Nouvelle méthode de calcul des plus-values mobilières taxables

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Le Conseil d'Etat a censuré la position de l'administration fiscale prévoyant l'application de l'abattement pour durée de détention, visé à l'article 150-0 D du CGI, aux moins-values de cessions de valeurs mobilières.

Le Conseil d'Etat, dans un arrêt du 12 novembre 2015 (CE 12-11-2015,n° 390265), a sensiblement modifié la méthode de calcul, préconisée par l'administration fiscale, de la plus ou moins value nette imposable au titre des cessions de valeurs mobilières.

Depuis le 1er janvier 2013, les plus-values de cessions de valeurs mobilières sont assujetties au barème progressif de l'impôt sur le revenu, après application, le cas échéant, d'un abattement pour durée de détention (article 150-O D du CGI).

L'administration fiscale considérait que l'abattement pour durée de détention (de 50 % pour les titres détenus depuis au moins deux ans et moins de huit ans et de 65 % pour les titres détenus depuis au moins huit ans) devait s'appliquer à la fois aux plus-values et aux moins-values réalisées au titre de la même année.

Si, après application de l'abattement pour durée de détention, le contribuable réalisait une moins-value, cette dernière était reportable et imputable sur les plus-values réalisées sur les dix prochaines années.

Dans le cas où une plus-value nette était réalisée après application dudit abattement, le contribuable pouvait imputer, le cas échéant, les moins-values reportables générées au cours des années précédentes sur celle-ci.

Exemple

En 2013, un contribuable imposé au taux marginal de 45 %, réalise :

  • une plus-value sans abattement de 1 000 euros,
  • une plus-value de 1 200 euros avec abattement de 50 %,
  • une plus-value de 50 euros avec un abattement de 65 %, et
  • une moins-value de 600 euros avec un abattement de 50 %.

Il détient, par ailleurs, une moins-value reportable, constatée en 2010, de 1 500 euros.

Selon la méthode préconisée par l'administration fiscale, le gain net s'élevait à 1 317,5 (soit 1 000 + (1 200 x 50%) + (50 - (50*65%)) - (600 * 50%)). Sur ce gain net, le contribuable pouvait imputer une fraction de sa moins-value reportable de 1 500 euros et n'était donc pas imposé à l'impôt sur le revenu. En revanche, l'abattement pour durée de détention de 332,5 euros était imposé aux prélèvements sociaux.

Le Conseil d'Etat a remis en cause cette interprétation en considérant "que les gains nets imposables sont calculés après imputation par le contribuable sur les différentes plus-values qu'il a réalisées, avant tout abattement, des moins-values de même nature qu'il a subies au cours de la même année ou reportées en application du 11 précité (i.e. de l'article 150-0 D du CGI), pour le montant et sur les plus-values de son choix, et que l'abattement pour durée de détention s'applique au solde ainsi obtenu, en fonction de la durée de détention des titres dont la cession a fait apparaître les plus-values subsistant après imputation des moins-values".

Le Conseil d'Etat a, en outre, annulé la doctrine administrative prévoyant l'application de l'abattement pour durée de détention aux moins-values.

Sur la base de cette décision, il convient donc, dans un premier temps, d'imputer sur les plus-values de l'année, les moins-values de l'année ainsi que les moins-values reportables et, dans un second temps, si le gain est positif, de faire application de l'abattement pour durée de détention.

Dans ce contexte, la Haute Juridiction a précisé que les moins-values, quelles qu'elles soient, étaient imputables, par le contribuable, sur les plus-values de son choix.

Exemple (mêmes données que l'exemple précédent)

La plus-value brute de l'année s'élève à 2 250 euros (soit 1 000 + 1 200 + 50).

Sur cette plus-value brute, doivent être imputées (i) les moins-values réalisées au cours de l'année pour un montant de 600 euros, ainsi que (ii) la moins-value reportable de 1 500 euros. Le gain net après imputation de ces moins-values est égal à 150 euros.

On considère que la moins-value de l'année de 600 euros et la moins-value reportable de 1 500 ont été imputées sur la plus-value de 1 000 et sur celle de 1 200.

A l'issue de cette imputation, subsistent une plus-value de 100 euros donnant droit à un abattement pour durée de détention de 50% et une plus-value de 50 euros, donnant droit à un abattement pour durée de détention de 65%, soit une plus-value nette imposable de 67,50 euros (i.e. 100 x 50% + (50 - (50 x 65%)). L'abattement pour durée de détention de 82,50 euros ainsi appliqué (et, naturellement, la plus-value nette de 67,50 euros) sera soumis aux prélèvements sociaux.

La nouvelle méthode de calcul de la plus-value nette taxable édictée par le Conseil d'Etat s'applique rétroactivement aux années 2013 et 2014 et peut s'avérer favorable ou défavorable au contribuable, selon les circonstances.

Dans les hypothèses où cette méthode est plus favorable, les contribuables peuvent, sur le fondement de cette décision, déposer une réclamation préalable auprès de l'administration fiscale, pour obtenir, le remboursement de l'impôt sur le revenu, des prélèvements sociaux et, le cas échéant, de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus qui auraient été indûment payés (des simulations chiffrées permettent de déterminer si la nouvelle position est plus avantageuse ou non pour le contribuable). Cette action expire le 31 décembre 2016 pour les revenus de 2013 et le 31 décembre 2017 pour les revenus de 2014.

A contrario, les contribuables pour lesquels la position de l'administration fiscale était plus avantageuse ne pourront pas voir leurs bases d'imposition rehaussées, en vertu de l'article L.69 du Livre des Procédures Fiscales.

Décision du Conseil d'Etat : CE 12 novembre 2015, décision n° 390265



Cyrille de Tilly, avocat spécialisé en fiscalité, inscrit au Barreau de Paris.
Contact : cdetilly@room-avocats.com

Après avoir passé quatre ans au sein du département fiscal du cabinet PDGB, Cyrille a rejoint, en 2013, le cabinet Room Avocats, à Paris (France).

Ses principaux domaines d'intervention sont :

  • fiscalité patrimoniale ;
  • assistance lors des vérifications fiscales des entreprises et des particuliers ;
  • fiscalité des organismes sans but lucratifs ;
  • régularisation de la situation fiscale des résidents fiscaux français détenant des avoirs non déclarés à l'étranger.