La loi PACTE fait sortir les commissaires aux comptes de leurs cabinets

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Le relèvement des seuils est acté par le gouvernement et les députés de la majorité. Il n'y aura sans doute ni remise en cause ni seuil intermédiaire.

Denis Barbarossa, président de l'IFEC, appelle la profession à une unité constructive, à rebondir et à réinventer le cabinet.

Le paysage de la profession de commissaire aux comptes va être redéfini. De nombreux professionnels auront moins de mandats et devront faire des choix. Parmi ces choix, se trouve la possibilité, lorsque ce n'est pas déjà fait, de redéfinir l'offre du cabinet pour être plus utile à ses clients.

Ensuite, une fois le relèvement des seuils devenu définitif, certains professionnels éprouveront peut-être le besoin de faire des demandes d'indemnisation.

À ce stade, rien n'est encore acté et le gouvernement doit faire connaître sa position définitive dans quelques jours, vers la fin du mois de juillet. C'est le temps qu'il lui reste pour déposer les derniers amendements au projet de loi PACTE qui sera débattu au mieux à l'automne 2018.

Pour Denis Barbarossa, « la profession n'a pas démérité et il n'y a pas de raison pour que les jeunes qui ont investi et se sont endettés en pâtissent ». « Le projet de Loi PACTE aura permis aux parlementaires de rencontrer des centaines de professionnels et de mieux comprendre notre rôle dans l'économie ».

Le 29ème congrès de l'IFEC a eu lieu les 5 et 6 juillet 2018 sur le thème « réinventons le cabinet ». Pouvez-vous nous présenter cette thématique ? Quelles évolutions vont impacter les cabinets d'expertise comptable et d'audit ?

« Réinventons le cabinet » est une thématique que nous avons choisie il y a un peu plus d'un an grâce au partage avec nos cons½urs et confrères lors de mon tour de France auprès des sections.

Un virage important se faisait et se fait toujours sentir. Pour certains, ce sont des baisses de marges significatives, pour d'autres, des difficultés à recruter, des interrogations fortes sur le numérique et son impact sur les équipes et les missions.

Notre ambition était de profiter de La Grande Motte qui est une ville qui a su se réinventer, pour réinventer aussi nos cabinets sur trois axes principaux :

  • les missions et l'avenir du métier ;
  • les ressources humaines et l'attractivité de la profession ;
  • les outils et le numérique.

Il nous paraissait indispensable d'éclairer les cabinets sur les nouvelles pratiques, les nouveaux usages et de profiter d'un congrès syndical et presque familial pour échanger entre nous.

L'objectif d'un congrès syndical est justement de créer du contact et de faire en sorte que les pratiques des uns et des autres s'échangent au gré des deux jours de congrès.

Selon vous, quelles sont les compétences indispensables pour passer d'un cabinet orienté vers la mission traditionnelle et le déclaratif à un cabinet orienté vers le conseil et l'accompagnement des clients ?

L'essentiel est avant tout de le faire savoir et d'apprendre à détecter les besoins des clients.

Aujourd'hui, tout le monde fait du conseil sans pour autant le facturer de façon identifiée. Faire savoir que l'on fait du conseil, le marketer et le mettre en avant est le premier axe.

La profession a la chance de rester au c½ur de la donnée, d'être à la source de l'information financière, qu'il s'agisse d'une information comptable, de ressources humaines ou plus généralement de toute information sur la vie de l'entreprise et les projets du client.

Cette position privilégiée permet à l'expert-comptable de proposer des missions complémentaires à condition de pouvoir les détecter.

La détection passe par les bons outils qui permettent d'agréger des flux pour mettre des alertes sur les besoins clients identifiés par l'automatisation, des collaborateurs évidemment compétents et formés sur ces différentes thématiques et aux outils de détection et cela passe enfin par l'écoute des clients par les collaborateurs.

La conviction de l'IFEC est qu'avec des outils mieux connectés, en quasi temps réel, il est possible de soulager les collaborateurs du quotidien régalien qui reste indispensable pour permettre aux experts-comptables de se développer sur les missions de conseil.

Notre ambition n'est pas de faire de l'expert-comptable un consultant, c'est de faire de lui un expert-comptable-conseil.

Globalement, que pensez-vous du projet de la loi PACTE et du relèvement des seuils de nomination des commissaires aux comptes ?

Le projet de la loi PACTE est très large puisqu'il aborde 70 points différents. Ce projet provient d'une volonté politique d'aller de l'avant et de faire grandir nos entreprises et c'est un v½u légitime et important pour notre pays.

En cela, il est une très bonne chose puisqu'il vise un peu à lever les freins à la croissance et à l'entrepreneuriat.

Parallèlement, on a un sujet primordial et qui concerne le CAC.

Le CAC est vu comme un frein et une contrainte. Ce n'est pas tout à fait la vision que nous avons de la mission de commissaire aux comptes qui n'est certainement pas une contrainte à l'économie mais une mission d'intérêt général qui a vocation à assurer la transparence de l'information financière, à créer de la confiance dans un écosystème qui en a par définition besoin.

Si le débat sur le seuil intermédiaire n'est pas terminé, il faut aussi comprendre que du côté du gouvernement, la volonté est forte et que certains clients ont fait cette demande.

Il faut donc savoir aussi écouter ses clients, écouter sa tutelle, tourner la page et ne pas rester sur un combat d'arrière garde.

La position de l'IFEC est d'être derrière nos élus, derrière la CNCC qui a travaillé à une mission plus équilibrée, à une mission d'audit PE, à un CAC d'avenir et à des missions nous permettant de rester dans le paysage.

Le principal enjeu est désormais d'être indispensable demain par la compétence sur le terrain, par la reconnaissance de nos clients et des tiers ou parties prenantes (banques, investisseurs et salariés). C'est en s'appuyant sur ces parties prenantes, intéressées à la matière financière que nous serons d'autant plus légitimes.

Si le relèvement des seuils est pour nous une petite déception, nous restons constructifs avec les deux tutelles. Le gouvernement et les députés de la majorité n'entendent pas remettre en cause le relèvement des seuils. Il n'y aura donc pas de seuil intermédiaire.

L'objectif de la Compagnie Nationale est désormais de permettre à la profession de trouver les moyens de rebondir, trouver des missions nouvelles. Les secteurs publics et non-marchands ne sont qu'un premier pas. Il y a aussi les groupes de sociétés.

Il s'agit, dans ces secteurs de mettre le commissaire aux comptes au service de l'intérêt général.

Le report des élections au sein de la CNCC est-il une bonne chose ? Envisagez-vous une fusion des instances ?

Ce report des élections permet deux choses positives, la première est de recaler les élections institutionnelles, Ordre et Compagnie en 2019. Cela évite aux professionnels de voter chaque année entre 2018 et 2020 en se consacrant davantage à leur cabinet.

Voter en 2019 permet également de se projeter sereinement au sein de la profession puisque les débats parlementaires (fin 2018) au sujet du projet de la loi PACTE seront clos ; l'IFEC et la CNCC ne cessent d'agir pour un rebond de la profession.

J'appelle les présidents de CRCC et le Président du syndicat ECF à ½uvrer tous ensemble pour le futur.

Concernant la fusion des instances, nous estimons au sein de l'IFEC que nous avons deux métiers avec deux tutelles différentes et un régulateur, le H3C qui a tout son sens pour l'audit légal. La convergence de moyens comme c'est le cas aujourd'hui à l'international et sur l'attractivité est une bonne solution.

La très bonne entente entre les deux présidents (CNCC et CSOEC) ne peut qu'accélérer cette convergence de moyens sans fusion.



Sandra Schmidt
Rédactrice sur Compta Online de 2014 à 2022, média communautaire 100% digital destiné aux professions du Chiffre depuis 2003.