La blockchain et les experts-comptables

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Révolution pour les uns, effet de mode pour les autres.

Quels peuvent être les apports de la blockchain pour la profession comptable ?

La Blockchain, tout le monde en parle mais qui sait réellement de quoi il s'agit exactement ?

Dans l'article « Les experts comptables doivent réveiller l'entrepreneur qui sommeille en eux ! », on nous met en garde contre les effets potentiellement disruptifs de certaines technologies innovantes. Il est impératif de s'adapter à ces changements.

A l'occasion d'une participation à une conférence organisée par la FNTC (Fédération Nationale des Tiers de Confiance), et en tant qu'expert-comptable, je me suis intéressé aux impacts de la technologie Blockchain sur notre profession.

La Blockchain, de quoi parle-t-on ?

Une définition intéressante est apportée par la banque de France.

La Blockchain ou « chaîne de blocs » est une technologie de stockage et de transmission d'informations. Par extension, ce mot désigne une base de données numérique décentralisée. Souvent assimilée à un registre, cette base regroupe un historique de transactions électroniques (c'est le « chain » dans Blockchain).

Cette technologie permet à des personnes connectées en réseau qui ne se connaissent pas, de :

  • réaliser des transactions en quasi-temps réel à partir d'une même application

  • s'affranchir des intermédiaires tels que les banques, notaires, cadastres
  • s'assurer de la fiabilité et de la sécurité de leurs opérations

Source : www.banque-france.fr


Ce qu'il est important de retenir est le fait qu'il s'agit d'un système décentralisé qui permet l'enregistrement inaltérable de transactions électroniques.

Vous avez forcément entendu parler de la cryptomonnaie Bitcoin. Cette monnaie numérique utilise les principes de la technologie de stockage dite Blockchain.

Par crainte de se voir « ubériser » et de perdre le contrôle, on constate la mobilisation des acteurs bancaires, pour acquérir cette nouvelle technologie. Ceci est d'autant plus paradoxal, que le paradigme de la Blockchain est justement, l'absence de contrôle de la part d'un des acteurs de la chaîne.

Cependant, il convient de noter que cette technologie pourrait potentiellement rendre obsolète de nombreuses professions : banques, notaires, cadastre, huissier, greffe, etc...

La Blockchain au pluriel ?
Blockchain publique ou privée ?

La Blockchain est un procédé technologique. Il existera autant de Blockchain, que d'applications. Par conséquent, il est nécessaire de parler de Blockchain au pluriel.

Historiquement et philosophiquement, la Blockchain est nécessairement publique : on entend par là une Blockchain qui autorise une lecture/écriture par n'importe quel utilisateur.

Cependant, avec la démocratisation de cette technologie, on peut assister à l'émergence de Blockchains privées. Cette émergence étant la conséquence de l'appropriation de cette technologie par des acteurs privés majeurs et des start-up qui attendent des retours économiques à moyen terme.

Actuellement, il est difficile de cartographier les différentes Blockchains, tant les applications de cette technologie sont nombreuses et les usages différents.

Quels impacts pour la profession du chiffre ?

En tant que profession réglementée, et au même titre que les notaires, huissiers, notaires, banques, il convient de s'interroger sur les éventuels impacts de cette technologie sur notre travail et notre environnement.

La liste et les usages décrits ci-dessous ne peut valablement pas être exhaustive mais permet d'ouvrir le débat et d'entrevoir l'horizon des opportunités.

N'hésitez pas à commenter en bas de l'article ou sur Twitter si vous avez d'autres idées !

La lettre de mission

Rendue obligatoire par l'article 151 du décret 2012-432 du 30 mars 2012 relatif à l'exercice de l'activité d'expertise-comptable, ne pourrions-nous pas imaginer une Blockchain privée, sous l'égide de l'Ordre des experts-comptables qui permettrait de réaliser des lettres de mission directement depuis une Blockchain.

Ne serait-ce pas un gage de notre réussite à incorporer rapidement et avec succès les nouvelles technologies dans notre métier ?

Nos obligations de reconnaissance du bénéficiaire effectif de la prestation

Introduite par la norme de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, nous avons une obligation de vigilance à l'égard de l'identification du client et du bénéficiaire effectif de nos prestations.

On peut espérer la création d'une Blockchain publique par le Législateur permettant de confirmer l'identité numérique de nos clients.

Cette Blockchain pourrait permettre de répondre de manière positive à nos obligations normatives.

Notre diplôme

Chèrement acquis après de longues années d'études, nous recevons notre précieux diplôme, sous la forme d'un papier au format A4. Bien que ce format ne réduise en rien notre satisfaction, il convient de s'interroger sur son évolution.

On peut facilement imaginer une Blockchain publique introduite par l'Education nationale qui permettra d'authentifier le diplôme du candidat.

Assurément un gain de temps pour les services, en charge de la vérification des informations présentes sur un CV.

Les smart contracts

Une définition des « smart contract » peut être la suivante :

il s'agit d'un transfert de valeur automatisé fondé sur des conditions mutuellement convenus, qui peut avantageusement s'exécuter sur la Blockchain

La sensibilisation de nos clients aux nouvelles technologies qui permettent d'optimiser leur gestion administrative quotidienne entre pleinement dans le cadre de la valorisation de nos missions et de la recherche de mission à valeur ajoutée.

Que ce soit de manière sectorielle ou au cas d'usage, les smart contrats se développeront. Il convient d'être vigilant vis à vis des activités de nos clients qui pourraient être concernés.

Le juridique : convocation, dépôts des comptes annuels, etc...

Bien que relativement peu évoquées, les activités des greffes des tribunaux pourraient faire l'objet d'une disruption. En effet, on peut relativement facilement concevoir l'idée d'une Blockchain publique qui permettrait de recueillir le dépôt des comptes annuels, garantissant leur authenticité et infaillibilité pour les tiers.

Dans ce cadre, les experts-comptables pourraient continuer à jouer pleinement leur rôle d'intermédiaire.



Fabrice Heuvrard, expert-comptable et commissaire aux comptes.