Pour dépasser les limites du tableau de bord de gestion

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Développé à l'origine dans un environnement stable pour des productions planifiées, le contrôle de gestion est longtemps apparu comme un contrôle de réalisation des objectifs et le tableau de bord de gestion en était un élément essentiel.

Dans un environnement turbulent tel aujourd'hui ou la logique de processus est plus pertinente que celle des centres de profit, son rôle n'est cependant pas obsolète. D'après Henri Bouquin, « au long de ces dernières années, le contrôle de gestion s'est trouvé à la fois malmené et reconnu plus nécessaire que jamais ». Face à des systèmes de plus en plus complexes et qui ne peuvent plus être appréhendés par la seule chasse aux coûts (cost killer), « le contrôle de gestion a voulu se départir d'une vision trop taylorienne des tâches et des coûts ; mais il continue à entretenir la fracture entre ceux qui dirigent et ceux qui exécutent. Il n'est pas seulement fait pour agir, il l'est aussi pour penser, notait Follett.

Recréons ces espaces pour que les managers puissent penser »[1]. Un élargissement relatif de l'approche du contrôle de gestion se fait jour dans le balanced scorecard, en français tableau de bord prospectif (TBP), de Robert Kaplan et David Norton.

D'essence essentiellement comptable et tourné vers une mesure de la performance passée, le tableau de bord de gestion a une efficacité limitée pour piloter la mise en ½uvre d'une stratégie de plus en plus dynamique (cf. la stratégie émergente de Mintzberg). Sa conception même, faite dans l'optique d'une structure pyramidale bureaucratique, le rend peu adapté à une optique de communication et de partage des connaissances, ce qui est cependant essentiel dans des organisations contemporaines de plus en plus organiques. Kaplan et Norton présentent le balanced scoreboard (BSC) comme le fer de lance d'un dispositif de déploiement de la stratégie depuis le sommet stratégique jusqu'aux unités opérationnelles.

Le TBP se présente comme un ensemble d'indicateurs directement reliés à la stratégie choisie et permettant de piloter tous les déterminants de la performance. Il se donne pour objectifs :

  • de communiquer la stratégie ;
  • de focaliser l'attention sur l'atteinte des performances clés ;
  • d'orienter la décision pour les actions globales à entreprendre.

On comprend ainsi, que la mesure de la performance se fait à chacun niveau de l'organisation. Nous avons alors une vision globale de l'efficience de celle-ci.

Le tableau de bord est un outil au service de la gouvernance dans la mesure où il permet d'informer les différentes parties prenantes (actionnariats, salariés, clients...) sur l'évolution de l'organisation.

Il est également un outil de communication permettant de diffuser les objectifs auprès de tous les responsables. Ainsi, chaque membre de l'organisation a des impératifs à atteindre et en participant à l'élaboration des indicateurs, il sait où il doit agir pour accroître la performance.

N'oublions pas cependant que le tableau de bord est toujours un outil de contrôle car en mettant en place des indicateurs sur plusieurs années, il met en évidence des évolutions importantes qu'il faut savoir interpréter, c'est-à-dire en rechercher la cause. C'est pourquoi l'interaction des indicateurs est essentielle pour assurer cette compréhension. Le TBP permet également de manière plus traditionnelle de mesurer la réalisation des objectifs et d'évaluer la contribution de chaque membre de l'organisation.

Sa justification fondamentale repose sur la remise en cause des systèmes d'évaluation des performances exclusivement centrés sur le suivi des résultats financiers. Dans le TBP, les indicateurs financiers sont maintenus mais ils sont complétés par des indicateurs sur les clients, sur la qualité et l'efficience des processus internes et enfin sur la capacité de l'organisation[2]à s'améliorer et de croître à long terme par un processus d'apprentissage.

La définition de ces quatre axes doit permettre d'orienter la réflexion des dirigeants sur les multiples dimensions de leur performance, tout en les invitant à se projeter sur divers horizons de temps.

[1] H. Bouquin et M. Fiol, « Le contrôle de gestion : repères perdus, espaces à retrouver », Actes du congrès de l'Association francophone de comptabilité, 2007.

[2] Sur la mise en ½uvre du TBP dans une organisation à but non lucratif, cf. Bernard Augé, Gérald Naro, Alexandre Vernhet, « Le contrôle de gestion au service du gouvernement de l'université : propos d'étape sur la conception d'un balanced scorecard au sein d'une université française », communication au 31e Congrès de l'Association Francophone de Comptabilité - Crises et nouvelles problématiques de la Valeur, 2010.



André Cavagnol
Consultant - Formateur - Auteur en management des organisations
Conseils en organisation, séminaires, conférences, cours
Direction de rapports de stage et de mémoires (DCG, DSCG).