ICO : problématiques comptables et fiscales non résolues

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Les jetons numériques et notamment les ICO posent toujours un certain nombre de problèmes aux experts-comptables et commissaires aux comptes. De nombreuses questions sont toujours sans réponses, que ce soit en comptabilité ou en audit.

Des travaux sont en cours à l'ANC et des rescrits fiscaux sont en attente de réponse.

Les ICO, ce sont ces levées de fonds en jetons numériques inscrits dans la Blockchain. Face à des opérations de plus en plus nombreuses, aux montants parfois colossaux, l'Autorité des normes comptables ou ANC s'était prononcée dans le cadre d'un règlement très attendu.

S'il répond à nombre de questions que se posent les praticiens, le règlement n°2018-07 n'en reste pas moins incomplet aux yeux de certains.

Retour sur les problématiques et questions en suspens dans le cadre des universités d'été de la profession comptable.

Les points d'attention mis en évidence par le règlement ANC

La comptabilisation des jetons numériques dépend de deux grands principes. Le premier concerne l'émetteur et le second concerne l'acquéreur ou le détenteur de jetons.

Les principes de comptabilisation des jetons numériques chez l'émetteur dépendent avant tout du White Paper ou livre blanc. « C'est un élément essentiel pour déterminer la nature des jetons émis qui doit être lu avec la plus grande attention » précise Pierre Valencien, chargé de mission au CSOEC et diplômé d'expertise comptable.

Le livre blanc permet aussi de « comprendre le business modelqui peut être propre à chaque ICO ».

Chez le détenteur ou l'acquéreur de jetons, « l'élément essentiel est l'intention d'utilisation des jetons numériques par l'acquéreur ».

Il utilise ainsi un compte 5202 qui « présente un certain nombre de caractéristiques dont le fait qu'il doit être réactualisé à la clôture des comptes en fonction des variations de valeurs vénales ». Les « différences d'évaluations sont comptabilisées en charges ou produits comme pour les devises classiques ».

« Les pertes latentes sont provisionnées comme pour les écarts de conversion » précise à son tour Sandrine Cohen Solal, expert-comptable et commissaire aux comptes.

Si comptablement, les règles semblent assez claires, « de nombreuses précisions sont encore attendues sur le plan fiscal et l'administration ne s'est pas encore prononcée ».

Les éléments qu'attendent les professionnels : minage et audit des comptes

Le règlement n°2018-07 de l'ANC n'est pas exhaustif et les travaux continuent à l'ANC. Une clause de revoyure devait remettre le sujet à l'ordre du jour à l'été 2019.

Les travaux en cours permettent d'envisager la question de la rémunération du minage, l'opération qui récompense l'informaticien en charge de vérifier les transactions et de les intégrer au sein du réseau, en participant à la gestion et à la surveillance de la cohérence de la blockchain. En échange de leurs travaux, ils reçoivent des jetons.

Le mode de comptabilisation de ces opérations n'a pas encore été précisé.

Sur le plan fiscal, « l'administration a tendance à voir ces opérations comme un futur chiffre d'affaires encaissé et à estimer que la TVA devient exigible dès l'encaissement de la prestation de services » rappelle Sandrine Cohen-Solal.

Du côté des commissaires aux comptes, « les ICO posent des problèmes à 2 niveaux qui sont le traitement de la sécurisation des processus, l'exhaustivité des transactions etc. » poursuit Pierre Valencien. Un travail reste à faire pour la fiabilisation des contrôles.

Enfin, le 7 août 2019, la DGFIP se prononce sur la soumission à la TVA des utility tokens dans un rescrit. Ces jetons sont « pratiquement exonérés de TVA mais l'administration fiscale repousse au moment de l'utilisation, la déclaration de TVA à effectuer ».



Sandra Schmidt
Rédactrice sur Compta Online de 2014 à 2022, média communautaire 100% digital destiné aux professions du Chiffre depuis 2003.