Rachats d'actions et dividendes en 2016

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Alors que depuis 2011 le montant des dividendes et des rachats d'actions des groupes du CAC 40 était stable à environ 43 Md¤ [1], 2016 casse cette tendance et se rapproche des plus hauts observés de 2007 et 2008 avec un total de 55,7 Md¤.


Source : Compilation des informations réglementées publiées par les sociétés

Si le montant de 2016 n'est plus qu'à 1,4 Md¤ de celui de 2007, sa composition est bien différente. En 2007, le trio de tête faisait 27% des volumes et regroupait Total pour 6,0 Md¤, BNP Paribas pour 5,0 Md¤ et Axa pour 4,3 Md¤. En 2016, les 3 premiers font maintenant 33% du volume et sont constitués de Sanofi (6,7 Md¤), Total (5,9 Md¤) et Vivendi (5,6 Md¤).
De façon plus générale, le quatuor des financières (BNP Paribas, Axa, Crédit Agricole et Société Générale), avec ArcelorMittal et Orange qui faisaient en 2007 38% du total avec 21,9 Md¤, ne fait que 18% du volume de 2016 avec 10,3 Md¤. Les besoins de renforcement de leur structure financière ou les pertes pour ArcelorMittal expliquent cette évolution. Une partie de leur place a été prise par L'Oréal, LVMH, Schneider et Airbus passés en 9 ans de 6 à 14% du volume, du fait d'une progression régulière de leurs activités dans la profitabilité.

En procédant à 9,5 Md¤ de rachats d'actions en 2016, les entreprises du CAC40 ont augmenté les restitutions de liquidités sous cette forme à leur actionnaires. En effet, le chiffre de l'an passé et la moyenne sur les 5 dernières années [2] est de 5,2 Md¤.


Source : Compilation des informations réglementées publiées par les sociétés

Ce montant s'explique à hauteur de 30% par Sanofi qui est le champion de la régularité dans ce domaine, jusqu'au jour où il réalisera une grosse acquisition. Derrière Sanofi, on trouve Vivendi qui rend ainsi à ses actionnaires une partie du produit de ses cessions récentes, et six groupes ont consacré autour de 500 M¤ chacun aux rachats en 2016 : L'Oréal, LVMH, Vinci, Schneider, Airbus et Saint Gobain.

Au total, 14 groupes ont procédé à des rachats d'actions significatifs en 2015 (au moins 100 M¤).

Coté dividendes, 46,2 Md¤ ont été versés en 2016, soit une hausse de 13% par rapport à l'an dernier, une fois neutralisé le dividende exceptionnel de Vivendi (3,7 Md¤).

Rappelons que la progression des dividendes ne traduit nulle ment un enrichissement de l'actionnaire, contrairement à celles des salaires pour les salariés [3].

Cette progression est le reflet d'un meilleur niveau des résultats en 2015 (les dividendes versés en 2016 correspondent aux résultats de 2015) : il n'y a plus qu'un groupe en perte (ArcelorMittal) contre quatre l'année précédente (ArcelorMittal, Alstom, Peugeot et Alcatel-Nokia). Mais ce niveau de résultat n'a rien d'exceptionnel puisqu'il est en retrait de 7% par rapport à celui de 2010 par exemple. Même corrigé de ArcelorMittal, passé d'un profit de 2,2 Md¤ en 2010 à une perte en 2015 de 4,4 Md¤, la progression des résultats des groupes du CAC 40 n'est que de 1,3% sur la période, soit nettement moins que l'inflation sur la même période.

7 groupes, soit un de moins que l'an passé, ont choisi cette année de proposer un paiement de leurs dividendes en actions, ce qui montre qu'ils estiment avoir besoin de capitaux propres complémentaires sans néanmoins faire une augmentation de capital classique (Crédit Agricole) ou que le maintien d'un dividende, alors que les flux de trésorerie disponible sont négatifs, nécessite le recours à cet outil (Total). Alternativement, ils optimisent leur fiscalité puisque les dividendes payés en actions sont exonérés de la taxe de 3%. On remarquera que Technip a procédé à des rachats d'actions pour 234 M¤, tout en payant 136 M¤ de son dividende en actions et en affichant de neutraliser la dilution en résultant par des rachats. Nous n'en voyons pas la logique, mais c'est ainsi.

Comme les années précédentes, le trio de tête des versements de dividendes représente de l'ordre du tiers des dividendes versés, il est composé de Total, Sanofi et Vivendi. Si on ajoute BNP Paribas, Axa et Engie, on atteint avec 6 groupes presque 50% des dividendes. Et les 10 premiers font 59% du volume des dividendes. Comme quoi, même au sein du CAC 40, les inégalités sont criantes !

ArcelorMittal rejoint cette année Peugeot dans le club des abstinents du dividende au titre de 2015.

Le taux de distribution des entreprises du CAC 40 qui ont versé un dividende est de 57%, au-dessus du chiffre de l'an passé (51%). Rappelons à notre lecteur qui serait tenté de jeter la pierre aux gros distributeurs de dividendes que le seul critère financièrement pertinent d'appréciation d'une politique de distribution est le taux de rentabilité marginale des fonds réinvestis, sans parler de la capacité des entreprises à en verser un, compte tenu de leur objectif de structure financière. Le dividende n'est ni une idole ni une icône !

Sans dividende et rachat d'actions, il n'y a pas de réallocation de capitaux propres de secteurs qui en ont eu besoin vers des secteurs nouveaux qui en ont besoin [4]. Il ne nous semble pas que cette restitution accrue en 2016 vers les actionnaires du CAC40 se fasse au détriment des investissements. En témoigne un niveau d'endettement de ces groupes qui apparaît, sauf exception, raisonnable et laissant une marge de man½uvre comme Danone et Air Liquide l'ont démontré en 2016 [5].

[1] Une fois éliminés le dividende en actions Hermès de LVMH (7Md¤) et le rachat d'actions de L'Oréal pour réduire la part de Nestlé dans son capital (6 Md¤) de 2015, qui n'avaient pas vocation à la récurrence.

[2] Hors le rachat d'actions de L'Oréal pour réduire la part de Nestlé dans son capital (6 Md¤).

[3] Pour plus de détails, voir la Lettre Vernimen.net n° 135 d'octobre 2015.

[4] Pour plus de détails, voir le chapitre 40 du Vernimmen 2017.

[5] Pour plus de détails, voir l'article d'actualité de la Lettre Vernimmen.net n° 145 de décembre 2016.