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La profession d'expert-comptable vue depuis le monde des startups

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Catégorie : Actualité des métiers du chiffre
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« Ce que j'attends d'un expert-comptable, c'est le conseil »

La vision que peuvent avoir les dirigeants d'entreprise, jeunes et moins jeunes, de leur expert-comptable n'est pas forcément la même dans tous les milieux.

Vu depuis le petit monde des startups, l'expert-comptable doit avoir la casquette d'expert et de conseil, être à l'aise avec les outils digitaux et prêt à accompagner ses clients dans leurs projets importants.

Témoignage de Philippe Fraysse, dirigeant d'entreprise depuis 15 ans qui a déjà investi dans différentes startups et les accompagne.

 

Dans un message publié sur Twitter, vous parliez de poussière et de naphtaline. Globalement, en quelques mots, quelle est votre image de la profession d'expert-comptable ?

Les termes employés l'étaient en réaction à la levée de bouclier de la profession contre un message solidaire d'une jeune professionnelle de l'expertise comptable. Il y avait parmi les répondants, ce côté quinquagénaire, bedonnant, CSP+, corporatiste.

Aujourd'hui, la moyenne d'âge des experts-comptables en France, c'est 50 ans et la population est massivement masculine.

On constate que les sociétés informatiques ont compris que ces métiers allaient se transformer et qu'on allait revenir au conseil et à la valorisation du temps par le conseil et non pas à la production automatique de documents.

À mes yeux, les experts-comptables pourraient avoir la bonne réponse dans le mauvais sens. Certains vont jusqu'à dire que ceux qui utilisent les outils d'automatisation n'auront jamais de conseil. La réalité est tout autre. Les cabinets qui s'appuient sur ces outils donneront du conseil et le vendront. Ils ne vendront pas le logiciel ou le temps passé à construire le document.

C'est ce décalage entre le discours tenu et la réalité qui m'a fait réagir. Les experts-comptables semblent voir le problème, mais pas la solution.

 

Vous connaissez la profession d'EC aux USA ou vous intéressez à elle. Selon vous, quelles sont les principales différences ?

Aux États-Unis comme en Angleterre, de plus en plus de cabinets ferment parce qu'ils ne sont pas rentables et parce qu'ils passent trop de temps à produire des documents pour lesquels ils sont mal payés. Ils n'ont plus le temps de faire du conseil qui est rémunérateur et apporte de fortes marges.

C'est le monde à l'envers. En France, cette situation est en plus doublée de ce côté corporatiste qui se fait sentir. Même s'il y a une prise de conscience de l'évolution des outils, ils ne sont pas assez utilisés pour transmettre des documents et échanger plus souvent avec son client.

La règle est la même que dans les pays anglo-saxons, c'est juste le pourcentage qui va changer. En France, il y a des experts-comptables qui ont compris et qui vont passer à autre chose, tout comme dans les autres pays.

 

Vous êtes client d'un expert-comptable depuis 15 ans. Attendez-vous des changements dans la profession, si oui lesquels ?

C'est une vraie question intéressante. J'ai démarré avec un expert-comptable, Jean-Luc Rousseau -Hoche et associés en Corrèze-, au moment de la création de mon activité, avec 2 200¤ de capital alors qu'un autre expert-comptable avait déjà refusé mon dossier.

J'ai créé et investi ou co-investi dans 24 ou 25 entreprises depuis cette date. Je lui suis toujours resté fidèle. Il m'a fait confiance au début et je lui fais toujours confiance maintenant. J'adore mon expert-comptable et il fait du bon boulot.

Ce que j'attends d'un expert-comptable, c'est le conseil. Lorsque j'achète les prestations d'un expert-comptable, j'achète par définition le fait que c'est un expert, qu'il a un diplôme et qu'il va bien faire son travail.

Il n'a malheureusement pas toujours le temps matériel de privilégier le conseil parce qu'il est obligé de produire des documents en permanence avec des variations très importantes de la loi ou du cadre juridique qui fait que lui et ses équipes sont débordés.

Je préférerais qu'il me facture moins pour mes bilans et plus pour du conseil et de l'accompagnement. Il l'a fait dans des circonstances importantes mais c'était un point particulier. Or c'est exactement ce que les nouvelles générations vont attendre.

Trop d'experts-comptables ne voient pas que les jeunes entrepreneurs veulent faire leur comptabilité avec un outil le plus simple possible et avoir ensuite une validation et du conseil par un cabinet. C'est aussi générationnel.

Avec le temps, je crains qu'en plus certains experts-comptables restés trop traditionnels se retrouvent in fine avec les clients les moins intéressants, ceux qui leur demandent beaucoup de travail pour très peu de marge.

 

Certaines des startups que vous accompagnez semblent avoir choisi un outil pour faire simplement leur comptabilité et faire ensuite appel à des consultants. Quelles sont, selon vous, leurs motivations ?

Les jeunes créateurs d'entreprise le font parce qu'ils sont nés avec l'écran et qu'ils ont l'habitude d'utiliser des outils comme Slack, Google doc... Ces outils collaboratifs leur permettent d'avoir un accompagnement de l'outil sur les documents qui doivent être produits.

Pour ma génération, la force était dans la propriété. Pour les générations suivantes, la force est dans l'usage. Peu importe le logiciel utilisé, ils veulent pouvoir utiliser des documents et transférer des documents. L'approche est totalement différente.

Ils se débarrassent d'une tâche répétitive et ennuyeuse en nourrissant une machine. En cas de doute, ils appellent la structure de conseil. Le fait de louer une voiture, d'utiliser le covoiturage plutôt que de l'acheter obéit à cette même logique. C'est un vrai changement dans la manière de consommer.

Sandra Schmidt

Sandra Schmidt
Rédactrice sur Compta Online de 2014 à 2022, média communautaire 100% digital destiné aux professions du Chiffre depuis 2003.


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