Faut-il écouter les gourous du management ?

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Le sujet de management de l'UE 7 du DCG de juin 2013 portait assez malencontreusement en grande partie sur l'analyse de Michael Porter : 5 forces, facteurs clefs de succès, éventuellement chaîne de valeur.

En effet, le 7 novembre 2012, le cabinet de conseil en stratégie Monitor Group dont Michael Porter était l'un des fondateurs, et dont il inspirait la philosophie, se déclarait en cessation de paiement (à la décharge des concepteurs du sujet, celui-ci avait très probablement été proposé avant cette « faillite », bien que les difficultés du cabinet aient cependant commencées dès 2008).

Certains vont certainement s'interroger à cette occasion sur la pertinence des théories du management alors que ceux même qui les préconisent aux entreprises font preuve de leur incapacité à les appliquer de manière efficace à leur propre activité.

Le magazine Forbes (“What Killed Michael Porter's Monitor Group? The One Force That Really Matters ») avançait comme explication que les consultants de Monitor Goup n'étaient plus en phase avec les réalités du terrain (« They were numbers men looking for financial solutions to problems that required real-world answers ») et que leurs propositions étaient inadaptées aux demandes de leurs clients du fait qu'il n'était pas de réels praticiens.

L'article de Forbes posait des questions pertinentes : “Had Monitor tried to implement Porter's strategy and executed it poorly? Or had Monitor implemented Porter's strategy well but the strategy didn't work? If not, why not? », mais à notre avis en ne remettant pas suffisamment en cause les paradigmes de l'analyse des cabinets de conseil, bien que cela y soit pressenti : “Or was it, as Peter Gorski wrote, that “even a blindfolded chimpanzee throwing darts at the Five Porter Forces framework can select a business strategy that performs as well as that prescribed by Dr. Porter and other high-paid strategy consultants?” If so, are other strategy consulting firms also doomed?”

En effet, ainsi que nous l'avons souvent signalé, il est en très tentant d'adhérer inconditionnellement et exclusivement aux prédicats d'un gourou du management, ce qui peut paraitre sécurisant mais conduit souvent à une impasse du fait d'une vision trop parcellaire, et parfois sectaire, d'une réalité complexe.
C'est le cas de beaucoup de cabinets de conseil qui visent avant tout à promouvoir une approche spécifique qui a fait leur réputation : matrice, méthode, typologie, ...
Devons nous donc abandonner pour autant toute référence à des théories managériales et nous en remettre exclusivement à l'empirisme des praticiens ?

A notre avis, non !
Le rôle des théories du management sera de fournir à l'étudiant et au praticien un large éventail d'expériences et de réflexions dont il pourra s'inspirer dans l'étude puis dans la pratique du management des organisations. Il ne s'agit en effet pas d'adhérer à une école de pensée unique ou de suivre les modes du moment, par définition éphémères et partielles, sinon parfois partiales, mais de s'inspirer de chaque apport pertinent pour développer sa propre conception du management et ses propres solutions. En cela le praticien comptable bien formé et informé aura un rôle essentiel en fournissant à ses clients un conseil adapté au contexte de l'entreprise, à la conjoncture et libre de tout inféodation méthodologique.

Pour finir Porter n'est sans doute pas à mettre au rebuts mais l'utilisation de ses théories ne doit être ni exclusive ni systématique mais considérée comme un outil qui peut parfois être utile. L'expérience du praticien lui permettra de déterminer dans quelles circonstances...



André Cavagnol
Consultant - Formateur - Auteur en management des organisations
Conseils en organisation, séminaires, conférences, cours
Direction de rapports de stage et de mémoires (DCG, DSCG).