La disruption : une transformation radicale grâce à la technologie

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La disruption touche potentiellement tous les secteurs d'activité, y compris celui des experts-comptables et commissaires aux comptes. De la mission traditionnelle au conseil, les algorithmes et la volonté de tout transformer grâce à la technologie promettent de redessiner la profession.

C'est potentiellement la fin des diplômes tels que nous les connaissons et la disparition des managers qui ne décideraient plus qu'en fonction des informations transmises par les algorithmes.

Témoignage de Stéphane Mallard, entrepreneur, auteur, conférencier et gérant de Disrupt Agency. Nous le remercions.

En quelques mots, pouvez-vous nous dire ce qu'est la disruption pour vous et en quoi elle va toucher les experts-comptables et commissaires aux comptes ?

La disruption est un mot à la mode que tout le monde utilise, y compris les politiques. Ce mot est même utilisé parce que c'est un état d'esprit. Il désigne la période dans laquelle nous entrons en ce moment, une période au cours de laquelle nous cherchons à tout transformer de manière radicale en rendant ce qui existe, obsolète grâce à la technologie.

L'obsolescence peut toucher les modes de communication, la manière d'échanger, de travailler, de voir le monde etc. C'est un mot que tout le monde emploie désormais à tort et à travers et en anglais, to disrupt est même un mot courant.

De manière générale, la disruption va toucher tous les secteurs, y compris celui des experts-comptables et des commissaires aux comptes.

À terme, nous allons remettre en cause notre manière de travailler, de faire et la valeur des activités un peu partout. Comme dans les autres professions, les comptables doivent se demander « quelle est la valeur ajoutée de nos travaux aujourd'hui ? ».

Pensez-vous que les experts-comptables vont disparaître ?

De nombreux experts-comptables pourraient bien disparaître suite à une restructuration de marché classique parce que les algorithmes sont de plus en plus puissants et vont permettre aux experts-comptables de faire énormément de gains de productivité. Sauf que s'il n'y a pas une demande de services comptables au moins équivalente, en pourcentage en face, il faudra procéder à des licenciements.

La mission traditionnelle de l'expert-comptable perdra toujours plus de valeur ou aura de moins en moins de valeur ajoutée, accélérant la baisse des prix, l'érosion des marges.

L'expert-comptable devra se concentrer sur la création d'autres offres, sur l'excellence de la relation client etc. Il a déjà énormément d'efforts à faire pour satisfaire ses clients, les garder, développer de nouveaux services etc. Car être à l'aise avec les nouvelles technologies ne suffit pas pour pérenniser un métier ancien.

Les experts-comptables vont probablement créer de nouveaux services d'accompagnement et de conseil comme la stratégie financière etc. Progressivement, les algorithmes iront aussi vers ces missionsQue restera-t-il ? C'est difficile à dire aujourd'hui.

Vous écrivez dans votre ouvrage que les indépendants vont devenir la norme.
Seules les personnes les moins compétentes chercheront, à l'avenir, à devenir salariés.
Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?

Travailler avec des indépendants va coûter de moins en moins cher et il sera de plus en plus facile de trouver le bon prestataire avec les bonnes compétences. Cela permet de ne pas reverser la marge générée à une entreprise pour financer tous les coûts de structure.

Plateformes et algorithmes permettront de donner du travail en continu dès lors qu'il existe une demande pour un métier.

Ainsi, en présence d'une demande pour le métier du comptable ou de l'expert-comptable, celui-ci a tout intérêt à sortir de l'entreprise et à devenir indépendant. Seuls les moins compétents opteront pour le salariat.

Vous estimez que la connaissance et l'expertise vont disparaître.
Est-ce la fin du conseil pour les experts-comptables ? Pourquoi ?

J'ai été très marqué par la lecture de l'ouvrage « Jouer sa peau : asymétries cachées dans la vie quotidienne » de Nassim Nicolas Taleb. Il explique que nous allons bientôt devoir vérifier l'alignement de nos intérêts avec ceux des personnes avec lesquelles nous travaillons.

Aujourd'hui, lorsque vous payez pour un conseil, l'intérêt de la personne qui vous prodigue ce conseil est de vous prendre le plus d'argent possible. Alors que le vôtre est d'avoir le bon conseil. Les intérêts ne sont pas alignés.

À l'avenir, celui qui conseille d'acheter tel ou tel produit financier, devra prouver qu'il s'est lui-même porté acquéreur de ce produit financier. Celui qui estime que le Bitcoin va chuter devra prouver qu'il en a déjà vendu sur les marchés financiers par exemple.

Dans tous les métiers qui font du conseil, il faudra apporter la preuve de l'alignement des intérêts.

Pourquoi prédisez-vous la mort des diplômes ? Et la fin des managers ?

Ce sont ici deux sujets très différents. Le diplôme tout d'abord ne veut plus rien dire. Si auparavant, le diplôme permettait d'indiquer qu'un candidat avait un certain niveau à la sortie de ses études, ce n'est plus le cas.

Aujourd'hui, il existe de très nombreux indicateurs qui permettent de certifier des micro compétences. À l'image du TOEFL en anglais, qui atteste d'un niveau de maîtrise de la langue en fonction du nombre de points obtenus, il existera des micro certifications. Ces certifications pourront concerner le niveau en mathématiques, anglais, management... et le niveau de dévotion sera évalué à l'aide d'algorithmes.

Le diplôme qui était auparavant un bon signal pour un recruteur, ne le sera plus. Les recommandations se feront par des algorithmes qui pourront attester d'un travail de qualité etc.

C'est déjà le cas aujourd'hui puisque je ne veux plus travailler avec des personnes qui ont de beaux diplômes. C'est le monde d'hier et cela signifie que le candidat a peur de prendre des risques.

Concernant les managers, ils n'auront plus forcément de raison d'être et seront remplacés par les algorithmes. Le manager se contenterait de suivre les indications. Ce sont les algorithmes qui pourront donner les instructions directement aux employés ou aux indépendants qui travaillent en mode projet. Steve Jobs estimait déjà que les personnes compétentes n'avaient pas besoin d'être managées.

En quoi les processus sont-ils un frein à la disruption ?

La raison de cette opinion est très simple. Le processus enferme les personnes et les empêche de réaliser des tâches qui ne sont pas prédéfinies à l'avance.

Netflix le fait déjà et licencie les personnes qui ne sont pas capables de travailler sans processus. Il ne reste alors que des salariés qui ont le but de l'entreprise en tête et cela fonctionne très très bien.

Encore une fois, si vous avez besoin de mettre en place des processus pour que le travail soit fait, c'est que vous n'avez pas les bonnes personnes dans votre entreprise.

L'affirmation est assez violente et je ne suis pas sûr qu'à long terme ce soit viable de n'en avoir aucun, surtout dans des secteurs comme l'aviation avec ses règles de sécurité.



Sandra Schmidt
Rédactrice sur Compta Online de 2014 à 2022, média communautaire 100% digital destiné aux professions du Chiffre depuis 2003.