Les obligations fiscales françaises des administrateurs de trust

Article écrit par (310 articles)
Modifié le
31 563 lectures

L'article 14 de la loi n°2011-900 du 29 juillet 2011, qui a introduit en droit français un régime fiscal des trusts étrangers ayant des "attaches" avec la France, a également mis en place un certain nombre d'obligations à la charge des administrateurs de trust (article 1649 AB du CGI).

Selon cette loi, les trusts constituent "un ensemble de relations juridiques créées dans le droit d'un Etat autre que la France par une personne, qui a la qualité de constituant, par acte entre vifs ou à cause de mort, en vue d'y placer des biens ou droits, sous le contrôle d'un administrateur, dans l'intérêt d'un ou plusieurs bénéficiaires ou pour la réalisation d'un objectif déterminé" (article 790-0 bis du CGI).

Le terme "administrateur" n'est pas défini dans le texte légal mais, par assimilation avec l'article 2 de la convention de La Haye du 1er juillet 1985 relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance (convention non ratifiée par la France), on devrait pouvoir comprendre le terme "administrateur" comme étant la traduction du terme anglais "trustee".

Cette note présente de manière synthétique les principales obligations mises à la charge des administrateurs de trust, ces obligations étant de deux ordres :

  • des obligations déclaratives ;
  • des obligations financières.

Remarque : seuls les trusts ayant un lien avec la France sont concernés par les dispositions présentées.

En pratique, sont visés les trusts suivants :

  • Trusts dont le constituant et/ou le bénéficiaire est un résident fiscal français ;
  • Trusts comprenant au moins un bien ou un droit situé en France ;
  • Depuis le 8 décembre 2013 [1], trusts dont l'administrateur a son domicile fiscal en France.

Les obligations déclaratives des administrateurs de trust

Les trusts encourent des obligations déclaratives suivantes :

  • Dépôt d'une déclaration de constitution, de modification ou d'extinction du trust ;
  • Dépôt d'une déclaration annuelle de la valeur des biens, droits et produits du trust.


Déclaration de constitution, de modification ou d'extinction du trust (déclaration "évènementielle")

Cette déclaration doit être déposée, au service des impôts des entreprises étrangères (à Noisy-le-Grand), dans le mois suit la constitution, la modification (i.e. modification de fonctionnement, changement des termes du règlement du trust, changement de bénéficiaire ou d'administrateur, etc) ou l'extinction d'un trust (article 344 G sexies du CGI).

Elle est effectuée sur le formulaire n°2181-TRUST1, mis à disposition sur le site www.impots.gouv.fr.

Elle doit comporter certaines mentions, dont notamment :

  • l'identification du ou des constituants, bénéficiaires et de l'administrateur du trust ;
  • le contenu des termes du trust : contenu de l'acte de trust et des éventuelles stipulations complémentaires régissant son fonctionnement, notamment l'indication de sa révocabilité ou de son irrévocabilité, de son caractère discrétionnaire ou non et des règles régissant l'attribution des biens ou droits mis en trust ainsi que de leurs produits ;
  • la nature et la date de la survenance de l'événement qui a généré l'obligation déclarative ;
  • la consistance, appréciée au jour de la création, de la modification ou de l'extinction du trust, des biens ou droits mis en trust ou sortis du trust, ainsi que l'identification des personnes mettant en trust lesdits biens ou droits ou auxquelles sont transmis ces biens ou droits après leur sortie du trust.

Ces dispositions sont applicables depuis le 31 juillet 2011. S'agissant des trusts déjà constitués à cette date, les administrateurs de trust devaient déposer une déclaration d'existence précisant leurs termes.

Pour ces trusts et pour ceux dont la constitution, la modification ou l'extinction est intervenue entre le 31 juillet 2011 et le 15 septembre 2012, le dépôt de cette déclaration d'existence a bénéficié d'un report jusqu'au 31 décembre 2012.

Déclaration annuelle de la valeur vénale des biens, droits et produits du trust ("déclaration annuelle")

Outre des informations notamment relatives aux termes du trust, à l'identité du constituant, du bénéficiaire et de l'administrateur du trust, cette déclaration doit comporter un inventaire détaillé des biens, droits et produits capitalisés situés en France ou hors de France et placés dans le trust, ainsi que leur valeur vénale au 1er janvier de l'année. Elle est déposée chaque année, par l'administrateur du trust, au plus tard le 15 juin, auprès du service des impôts des entreprises étrangères (Noisy-le-Grand).

Elle est effectuée sur le formulaire n°2181-TRUST2, mis à disposition sur le site www.impots.gouv.fr.

Cette obligation déclarative, introduite en juillet 2011, s'est appliquée la première fois en 2012 (i.e. elle aurait en principe dû être appliquée pour la première fois le 15 juin 2012). Toutefois, à titre exceptionnel pour l'année 2012, les administrateurs ont bénéficié d'un report au 30 septembre 2012 pour s'acquitter de cette obligation.

Le cas échéant, cette déclaration est accompagnée du paiement du prélèvement spécifique sur les trusts (pour plus de détail concernant ce prélèvement, se référer à la seconde partie de la présente note).

Les obligations financières des administrateurs de trust

La loi fiscale française met à la charge des administrateurs certaines obligations financières dont notamment :

  • un prélèvement spécifique sur les trusts ;
  • une amende en cas de non-respect des obligations déclaratives précitées :
  • dans certaines hypothèses, des droits de mutation par décès.


Prélèvement spécifique sur les trusts

Cette taxe est due si les biens, droits et produits capitalisés placés dans le trust n'ont pas été régulièrement déclarés dans le patrimoine assujetti à l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) du constituant et / ou du bénéficiaire du trust (à condition, bien évidement, que ledit constituant et / ou bénéficiaire soit redevable de l'ISF, c'est-à-dire qu'il ait un patrimoine net taxable supérieur à 1.3m¤ au 1er janvier de l'année d'imposition, avoirs placés dans le trust compris).

Le prélèvement est calculé au tarif le plus élevé mentionné au 1 du I de l'article 885 U du CGI (i.e. taux le plus élevé du barème de l'ISF, soit 1.5% à ce jour), sur la valeur vénale des biens, droits et produits capitalisés placés dans le trust. Il est versé au plus tard le 15 juin de chaque année, avec le dépôt de la déclaration annuelle précitée.

En terme de territorialité, le prélèvement obéit aux règles habituelles. Ainsi, il est dû :

  • lorsque le constituant et / ou le bénéficiaire est fiscalement domicilié en France, à raison de l'ensemble des biens placés dans le trust, quelle que soit leur localisation géographique ;
  • au titre des biens et droits situés en France (autres que les placements financiers) placés dans le trust, lorsque le constituant et  / ou le bénéficiaire ne sont pas fiscalement domiciliés en France.

En principe, ledit prélèvement est à la charge de l'administrateur du trust. Toutefois, en cas de défaut de paiement par l'administrateur, le constituant et / ou le bénéficiaire sont solidairement responsables du paiement du prélèvement spécifique.

Amende liée au non-respect des obligations déclaratives des administrateurs de trust

Les administrateurs de trust qui n'accomplissent pas les obligations déclaratives précitées sont passibles d'une amende de 20 000¤.

Toutefois, à compter du 1er janvier 2017 et dans les situations ou le prélèvement spécifique sur les trusts n'a pas été acquitté, cette amende est portée à 80% des rappels d'impôts, sans pouvoir être inférieure à 20 000 ¤.

Le constituant et / ou le bénéficiaire sont, uniquement lorsque le prélèvement spécifique est dû (i.e. en l'absence de déclaration des biens et droits placés dans le trust à l'ISF), solidairement responsables avec l'administrateur du paiement de cette amende.

Droits de mutation à titre gratuit en cas de décès du constituant

Dans certains cas spécifiques, l'administrateur est redevable des droits de mutation à titre gratuit, à la suite du décès du constituant. Ces cas sont les suivants :

  • lorsque la part revenant aux descendants du constituant ne pas être déterminée pour chacun d'entre-eux à la date du décès ;
  • lorsque les biens demeurent dans le trust après le décès du constituant ;
  • lors d'une transmission collective incluant des personnes ne descendant pas du constituant décédé.

Ces droits d'enregistrement doivent être acquittés auprès du comptable public, dans un délai de six mois à compter du décès du constituant si le décès est intervenu en France métropolitaine (le délai est de un an dans les autres cas).

[1] Extension introduite par l'article 11 de la loi n°2013-1117 du 6 décembre 2013



Clotilde Cattier, avocate spécialisée en fiscalité, inscrite au Barreau de Paris.
Contact : contact@clotilde-cattier.com

Après avoir passé deux ans chez STC Partners et six ans chez Taj (Deloitte), Clotilde a rejoint le cabinet Room Avocats, en Suisse. Elle partage son temps entre Paris et la Suisse.

Ses principaux domaines d'intervention, en fiscalité française et internationale, sont les suivants :

  • fiscalité patrimoniale (restructuration de patrimoine, transmission de patrimoine, acquisition/détention/cession de biens immobiliers, etc.) ;
  • fiscalité des particuliers (imposition des cadres internationaux et des dirigeants, traitement fiscal des pensions de retraite versées sous forme de capital, etc.) ;
  • installation en Suisse de personnes physiques et de sociétés ;
  • fiscalité générale des entreprises (restructurations, assistance à contrôle fiscale, intégration fiscale, problématiques de remontée des liquidités, etc.) ;
  • fiscalité immobilière (fiscalité des marchands de biens et des promoteurs immobiliers) ;
  • fiscalité internationale (transactions transfrontalières, traitement fiscal des flux internationaux, etc.) ;
  • opérations de fusions-acquisitions ;
  • régularisation de la situation fiscale des français détenant des avoirs non déclarés à l'étranger.