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Les monnaies virtuelles et les experts-comptables : le cas d'école du Bitcoin

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Catégorie : Actualité des métiers du chiffre
Expert-comptable et bitcoin


La problématique des monnaies virtuelles et l'engouement vis à vis de celles-ci est un phénomène relativement récent, et qui ne semble pas être éphémère au regard de l'évolution du cours de certaines de ces monnaies.

Le professionnel, tant expert-comptable que commissaire aux comptes doit s'interroger lorsqu'il est confronté à ce type d'opération à l'occasion de ses différents travaux.

En effet, certaines monnaies virtuelles ont une réputation « sulfureuse », la plupart servent de moyen de paiement sur le « Darkweb ». En outre, la monnaie virtuelle Bitcoin a défrayé la chronique à plusieurs reprises suite aux piratages avérés, dont les conséquences se chiffrent en plusieurs dizaines de millions.

 

Rappel autour des monnaies virtuelles



Précisions sur les monnaies virtuelles ayant cours légal

Dans son focus n°10 du 5 décembre 2013, la banque de France apporte une définition intéressante :

il s'agit de proposer dans la sphère virtuelle, des monnaies et des moyens de paiement afin d'échanger des biens et des services du monde de l'internet...

En revanche, la définition de la monnaie électronique présentée à l'article L. 315-1 du Code monétaire et financier est relativement précise :

La monnaie électronique est une valeur monétaire qui est stockée sous une forme électronique, y compris magnétique, représentant une créance sur l'émetteur, qui est émise contre la remise de fonds aux fins d'opération de paiement définies à l'article L. 133-3 et qui est acceptée par une personne physique ou morale autre l'émetteur de monnaie électronique.

Il convient de rappeler utilement qu'une monnaie a cours légal, lorsqu'il est impossible de la refuser en paiement d'une transaction.


Un exemple concret de monnaie virtuelle : le Bitcoin

Cette monnaie virtuelle Bitcoin est apparue en 2009, son auteur n'a pas été authentifié avec certitude. Cette monnaie virtuelle est basée sur la technologie de la blockchain.

Pour approfondir la notion de blockchain et connaître des cas d'usage pour les experts-comptables, je vous invite à lire l'article « La blockchain et les experts-comptables ».

 

Rappel de l'absence de protection légale en cas de vol de Bitcoin

En février 2014, 850 000 Bitcoins (NDLR : soit plus de 350 M¤ !) avaient disparu des comptes de la plateforme Mt Gox localisée au Japon. Actuellement, les monnaies virtuelles ne bénéficient d'aucune protection juridique. Les sommes présentes sur les comptes des intermédiaires peuvent être irrémédiablement perdues.

A noter, que l'ACPR a pris position sur la question du Bitcoin. En effet, pour cet organisme, les plateformes d'échanges de Bitcoin ont un rôle d'intermédiaire et doivent obligatoirement détenir un agrément de prestataire délivrée par elle-même.

 

Rappels généraux autour de la norme anti-blanchiment

Les obligations des professionnels sont déterminées par les sections 2 à 7 du chapitre Ier du titre VI du livre V du Code monétaire et financier.

La norme anti-blanchiment : rappels généraux à destination des experts-comptables

La norme relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme détermine les obligations des professionnels de l'expertise-comptable.

On retiendra les principales dispositions, à savoir :

  • la vigilance à l'égard de l'identification du client et du bénéficiaire effectif ;
  • la vigilance à l'égard des opérations réalisées par le client ;
  • la déclaration à TRACFIN ;
  • les procédures et mesures de contrôle interne à mettre en place au sein des structures d'exercice professionnel.

 

La norme anti-blanchiment : rappels généraux à destination des commissaires aux comptes

Par effet de miroir, on constate une relative proximité des obligations des commissaires aux comptes définies par la Norme d'Exercice Professionnelle 9605, à savoir :

  • une obligation de vigilance à l'égard de l'entité et du bénéficiaire effectif ;
  • une obligation de vigilance à l'égard des opérations réalisées par l'entité ;
  • une obligation de déclaration à TRACFIN.

Cependant, on note une obligation spécifique liée aux liens éventuels entre la déclaration à TRACFIN et la révélation des faits délictueux au Procureur de la République.

 

Cas pratique : les risques liés à la monnaie virtuelle

En préambule, un extrait du rapport de TRACFIN :

La monnaie virtuelle présente des risques élevés en matière de LCB/FT puisqu'elle sert de passerelle entre l'économie légale et l'économie souterraine et assure l'anonymisation des transactions

Supposons une société X, dont l'objet social serait la vente de produits de beauté sur internet. Lors des opérations courantes de tenue de comptabilité, vous vous apercevez de l'existence d'un virement bancaire en provenance d'une plateforme de conversion de Bitcoins/euros.

 

Schéma classique d'un paiement en Bitcoin

Le client final Z transfère Bitcoin sur le compte en Bitcoin de la société X.

La société X peut convertir au cours du jour vers un compte bancaire en euros détenu dans une banque « classique ».

Le problème se situe à la deuxième étape. En effet, les monnaies virtuelles, au même titre que les transactions en espèces autorisent une forme de quasi-anonymat. Ainsi, il est relativement difficile d'avoir la certitude que notre client Z est bien le client Z et non un tiers ou une entreprise « douteuse ».

Pour mémoire, la norme apporte l'éclairage suivant :

la qualification de soupçon ne doit toutefois pas être appréciée de manière trop subjective. En effet, la qualification de soupçon doit être fondée sur des circonstances de fait objectifs (troisième directive blanchiment, 26 octobre 2005, art 1 paragraphe 5). La nature des éléments factuels susceptibles d'être pris en compte afin de déterminer l'opportunité d'une déclaration de soupçon repose notamment sur :

  • le fait que l'origine licite des fonds n'a pas pu être établie ;
  • l'origine douteuse des fonds (paradis bancaires, circuits complexes) ;
  • l'identité des opérateurs (nouveaux clients, interposition de structures opaques) ;
  • le caractère atypique de l'opération (activité éphémère, hors objet social, acte anormal, flux transfrontalier) ;
  • l'existence de symptômes de criminalité organisée...

 

Nos cabinets peuvent-ils accepter le paiement de leurs propres honoraires en Bitcoins ?

Dans les développements précédents, nous avons vu les risques liés aux monnaies virtuelles et plus précisément au Bitcoin.

En outre, le professionnel doit être conscient des risques liés à l'utilisation de cette monnaie, à savoir :

  • une forte volatilité des cours ;
  • l'absence de garantie légale de remboursement à tout moment et à la valeur nominale en cas de fraude.

A notre avis, le paiement en Bitcoin doit rester marginal dans les typologies des méthodes de paiement acceptées par le cabinet.

Par ailleurs, il convient de s'interroger sur les motivations profondes du client qui privilégie ce type de paiement. Ces motivations pourront faire l'objet d'une note dans le dossier de travail, et en outre, il conviendra de matérialiser la réévaluation du niveau de vigilance à l'aube de la découverte de ce type de transaction.

 

En synthèse, deux maîtres-mots : vigilance et formation.

En effet, il convient d'être vigilant si vous êtes confrontés à ce type de transaction et former vos collaborateurs afin qu'ils signalent ce type d'opérations.

Fabrice Heuvrard

Fabrice Heuvrard, expert-comptable et commissaire aux comptes.

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