Régime des sociétés mères et filiales - Abus de droit (CE 9 avril 2014, n°359913)

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Une société A a acheté, en décembre 2000, 50% des titres d'une société B, pour un montant d'environ 8.5m¤. Cette dernière société n'exerçait plus aucune activité et ses actifs étaient uniquement composés de liquidités.

Dans les jours qui ont suivi l'acquisition, B a distribué à A un dividende pour un montant d'environ 8.6m¤. En application du régime des sociétés mère et filiales, ces dividendes n'ont pas été taxés à l'impôt sur les sociétés (à l'exception d'une quote-part de frais et charges de 5%). Parallèlement, A a doté une provision pour dépréciation des titres de B, pour un montant d'environ 8.5m¤, qui a été immédiatement déduite du résultat fiscal taxable à l'impôt sur les sociétés au taux normal.

A l'expiration du délai de conservation des titres de deux ans, requis pour l'application du régime des sociétés mères et filiales, A a revendu les titres de B.

Le Conseil d'Etat a considéré, sur le fondement de l'article L64 du LPF (dans sa rédaction en vigueur à l'époque), que cette opération était constitutive d'un abus de droit au motif que l'opération avait été inspirée par un but exclusivement fiscal (i.e. le déficit fiscal reportable généré par la déduction "immédiate" de la provision et la quasi exonération des dividendes perçus en application du régime des sociétés mères et filiales) et avait méconnu les objectif poursuivis par le législateur lors de l'instauration du régime des sociétés mères et filiales.

En conséquence, A ne s'étant pas comportée à l'égard de B comme une société mère, l'application du régime des sociétés mères et filiales a été remise en cause.

Le Conseil d'Etat, qui se réfère aux travaux préparatoires de ce régime, rappelle que le législateur, en instaurant ledit régime, "a eu comme objectif de favoriser l'implication de sociétés mères dans le développement économique de sociétés filles pour les besoins de la structuration et du renforcement de l'économie française. Le fait d'acquérir une société ayant cessé son activité initiale et liquidé ses actifs dans le but d'en récupérer les liquidités par le versement de dividendes exonérés d'impôt sur les sociétés en application du régime de faveur des sociétés mères, avant de la revendre à son propriétaire sans prendre aucune mesure de nature à lui permettre de reprendre et développer son ancienne activité ou d'en trouver une nouvelle, va à l'encontre de cet objectif".

Il convient de noter que la Cour Administrative d'appel de Paris avait donné droit à la demande de la société A, reconnaissant l'absence d'abus de droit (CAA Paris, 30 mars 2012, n°10PA04703).

Par ailleurs, ce schéma d'optimisation a plusieurs fois été soumis au Comité de l'abus de droit fiscal qui a toujours retenu l'existence d'un abus de droit. En effet, si le régime des sociétés mères et filiales permet, afin d'éviter une double imposition, de ne pas soumettre à l'impôt sur les sociétés les dividendes reçus de la filiale par la mère, il suppose également une poursuite effective de l'activité de la filiale pendant les deux ans, au moins, qui suivent son acquisition.



Clotilde Cattier, avocate spécialisée en fiscalité, inscrite au Barreau de Paris.
Contact : contact@clotilde-cattier.com

Après avoir passé deux ans chez STC Partners et six ans chez Taj (Deloitte), Clotilde a rejoint le cabinet Room Avocats, en Suisse. Elle partage son temps entre Paris et la Suisse.

Ses principaux domaines d'intervention, en fiscalité française et internationale, sont les suivants :

  • fiscalité patrimoniale (restructuration de patrimoine, transmission de patrimoine, acquisition/détention/cession de biens immobiliers, etc.) ;
  • fiscalité des particuliers (imposition des cadres internationaux et des dirigeants, traitement fiscal des pensions de retraite versées sous forme de capital, etc.) ;
  • installation en Suisse de personnes physiques et de sociétés ;
  • fiscalité générale des entreprises (restructurations, assistance à contrôle fiscale, intégration fiscale, problématiques de remontée des liquidités, etc.) ;
  • fiscalité immobilière (fiscalité des marchands de biens et des promoteurs immobiliers) ;
  • fiscalité internationale (transactions transfrontalières, traitement fiscal des flux internationaux, etc.) ;
  • opérations de fusions-acquisitions ;
  • régularisation de la situation fiscale des français détenant des avoirs non déclarés à l'étranger.