Normes anti-blanchiment des professionnels du chiffre

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La lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT) fait l'objet d'une réglementation particulière au sein de l'Union européenne. Experts-comptables et commissaires aux comptes sont tenus de mettre en place une organisation et des procédures internes spécifiques.

Ils ont aussi des obligations de vigilance particulière vis-à-vis de leurs clients et doivent déclarer leurs soupçons et en informer Tracfin.

Il existe deux normes professionnelles, une pour chaque profession. Il s'agit de la NEP 9605 pour le commissaire aux comptes et de la norme dite NPLAB pour l'expert-comptable.

La dernière version en vigueur de la norme NPLAB a été publiée au Journal officiel du 13 décembre 2020.

La 5ème directive européenne relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LBC-FT) est entrée en vigueur le 10 janvier 2020. Elle a été transposée par une ordonnance et deux décrets du 12 février 2020.

Un arrêté du 18 août 2020 porte homologation de la NEP 9605 révisée pour les commissaires aux comptes (la version précédente datait d'un arrêté du 24 octobre 2019).

Enfin, en raison de la guerre en Ukraine, l'Union européenne a adopté des nouvelles mesures restrictives à l'égard de la Russie, dont l'ajout de plusieurs centaines de noms au registre de gel des avoirs. Les experts-comptables, comme beaucoup d'autres professionnels, sont tenus d'appliquer ces mesures.

Dispositif LBC-FT et 5è directive européenne

Le dispositif en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme a fait l'objet d'un certain nombre de modifications depuis la première directive du 10 juin 1991.

La 4ème directive contient ainsi d'importantes modifications et consacre une approche par les risques alors que les apports de la 5ème directive sont plus limités. L'accès aux bénéficiaires effectifs est élargi.

Enfin, l'une des nouveautés de la 5ème directive anti-blanchiment est qu'elle oblige les professionnels à vérifier l'identité du bénéficiaire effectif.

La norme anti-blanchiment du commissaire aux comptes

La norme NEP 9605 définit un certain nombre de principes de vigilance, de déclaration et de conservation des documents. Elle est codifiée à l'article A823-37 du code de commerce.

Le commissaire aux comptes doit faire preuve de vigilance avant d'accepter une relation d'affaires. Il doit aussi procéder à un certain nombre de vérifications avant d'accepter de fournir un service à un client occasionnel.

La norme révisée en 2019 proposait une approche par les risques en ajoutant de nouveaux motifs de refus de la mission ou de démission du commissaire aux comptes. Elle concerne toutes les interventions du commissaire aux comptes, même lorsqu'elles sont exceptionnelles pour un client occasionnel ou lorsqu'il ne certifie pas les comptes.

Ce sont les articles L561-32 à L561-34 du code monétaire et financier qui prévoient la mise en place de procédures par les professionnels concernés, y compris les commissaires aux comptes. Il s'agit d'une organisation spécifique et de mesures de contrôle interne pour lutter contre le blanchiment des capitaux. Les commissaires aux comptes désignent une personne responsable de la mise en ½uvre du dispositif et forment leurs salariés.

Expertise comptable et norme anti-blanchiment

Du côté des experts-comptables, la dernière version de la norme relative au dispositif de lutte anti-blanchiment est une réécriture qui fait suite à la transposition de la 4ème directive européenne en droit français.

En vertu de l'article L561-2 du code monétaire et financier, il existe un certain nombre de professions financières et non financières soumises au respect des obligations en matière de lutte contre le blanchiment. Les professionnels de l'expertise comptable et leurs structures d'exercice professionnel en font partie, pour l'ensemble de leurs missions.

C'est pour cette raison que le Comité de lutte anti-blanchiment du Conseil Supérieur de l'Ordre des experts-comptables (renommé depuis « Conseil National de l'Ordre des experts-comptables ») a réécrit la norme professionnelle dite NPLAB. L'objectif était d'en simplifier l'écriture sans ajouter à la réglementation en vigueur.

Les dispositions de lutte contre le blanchiment chez les experts-comptables ne sont plus en annexe de la norme professionnelle de maîtrise de la qualité (qui contient les procédures de contrôle qualité). C'est une norme à part entière.

Une nouvelle section intitulée « identification et évaluation des risques » y a fait son apparition. Elle répond à l'obligation qui est faite à toute structure d'exercice professionnel d'identifier les risques LBC-FT.

La norme aborde notamment les thématiques suivantes :

  • l'organisation de la structure d'exercice professionnel ;
  • l'identification et l'évaluation des risques ;
  • les obligations de vigilance à l'entrée en relation d'affaires ;
  • les obligations de vigilance au cours de la relation d'affaires ;
  • les obligations de déclaration à Tracfin ;
  • l'autorité de contrôle ;
  • les sanctions.

Règlement intérieur de l'Ordre des experts-comptables

Du côté des experts-comptables, la norme NPLAB a fait l'objet d'un arrêté du 17 juillet 2019. Un titre IV bis intitulé « contrôle relatif à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme » est ajouté au règlement intérieur de l'Ordre des experts-comptables par un arrêté du 25 novembre 2020.

Les articles 460 à 488 du règlement intérieur traitent du contrôle du respect de leurs obligations par les experts-comptables, les salariés autorisés, les sociétés d'expertise comptable, les AGC, les succursales et les sociétés pluriprofessionnelles d'exercice. Ce contrôle est mis en ½uvre par le comité LBC-FT du CNOEC (Conseil National de l'Ordre des experts-comptables) selon une approche par les risques. Les experts-comptables stagiaires ne sont pas concernés (article 461).

Les articles suivants détaillent les modalités de ces contrôles qui visent en priorité, les professionnels les plus exposés à ces risques. En cas de graves manquements, le comité LBC-FT peut saisir l'instance disciplinaire.

Les apports de la norme NPLB

Plusieurs éléments ont été modifiés par cette norme (liste non exhaustive).

Le premier élément concerne la conservation des documents. Sont ainsi conservés pendant 5 ans, les documents relatifs aux mesures de vigilance mises en ½uvre lors des phases d'identification et de vérification de l'identité.

Avant la signature de la lettre de mission, le responsable de la lettre de mission procède également à la vérification des éléments d'identification sur présentation de tout document écrit à caractère probant. Lorsque le risque de blanchiment paraît faible, cette vérification peut se faire au plus tard avant le commencement des travaux.

Des précisions ont également été apportées concernant les obligations du responsable de missions à l'égard du client occasionnel (conditions de l'absence de vigilance).

De la même manière, l'expert-comptable peut transmettre une déclaration de soupçon à TRACFIN même si aucune lettre de mission n'a été signée.

La mise en ½uvre des mesures de vigilance à l'entrée en relation d'affaires doit être justifiée par le responsable de la mission. 

D'autres modifications de la norme concernent l'identification du client. À titre d'exemple, la vérification de l'identité de la personne morale peut être réalisée en obtenant le document directement auprès d'un greffe des tribunaux de commerce ou un document équivalent en droit étranger.

D'autres exemples se trouvent dans l'identification et la vérification du ou des bénéficiaires effectifs, la mise en place de mesures d'identification et de vigilance simplifiées ou encore l'obligation de vigilance au cours de la relation d'affaires.

Enfin, l'expert-comptable qui réalise des paiements pour le compte de ses clients doit s'abstenir d'effectuer toute opération suspecte et réaliser une déclaration de soupçon sans délai.