La loi de Benford et la fraude

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Pour détecter et lutter contre la fraude, le recours aux mathématiques peut s'avérer d'une efficacité redoutable. La loi de Benford, une loi statistique étonnante, est ainsi devenue un des outils mathématiques privilégiés pour démasquer tout type de falsification comptable et financière.

La loi de Benford, qu'est-ce que c'est ?

Prenez la liste des nombres qui composent votre bilan comptable et ne prêtez attention qu'au premier chiffre significatif, c'est à dire le premier chiffre non nul du nombre (1 pour 143,84, 2 pour 0.0234...). Intuitivement, on s'attend à ce que ces chiffres soient répartis de façon uniforme et, par exemple, à avoir autant de chance de trouver un 1 qu'un 7 puisqu'il n'y aurait aucune raison qu'un chiffre soit plus fréquent qu'un autre.

C'est ici qu'intervient la loi de Benford qui fournit un résultat aussi étonnant que contre-intuitif, en montrant que le chiffre 1 est de loin le plus fréquent avec 30% de fréquence, suivi par le chiffre 2, puis le chiffre 3...  Le graphique ci-dessous montre ainsi la véritable répartition du premier chiffre significatif grâce à la loi de Benford.

Cette fréquence de distribution du premier chiffre est observée pour n'importe quelle suite de données numériques, quelle que soit la donnée mesurée : bilan comptable, population d'une ville, nombre de voix lors d'une élection, superficie d'un territoire...

Les applications de la loi de Benford pour détecter la fraude

Les manipulations de données numériques sont susceptibles de ne pas suivre cette loi de distribution et sont donc détectables grâce à des tests statistiques. En effet, lorsqu'une donnée est créée artificiellement par l'homme ou un ordinateur, la distribution de son premier chiffre ne suit pas la loi de Benford : les chiffres 5 ou 6 seront par exemple largement surreprésentés par rapport à une répartition normale.

On utilise donc la loi de Benford pour détecter des fraudes variées : on peut citer l'exemple du canton de Genève qui l'utilise pour valider les scrutins électoraux ou du fisc américain qui l'utilise pour les fraudes fiscales.

Afin de tester la régularité d'une série de données, par exemple celles d'un bilan comptable, on utilise une méthode statistique connue : le test du khi-deux. Il s'agit d'une méthode permettant de savoir à quel point l'écart entre la fréquence des données observées (la distribution du premier chiffre de vos données comptables) et la fréquence théorique (celle de la loi de Benford) témoigne d'une anomalie. Si le test montre que la fréquence observée diffère trop de la loi de Benford, alors il y a des chances significatives d'être en présence d'une fraude.

Bien sûr, même si une série de données suit une distribution proche de la loi de Benford, cela ne veut pas dire qu'il n'y a aucune fraude. De plus en plus de fraudeurs tentent en effet de faire coïncider leurs manipulations avec la réalité mathématique. La loi de Benford n'est donc qu'un outil de détection parmi d'autres à la disposition de l'auditeur.



Frédéric Rocci
Fondateur de Compta Online, média communautaire 100% digital destiné aux professions du Chiffre depuis 2003.
Je suis avant tout un entrepreneur. Je cotoie et j'observe la profession comptable depuis plus de 20 ans. Rédacteur à mes heures perdues, j'affectionne plus particulièrement les sujets qui traitent des nouvelles technologies et du digital.
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