Interview d'Odile Dubreuil, présidente du CROEC Auvergne-Rhône-Alpes

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Quelles sont les conséquences de la réforme territoriale et les principaux enjeux de l'action ordinale en région ? Interview d'Odile Dubreuil, nouvelle présidente de la région Auvergne-Rhône-Alpes.

Pouvez-vous nous parler de votre parcours et nous en dire plus sur votre cabinet ? 

J'ai commencé par une École supérieure de Commerce avant de rejoindre la filière comptable. Après une première expérience en audit dans une multinationale américaine, j'ai pu me tourner vers l'expertise comptable, qui m'a passionnée. J'ai donc créé mon premier cabinet à Saint-Étienne, dans lequel nous réalisons à la fois des missions d'expertise comptable et de commissariat aux comptes, avec une compétence spécifique à l'international. Plus tard, j'ai acquis un second cabinet, en Isère, pour le développer et l'orienter davantage vers l'accompagnement, le coaching des clients. J'ai toujours voulu conserver une organisation à taille humaine, nous sommes donc 12 actuellement.

J'ai eu l'honneur d'être vice-présidente du Conseil régional de l'Ordre des experts-comptables Rhône-Alpes pendant 7 ans, dont 4 au pôle Communication, et 3 en tant que présidente du Tableau et du Comité mécénat. J'ai également été présidente de ce Conseil régional à partir du 1er janvier 2020. On peut donc dire que je connais tous les rouages de l'institution !

Quels sont les enjeux de la réforme territoriale pour votre Conseil régional ?

La fusion des régions Rhône-Alpes et Auvergne est un changement majeur pour nos instances. Cette nouvelle région est la deuxième de France en termes de bassin économique, la première en tant que région industrielle. Mais c'est une région faite de territoires très divers en Auvergne, à Lyon, dans l'Arc alpin, ou le Cantal par exemple. Ce sont autant de bassins économiques différents, avec des problématiques spécifiques à gérer, et une très forte proportion de TPE.

Une de mes actions principales de l'année 2020 a donc été d'harmoniser les processus et les modes de fonctionnement entre les deux institutions régionales.

Quelles sont vos priorités en tant que présidente du Conseil régional de cette « nouvelle » région ?

La première est évidemment de mener à bien cette réforme territoriale, et toutes ses conséquences. Mais je souhaite aussi poursuivre les actions engagées au cours de l'année 2020. La crise sanitaire perturbe évidemment notre agenda, et il reste encore beaucoup à faire, et notamment développer l'attractivité de la profession et faire de l'expert-comptable le véritable interlocuteur des entreprises. Car pour moi, ces deux sujets sont totalement liés.

Nous le voyons clairement depuis le début de cette crise sanitaire, les experts-comptables doivent se détacher de la comptabilité au sens strict. Les outils numériques dont nous disposons permettent d'automatiser l'intégration de données, et donc de dégager du temps pour l'accompagnement de nos clients et le conseil. C'est ainsi qu'on deviendra l'interlocuteur indispensable des entreprises, et des TPE en particulier.

C'est aussi leur meilleur moyen d'accroître l'attractivité de nos cabinets, notamment auprès des collaborateurs ou futurs collaborateurs. Les jeunes diplômés n'ont pas envie de faire un travail monotone, répétitif. En réalisant des missions de stratégie, de diagnostic, de conseil, nous démontrons que notre profession est passionnante, et nous attirons les talents.

Concrètement, comment votre Conseil régional accompagne-t-il les experts-comptables dans cette mutation ?

Il y a pour moi deux choses importantes : la numérisation, et la formation. Car la transformation numérique ne se résume pas à ajouter du logiciel au logiciel. C'est aussi définir les axes prioritaires du cabinet et travailler avec les clients et collaborateurs pour déployer cette stratégie.

Notre Conseil régional propose, via l'Académie de la profession, des formations qui permettent aux collaborateurs de mieux appréhender cette transition. Je veux parler en particulier des Pass d'intégration, organisés via notre institut de formation. Lorsqu'un jeune collaborateur, fraîchement diplômé, rejoint un cabinet, il dispose généralement de connaissances de bon niveau, mais très théoriques. Le Pass d'intégration permet de le mettre en conditions réelles, de lui transmettre des méthodes de travail pratico-pratiques en alternant formations en travail en cabinet. L'attractivité, c'est aussi accueillir et mettre en confiance un jeune collaborateur, en lui donnant les moyens de maîtriser rapidement son poste.

La baisse du financement des coûts pédagogiques du stage d'expertise comptable a-t-elle eu un impact sur les cabinets de votre région ?

Cette réforme n'impacte pas les stages déjà en cours, mais uniquement ceux démarrés depuis. Nous sommes actuellement en train d'explorer la solution d'un financement partiel du CROEC. L'objectif est bien sûr de ne pas perdre de stagiaires.

Quel regard portez-vous sur la réglementation applicable aux contrôles qualité et LAB ?

Le contrôle qualité est essentiel pour notre profession, car il nous garantit un niveau de qualité suffisant et des compétences homogènes entre les cabinets. Comme je le disais, notre territoire est vaste et très hétérogène d'un point de vue économique. C'est donc aussi un excellent moyen de garantir notre image de marque et notre crédibilité, partout, auprès de l'ensemble de nos clients.

La lutte anti-blanchiment est également très importante. C'est tout simplement notre devoir de citoyen, et a fortiori d'expert-comptable ayant prêté serment, d'y participer. Il est vrai cependant, qu'il y a sans doute une problématique de délai. L'année 2020 a été exceptionnelle à tous égards, et la crise sanitaire a fait peser une charge très lourde sur les cabinets. J'aurai donc souhaité que ces obligations puissent être décalées dans le temps. Mais sur le principe, il est important que notre institution s'impose ces garde-fous pour garder ce pouvoir d'auto-régulation.

Quelles seraient les conséquences dans votre région de la réforme des OGA prévue dans le projet de loi de finances ?

Nous avons ici des associations de gestion très importantes et très connues. Mais elles ont perdu beaucoup d'adhérents ces dernières années, notamment à cause de la montée en puissance des formes sociétaires sur l'entrepreneuriat individuel. La perte de l'avantage fiscal envisagée dans le projet de loi de finances devrait accélérer cette tendance.

Pour nos cabinets, cela signifie deux choses : d'une part, la possible arrivée sur le marché du travail des collaborateurs de ces structures, et d'autre part, un risque de concurrence.

Sur le premier point, la profession aura bien sûr à c½ur, dans la mesure du possible, d'accueillir ces salariés dans les cabinets. Cela nécessitera une formation, mais nous sommes organisés pour cela.

Sur le second point, on peut imaginer qu'un certain nombre d'OGA demandent à s'inscrire au tableau sous forme d'AGC, et deviennent donc de fait des concurrents. Seul le CSOEC peut répondre à cette demande, nous ne sommes pas compétents. Je note toutefois, que les salariés des OGA importants de la région Rhône-Alpes ont plus des profils de superviseurs que d'opérateurs de saisie comptable.

Quelles ont été les mesures prises dans votre Conseil régional pour accompagner les cabinets et leurs clients dans ce deuxième confinement ?

Nous sommes évidemment aux côtés des cabinets et de leurs clients pendant ce deuxième confinement.

Concrètement, nous avons tout d'abord relancé un programme de webinaires très pratiques, à destination des experts-comptables, mais aussi de leurs clients. Je citerai par exemple un contenu réalisé avec le greffe du tribunal de commerce de Vienne sur le thème de la prévention. Nous voulons encourager les entreprises à se rendre dans les chambres de prévention, rattachées aux tribunaux de commerce, pour discuter le plus en amont possible de leurs difficultés.

D'autres mesures seront prises en fonction de l'évolution de la situation. Car depuis le 15 mars, le CROEC fait partie intégrante de la cellule de crise régionale, avec les principaux acteurs locaux, et notamment la Direccte et l'URSSAF. Nous travaillons main dans la main pour trouver des solutions aux difficultés des entreprises, et porter à leur connaissance l'ensemble des textes en vigueur.

Quel est le niveau des défaillances d'entreprises ? Et celui de cabinets ?

Il n'y a, à ma connaissance, pas de défaillances de cabinets dans la région. Pour ce qui est des entreprises, le niveau n'est pas encore très élevé. Car aujourd'hui, les entreprises vivent de la trésorerie accumulée notamment avec les PGE et les divers reports d'échéances obtenus depuis le début de la crise. Mais compte tenu de ce nouveau confinement, je ne suis pas certaine que cela durera dans le temps.



Julien Catanese Aubier
Diplômé d'expertise comptable, après 7 ans en tant que rédacteur en chef puis directeur de la rédaction Fiscalistes et experts-comptables chez LexisNexis, Julien rejoint l'équipe Compta Online en tant que Directeur éditorial de juin 2020 à octobre 2023.