses membres et la discipline

L'ACCA contrôle ses membres sur l'ensemble de leurs activités.

En principe, ce contrôle est réalisé par un questionnaire annuel. Les contrôles sur place n'interviennent qu'à défaut de réponse ou par une approche par risque ce qui représente une moyenne d'un contrôle tous les six ans.

Dans le prolongement, l'ACCA dispose d'une commission de discipline qui est chargée de recevoir les plaintes des clients. À un premier niveau, un comité reçoit les réclamations et les traite en première instance. Il existe ensuite un comité d'appel.

L'ACCA est très attentive au respect de la transparence et de l'indépendance dans le traitement des conflits avec les clients. À cet effet, les réunions du comité de discipline sont publiques et incluent majoritairement des personnes extérieures à la profession. Il ne peut pas y avoir d'employés de l'ACCA, ni des membres d'autres commissions.

Quels missions et services peuvent être proposés aux clients ?

Un chartered accountant peut proposer à ses clients tous les services sans restriction, dès lors qu'ils ne ressortent pas d'un domaine réservé à une autre profession ou nécessitent une autorisation. Autrement dit, tout ce qui n'est pas interdit est autorisé.

Précision faite qu'un membre de l'ACCA ne peut accepter un travail pour lequel il n'est pas qualifié ou lorsque son intervention remettrait en cause son indépendance.

À titre d'illustration, il peut s'agir de missions de conseils – notamment juridiques – de la paie, de centres d'affaires, de la domiciliation. Ainsi, le conseil juridique est libre, seul le fait de plaider devant la Cour étant réservé aux avocats.

Tout comme en France, le champ des demandes des clients est en train de s'élargir pour aller vers le full service.

Parallèlement, certaines entreprises apprennent à tenir les comptes elles-mêmes laissant aux professionnels le soin des déclarations.

Et le maniement des fonds ?

Les chartered accountants ont le droit de manier les fonds de leurs clients. L'ACCA contrôle pour qu'il n'y ait pas de fraude.

Il n'est pas possible d'encaisser les fonds sur son propre compte, sachant qu'au delà de 10 000 £, il faut ouvrir un compte spécifique.

Le maniement sert principalement à payer les taxes donc plus généralement à la gestion quotidienne de l'entreprise, mais rarement aux investissements financiers ou aux placements.

L'interprofessionnalité ?

Les avocats (solicitors) et les chartered accountants travaillent main dans la main, notamment en matière fiscale.

De manière assez courante, on trouve des sociétés dans lesquelles sont associées différentes professions, notamment celles d'avocat et d'expert-comptable.

Relation avec l'administration fiscale

Il existe un portail commun pour les déclarations sociales et fiscales. La télédéclaration est impérative pour certaines déclarations. La tendance est cependant à la généralisation.

Par ailleurs chaque firme dispose d'une signature électronique afin d'être reconnue.

Règles particulières : mode de rémunération et publicité

La rémunération est totalement libre, la seule limite étant le conflit d'intérêt.

Quant à la publicité, elle est autorisée à l'exception du dénigrement.

Membres de l'ACCA salariés d'entreprises

L'ACCA intègre des membres qui sont salariés dans des sociétés qui n'exercent pas le métier de la comptabilité. N'offrant pas de service au public, il n'est pas nécessaire de demander de licence particulière.

Etre membre de l'ACCA offre simplement une garantie de transparence et de qualité.

Pour autant, il n'y a pas de contrôle. Le membre doit simplement rendre compte de son activité à l'aide d'un questionnaire. Néanmoins l'employeur peut porter plainte auprès de l'ACCA contre son employé, mais il n'y aura pas d'enquête dans l'entreprise.

L'attractivité

L'ACCA est présente dans les écoles et mène d'importantes actions de communication.

Une étude a été réalisée suite à la crise et révèle une perte de confiance relative vis à vis de l'audit et de la comptabilité.

Si 80 % des professionnels pensent que les chartered accountants sont fiables, seuls 55 % du grand public le pensent également.

En outre 75 % de ceux qui veulent créer une société pensent d'abord à unchartered accountant pour se faire conseiller.

À l'origine, ce sont les banquiers qui faisaient les comptes. Mais le contact s'est distendu. Les chartered accountants, par leur proximité, sont devenus plus légitimes.

Du point de vue de la parité, le nombre de femmes étudiantes ou ayant obtenu la licence est équivalent au nombre d'hommes.

Article publié dans la revue Le Francilien - numéro 82 - été 2013

Publication sur Compta Online en partenariat avec le Conseil Régional de l'Ordre des experts-comptables de Paris Ile-de-France