Le mandat de protection future : fonctionnement et intérêt

Article écrit par (1142 articles)
Modifié le
1 905 lectures

Le mandat de protection future permet à un mandant de désigner un mandataire pour s'occuper de ses affaires privées et professionnelles en cas d'incapacité. Il peut être signé par toute personne ne faisant pas l'objet d'une mesure de tutelle.

L'objet du mandat peut être la personne du mandant, son patrimoine ou les deux. Pour un dirigeant ou un chef d'entreprise, le but est de pérenniser l'entreprise en cas d'accident de la vie. Pour l'expert-comptable, c'est une mission potentielle en tant que contrôleur du mandat et le moyen de remplir son obligation de conseil.

Extrait de la conférence « Les 10 mesures indispensables pour protéger l'entreprise et le patrimoine de son dirigeant » organisée par le syndicat ECF.

Anticiper les conséquences de l'incapacité du dirigeant

Le mandat de protection future est prévu aux articles 425 et 477 du code civil. Il peut être signé pour la personne elle-même, pour un enfant mineur ou un incapable majeur. C'est une mesure de protection qui permet d'anticiper les conséquences de l'incapacité d'un dirigeant.

Elle protège la personne concernée lorsqu'elle n'est plus capable de pourvoir seule à ses intérêts en raison de l'altération médicalement constatée de ses facultés mentales ou corporelles.

Pour le dirigeant d'entreprise, il s'agit d'anticiper certains aléas de la vie pour protéger l'entreprise. On parle ici :

  • des maladies incapacitantes ;
  • des accidents qui peuvent laisser une personne avec un handicap (accident vasculaire cérébral ou AVC, mauvaise chute, accident de la route...)

Tout majeur ou mineur émancipé qui ne fait pas l'objet d'une mesure de tutelle peut charger une autre personne de le représenter en cas d'incapacité physique ou mentale, par un mandat de protection future. Cette personne peut être :

  • une personne physique, un membre de la famille, un proche par exemple ;
  • un notaire ;
  • un avocat ;
  • une personne morale.

L'enjeu est d'assurer la survie de l'entreprise et de sauvegarder le patrimoine du dirigeant.

Il est ainsi possible de désigner toute personne physique à l'exception des soignants du mandataire malade ou incapable. Lorsqu'une personne morale est désignée, elle est obligatoirement inscrite sur la liste des mandataires judiciaires.

Plusieurs mandataires peuvent aussi être désignés, le premier pour la sphère privée et le second pour la sphère professionnelle (le futur repreneur de l'entreprise ?), chacun selon ses compétences. « Des mandataires successifs peuvent être désignés par les plus pessimistes, en cas d'empêchement du premier mandataire » ajoute Virginie Roitman.

« Le mandataire ne peut jamais être l'expert-comptable qui tient les comptes de l'entreprise, c'est une incompatibilité ».

Mandat de protection future : acte sous seing privé ou acte notarié

Pour établir un mandat de protection future, trois options s'offrent au dirigeant d'entreprise :

  • un acte sous seing privé ;
  • un acte contresigné par un avocat ;
  • un acte notarié ou acte authentique signés par le mandant et le mandataire. 

En cas d'acte sous signature privée, le document doit être enregistré par l'administration fiscale. Pour un montant de 125¤ de droits d'enregistrement, la recette des impôts donne ainsi date certaine au document. L'avantage est le fait qu'une date certaine, empêche toute contestation future au moment de la survenance d'une incapacité.

Cette formalité n'est pas requise en cas d'acte contresigné par un avocat. La signature de l'avocat lui confère date certaine.

Le mandat sous signature privée est limité aux actes de gestion courante du patrimoine. Ainsi, dans le cadre d'un mandat donné par acte sous signature privée (parfois appelé mandat sous seing privé), les pouvoirs du mandant sont limités aux actes que pourrait réaliser un tuteur sans autorisation. Tous les actes de disposition (apport d'un immeuble, fonds de commerce par exemple) lui sont interdits.

En cas d'acte notarié ou de mandat notarié, les pouvoirs du mandataire sont beaucoup plus étendus. Le mandataire peut vendre un immeuble, un fonds de commerce, céder l'entreprise si nécessaire.

« L'acte authentique est recommandé car il permet de réaliser des actes à titre onéreux comme la cession de l'entreprise sans autorisation du juge ».

Le mandant peut ainsi plus librement fixer les prérogatives du mandataire, sans avoir à tenir compte de la « lenteur de la justice qui n'est pas toujours compatible avec la rapidité de la vie des affaires.

Mise en ½uvre du mandat de protection future

En cas d'incapacité du dirigeant ou du chef d'entreprise, « le mandataire se présente au greffe du tribunal d'instance avec le mandat et un certificat médical, rédigé par un médecin agréé qui est inscrit sur une liste tenue par le procureur de la République » explique Virginie Roitman pour mettre en ½uvre le mandat.

Le mandant ne perd pas sa capacité juridique et peut faire un apport en société. L'apport ne peut être annulé qu'en cas de lésion ou réduit en cas d'excès.

Si le mandataire exerce en principe ses fonctions gratuitement, il est possible de prévoir dans le mandat :

  • une rémunération du mandataire ;
  • un contrôle de l'exécution du mandat.

Dans tous les cas, il reste possible de saisir le juge des tutelles en cas de contestation de la mise en ½uvre du mandat ou pour compléter la protection du dirigeant, devenu majeur incapable, par une tutelle ou curatelle.

La fin du mandat intervient :

  • au décès du mandant ;
  • en cas de mise sous tutelle ou curatelle ;
  • en cas de décès ou de mise sous tutelle ou curatelle du mandataire ;
  • en cas de révocation du mandataire par le juge des tutelles ;
  • lorsque le mandant retrouve la pleine capacité juridique.

Le contrôle du mandat de protection future par un tiers et les souhaits du mandant

Nommer un contrôleur du ou des mandats est possible dès la rédaction des mandats. C'est le mandant qui fixe les modalités de contrôle.

Lorsqu'il est exécuté, il y a un inventaire du patrimoine et un rapport annuel de gestion des comptes est présenté devant notaire. A la fin du mandat, un nouvel inventaire des biens est réalisé.

« L'expert-comptable peut être le contrôleur du ou des mandats et la mission est rémunérée même s'il ne peut pas être le mandataire dès lors qu'il établit les comptes » ajoute Virginie Roitman.

S'il le souhaite, le dirigeant ou chef d'entreprise peut donner des directives à son futur mandataire. Ces directives peuvent concerner l'entreprise ou sa situation personnelle :

  • son logement ;
  • ses loisirs et vacances ;
  • les actes médicaux (autorisés en avance).

Le mandat reste révocable ou modifiable à tout moment, tant qu'il n'a pas pris effet. Le mandataire peut y renoncer.



Sandra Schmidt
Rédactrice sur Compta Online de 2014 à 2022, média communautaire 100% digital destiné aux professions du Chiffre depuis 2003.