Objet social, raison d'être et société à mission : ce que la loi PACTE change pour les sociétés

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Lors de la création d'une société, l'une des étapes importantes est la rédaction de l'objet social (article 1833 du Code civil). En effet, la capacité de la personne morale dépend de cet objet et par voie de conséquence, l'étendue des pouvoirs du dirigeant, représentant de cette personne morale, également (article 1849 du Code civil).

La loi n°2019-486 du 22 mai 2019, dite loi PACTE, a modifié plusieurs articles du Code civil et du Code de commerce en ajoutant de nouvelles notions qui viennent compléter la définition de l'objet social.

En partenariat avec la collection de manuels DCG Vuibert, voici un rappel de ces changements.

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Objet social, RSE et raison d'être



Des enjeux sociaux et environnementaux

Le dirigeant doit désormais prend ses décisions en tenant compte de l'objet social, de l'intérêt de la société, mais également « des enjeux sociaux et environnementaux de son activité » (article 1833 du code civil). La responsabilité du dirigeant pourrait donc être engagée en cas de décision de gestion ne prenant pas en considération ces enjeux. Dans la pratique, cet engagement risque d'être difficile tant les notions « d'enjeux sociaux et environnementaux » peuvent être difficiles à définir. Aucune sanction n'est explicitement prévue par la loi.

La notion de raison d'être

Pour aller plus loin dans cette démarche de responsabilité sociétale des entreprises (RSE), la loi PACTE a ajouté dans le Code civil la notion de raison d'être (article 1835 du Code civil). Ainsi, les sociétés peuvent préciser dans leurs statuts une raison d'être, en plus de leur objet. Il s'agit des principes que la société entend suivre dans la réalisation de son activité et pour lesquels elle doit affecter des moyens.

L'ajout d'une raison d'être à l'objet social n'est qu'une possibilité et non une obligation légale. Cependant, la société doit ensuite respecter cette mention. Elle encadre le dirigeant dans la mise en œuvre de la stratégie de la société, mais également les associés qui prennent des décisions en assemblée générale (AG). Toute modification de la raison d'être doit être décidée à la majorité nécessaire pour modifier les statuts, puisqu'elle y est mentionnée.

Engagement de la responsabilité civile

Un tiers pourrait engager la responsabilité civile extracontractuelle d'une société n'ayant pas respecté la raison d'être annoncée dans ses statuts. Cependant, il faut pour cela apporter la preuve d'une faute (non-respect de la raison d'être), mais aussi d'un préjudice et d'un lien de causalité. Il faut noter qu'il s'agit d'une obligation de moyens à la charge de la société et de ses dirigeants. La responsabilité sera engagée si la société ou son dirigeant n'a pas mis en œuvre tous les moyens à sa disposition afin que son activité respecte sa raison d'être.

Or, les sociétés qui ont adopté des raisons d'être font en sorte de l'exprimer de façon assez générale pour éviter un tel recours. Aucune définition précise de la raison d'être n'est donnée par le législateur. Il faut noter que l'on retrouve ici la même précaution à prendre lors de la rédaction de l'objet social.

Exemples de raisons d'être

« Apporter à chacun la liberté de se déplacer facilement en préservant la planète » (SNCF)

« Faire avancer l'industrie » (Air Liquide)

« Offrir à chacun une meilleure façon d'avancer » (Michelin).

Les associés pourraient également engager la responsabilité du dirigeant, qui aurait pris des décisions de gestion ne respectant pas la raison d'être. Comme pour le recours en responsabilité civile engagé par le tiers, il faudrait alors que l'associé apporte la preuve d'un préjudice subi par la société ou par lui-même et en lien direct avec le non-respect de cette raison d'être.

Mis à part cette règle générale concernant la responsabilité civile, la loi n'a prévu aucune sanction spécifique en cas de non-respect par la société des principes annoncés dans sa raison d'être.

Objet social et société à mission

Pour aller encore plus loin dans cette démarche de RSE, une société peut adopter l'appellation de société à mission à l'égard des tiers. Cette possibilité est prévue à l'article L 210-10 du Code de commerce et ne concerne donc que les sociétés commerciales.

Attention

La société à mission n'est pas une nouvelle forme de société, mais une qualité qui s'ajoute à la forme de société choisie qui peut être, par exemple, une SA, une SARL ou une SAS. Elle fait l'objet d'une déclaration au greffier du tribunal de commerce et d'une publication au RNE (condition de forme).

Ce statut implique de définir des objectifs sociaux et environnementaux que la société se donne pour mission de suivre dans le cadre de son activité. Elle a donc des objectifs de RSE clairement définis, en plus d'une raison d'être obligatoirement précisée dans ses statuts.

Exemples de sociétés à mission

Botanic

Activité : commerce dans le domaine jardinerie, animalerie

Mission : « Proposer une offre alternative et mieux disante pour respecter la nature ; cultiver une relation de qualité avec toutes nos parties prenantes ; gérer les conditions de transmission de savoirs faires environnementaux ; garantir la cohérence environnementale de nos sites ».

Harmonie mutuelle

Activité : mutuelle santé

Mission : « Affirmer contractuellement nos engagements en faveur de la société française et nous fixer des objectifs sociaux et économiques concrets, suivis et mesurés chaque année par un organisme externe. Donner un supplément de sens à nos collaborateurs et nos adhérents, en apportant des réponses utiles aux enjeux de société, en plus des réponses concrètes apportées à leurs situations de vie ».

Modalités de suivi

La société à mission doit également mettre en place des modalités de suivi de l'exécution de cette mission qui passent notamment par la mise en place d'un comité de mission, composé d'au moins un salarié. Un référent de mission est suffisant dans les sociétés ayant moins de 50 salariés au cours de l'exercice. Il exerce un suivi de l'exécution de la mission tout au long de l'exercice. Lors de l'AG d'approbation des comptes, il présente un rapport annuel joint au rapport de gestion et relatant les actions mises en place par la société dans le cadre de l'exécution de sa mission.

Ce rapport fait l'objet d'un avis rendu par un organisme tiers indépendant, tous les deux ans (voir l'article R.210-21 du Code de commerce, tous les trois ans pour les sociétés de moins de 50 salariés).
Cet OTI doit être désigné parmi les organismes accrédités par le Comité français d'accréditation (Cofrac). Il est choisi pour une durée initiale de six exercices renouvelable, dans la limite d'une durée totale de douze exercices. Le commissaire aux comptes, accrédité pour la vérification de la DPEF, peut également se voir confier cette mission.

Sanctions

La loi prévoit que le non-respect des conditions précitées est sanctionné par le retrait de la mention « société à mission » de tous les actes et documents publiés par la société en question. Cette sanction est prononcée par le président du tribunal statuant en référé, sous astreinte le cas échéant.

Les responsabilités civiles du dirigeant et des associés de la société pourraient également être engagées à condition d'apporter la preuve du dommage et du lien de causalité. Comme pour la raison d'être, la loi n'a pas prévu de sanction particulière en cas de non-respect de la mission par la société, du fait du caractère volontaire de la démarche.

La mention « société à mission » a pour objectif d'améliorer l'image de l'entreprise en question, aussi bien à l'égard des clients que des salariés.

La directive CSRD : un nouveau pas vers la transparence et la responsabilité des sociétés

L'implication des sociétés dans la RSE ne pourra bientôt plus se limiter uniquement à une raison d'être ou une mission. En effet, la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), publiée le 16 décembre 2022 par la commission européenne, a étendu l'obligation annuelle de reporting extra-financier (ou rapport de RSE) aux entreprises de plus de 250 salariés (réalisant 40 millions d'€ de chiffre d'affaires ou ayant 20 millions d'€ d'actifs au total) à compter du 1er janvier 2025, puis les PME cotées, les petits établissements de crédit non complexes et les entreprises d'assurances captives à partir du 1er janvier 2026. Ce reporting extra-financier devra faire l'objet d'une validation par un organisme tiers indépendant.

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