Le financement participatif, également connu sous le nom de crowdfunding ou financement par la foule est un mode de financement alternatif à celui des banques.
De plus en plus connu, puisque les fonds collectés doublent chaque année depuis 2012, il permet de mettre en relation des entreprises, des porteurs de projets avec un grand nombre de petits épargnants qui peuvent choisir d'investir dans le projet de leur choix.
L'ordonnance du 30 mai 2014 a réglementé ce nouveau mode de financement en France et le décret du 16 septembre 2014 apporte les précisions nécessaires. Ces deux textes ont créé deux nouveaux statuts spécifiques.
Sauf exception, l'ensemble du dispositif s'applique à compter du 1er octobre 2014.
Qu'est-ce que le crowdfunding et pourquoi a-t-il fallu le réglementer ?
Définition du crowdfunding
Le crowdfunding est définit par l'Autorité des Marchés Financiers (AMF) et l'Autorité de Contrôle Prudentiel et de Régulation de la Banque de France (ACPR) dans leur guide du financement participatif de la manière suivante :
Le crowdfunding ou financement par la foule est un nouveau mode de financement de projets par le public. Ce mécanisme permet de récolter des fonds - généralement de petits montants - auprès d'un large public en vue de financer un projet artistique (musique, film, édition...) ou entrepreneurial. Il fonctionne le plus souvent via internet. Les opérations de crowdfunding peuvent être des soutiens d'initiatives de proximité ou des projets défendant certaines valeurs.
Les entreprises qui n'ont pas accès au financement bancaire peuvent ainsi obtenir des fonds à des conditions avantageuses via une plateforme électronique (un site internet).
A ce jour, il existe environ 70 plateformes et le concept ne cesse de se développer. En 2012, ce mode de financement a représenté 40 millions d'euros. En 2013, le montant est passé à 78.3 millions et il doublera vraisemblablement aussi en 2014.
Les trois formes du crowdfunding
Le financement participatif peut prendre trois formes selon le cas :
- le don avec ou sans contrepartie de faible valeur (crowdsponsoring ou crowdgiving). La contrepartie peut être une entrée dans un musée ou des produits ou services de l'entreprise financée ;
- le prêt (crowdlending) ;
- la souscription au capital de sociétés (crowdinvesting). C'est le crowdfunding stricto sensu. Il donne accès aux titres de capital ou de créances émis par la société porteuse de projet. Il s'agit d'actions ordinaires ou d'obligations à taux fixe.
Les risques du crowdfunding et l'intérêt de la réglementation
Si le financement participatif permet de pallier les carences du financement bancaire, il comporte aussi un certain nombre de risques pour le prêteur et pour le porteur de projet.
Le financeur personne physique peut ainsi
- perdre les fonds investis ou prêtés ;
- ne pas pouvoir récupérer son argent au moment où il en a besoin : c'est le risque d'illiquidité.
Le porteur de projet s'expose aux risques :
- de détournement des fonds par la plateforme ;
- d'endettement (notamment en cas d'échec du projet).
A ces risques s'ajoutent le détournement au profit d'activités illicites comme le terrorisme ou le blanchiment d'argent.
C'est pour toutes ces raisons que les plateformes, quel que soit leur statut doivent être immatriculées à l'Organisme pour le registre des intermédiaires en assurance (ORIAS).
Les sommes qui peuvent faire l'objet d'un prêt sont limitées à :
- 1 000¤ par prêteur et par projet pour un prêt avec intérêts ;
- une durée de 7 ans ;
- 4 000¤ par prêteur et par projet pour un prêt sans intérêts ;
- 1 millions d'euros par projet.
Une adaptation de la réglementation française
La réglementation du financement participatif, en adaptant la réglementation française existante sur plusieurs points, constitue également une dérogation à deux monopoles :
- elle écarte la réglementation des offres de titres au public pour les titres souscrits dans le cadre du crowdfunding ;
- elle permet aux SAS d'offrir des titres dans le cadre d'un financement participatif ;
- elle crée deux statuts spécifiques, dont l'un est une dérogation au statut de courtier financier.
Aucune condition de diplôme n'étant requise ou pouvant être remplacée par une formation ou une expérience professionnelle, il n'y a aucune barrière à l'entrée dans la profession. Et si ce mode de financement se développe, on pourra même imaginer que des banques se mettent à créer des plateformes puisqu'elles remplissent déjà toutes les conditions.
Une dérogation à deux monopoles
Les deux monopoles que touche potentiellement le financement participatif sont :
- le monopole bancaire ;
- le monopole des prestataires de services de paiements.
Pour le monopole bancaire, l'ordonnance modifie l'article L511-6 du code monétaire et financier, afin d'écarter les prêts participatifs de ce monopole.
Pour le monopole des prestataires de services de paiement, les choses ne sont pas si simples. Tout dépend de la manière dont fonctionne la plateforme.
Si le site ne fait que de la mise en relation entre apporteurs ou prêteurs et porteurs de projets, le problème ne se pose pas.
Par contre, dès lors que la plateforme reçoit les fonds pour les mettre ensuite à la disposition des porteurs de projets, l'agrément des prestataires de services de paiement peut devenir obligatoire avec toutes les contraintes attachées, notamment celles concernant l'obligation d'avoir un certain nombre de fonds propres à disposition.
L'ordonnance crée donc un nouvel agrément pour les plateformes à l'article L522-11-1 du code monétaire et financier. L'obtention de cet agrément dit d'établissement de paiement limité auprès de l'Autorité de Contrôle Prudentiel, leur permettra de récolter les fonds du public.
Les fonds sont alors reçus par la plateforme, sans création de compte de paiement au nom d'un bénéficiaire, dans l'unique but de transférer ces fonds vers ce bénéficiaire (ou vers un autre prestataire de services de paiements agissant pour son compte).
Le montant prévisionnel maximum des opérations de l'établissement de paiement limité est fixé à 3 millions d'euros par mois en moyenne au cours des douze derniers mois.
Le montant du capital minimum de ces établissements est fixé à 40 000¤.
Les mesures concernant la SAS
Le crowdfunding n'étant pas considéré comme une offre de titre au public et parce que l'on a souhaitant ouvrir ce mode de financement à un grand nombre de porteurs de projets, les textes applicables à la société par actions simplifiée (SAS) ont été adaptés.
La SAS peut donc offrir ses titres dans le cadre d'un financement participatif, sous réserve de respecter les règles des articles L225-122 à L225-125 et L225-96 à L225-98 du code de commerce. Elle abandonne en échange un peu de sa liberté.
Les actions qu'elle peut offrir contre le financement participatif sont donc des actions ordinaires soumises à certaines règles en matière de droit de vote.
Deux nouveaux statuts spécifiques
Ces deux statuts destinés aux plateformes correspondent à des modes de financement participatifs différents.
Le statut de conseiller en investissement participatif concerne les plateformes qui permettent de vendre des actions ou des obligations de sociétés non côtées (dont les SAS).
Le statut d'intermédiaire en financement participatif concerne les plateformes de prêts et de dons.
Le conseiller en investissement participatif
Les conditions à remplir concernent les personnes physiques qui gèrent les plateformes. Elles doivent être majeures et ne pas avoir été condamnées notamment pour délit d'initié ou ne pas avoir fait l'objet de certaines sanctions listées par le décret.
L'intermédiaire en financement participatif
Ce métier est ouvert aux personnes qui soit :
- disposent d'une licence ou d'un master en matière bancaire ;
- disposent d'une attestation de formation de 80 heures en matière bancaire ;
- attestent de deux ans d'expérience à des fonctions de cadre dans le financement participatif, les opérations de crédit, les services de paiement ou certaines activités de conseil ;
- attestent de trois ans d'expérience hors fonction de cadre dans ces mêmes activités.
L'intermédiaire en financement participatif doit respecter des règles de bonne conduite et met à disposition sur son site, un contrat de prêt type contenant un certain nombre de mentions obligatoires.
Plus d'infos
- Ordonnance n°2014-559 du 30 mai 2014
- Décret n°2014-1053 du 16 septembre 2014
- "Un cadre juridique pour le financement participatif" Petites Affiches du 5 septembre 2014 n°178, page 7
- "Les incidences sur le monopole bancaire et le monopole des prestataires de services de paiement de l'ordonnance sur le financement participatif" Gazette du Palais du 18 septembre 2014, n°261 page 5
- "Régulation du Crowdfunding : de l'ombre à la lumière " Bulletin Joly Bourse du 1er juillet 2014 n°7-08 page 356
- "Crowdfunding : le décret d'application est signé ! Les Echos Business, le 18 septembre 2014
Au sommaire du dossier
- Financement des PME
- Les fonds propres : l'augmentation de capital
- Les fonds propres : l'introduction en bourse
- Les fonds propres : le capital-investissement
- Le financement participatif ou crowdfunding
- Les quasi-fonds propres : les obligations
- Les quasi-fonds propres : les prêts participatifs
- Le recours au crédit
- L'externalisation des créances
- Financement des PME : aspects fiscaux - versement de subventions
- Financement des PME : aspects fiscaux et augmentation de capital
- Financement des PME : Aspects fiscaux - les prets
Sandra Schmidt
Rédactrice sur Compta Online, média communautaire 100% digital destiné aux professions du Chiffre depuis 2003.
J'interviens sur Compta Online depuis 2007 et j'ai rejoint l'équipe en 2014. Mes articles abordent la comptabilité, la fiscalité, le droit social, les IFRS, mais aussi l'intelligence artificielle, la blockchain...