Distributions à une société non-résidente déficitaire et en liquidation

Article écrit par (312 articles)
Modifié le
7 854 lectures

Un dispositif d'exonération de la retenue à la source due au titre des distributions effectuées au profit d'une société mère non résidente, dont le résultat fiscal est déficitaire et faisant l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire, a été introduit par la loi de finances rectificative pour 2015.

Ce dispositif est applicable aux distributions perçues à compter du 1er janvier 2016.

Les distributions réalisées au profit d'une société française dont le résultat fiscal est déficitaire et faisant l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire ne sont en pratique jamais soumises à l'impôt sur les sociétés. En effet, de telles distributions ont uniquement pour effet de venir minorer le montant des déficits, qui seront, en tout état de cause, perdus.

Cependant, lorsque la distribution est réalisée au bénéfice d'une société non résidente dans la même situation (i.e. en liquidation judiciaire et dont les résultats fiscaux sont déficitaires), une retenue à la source est prélevée au titre de la distribution, sur le fondement de l'article 119 bis, 2 du CGI.

Constatant cette différence de traitement, qu'elle a estimé comme étant contraire au principe de libre circulation des capitaux, la Commission européenne a mis en demeure le France de mettre son régime de retenue à la source en conformité avec le droit de l'Union européenne (mise en demeure n° 2013/4244 du 23 mars 2014).

Dans ce contexte, l'article 82 de la loi de finances rectificative pour 2015 a introduit une exonération de retenue à la source, sous certaines conditions, au titre des distributions versées à une société non résidente, lorsque celle-ci se trouve en liquidation judiciaire et que son résultat fiscal est déficitaire. Ce dispositif, qui vise à mettre le droit français en conformité avec le droit européen, est codifié à l'article 119 quinquies du CGI.

L'exonération précitée est subordonnée au respect des conditions suivantes :

  • la société bénéficiaire de la distribution a son siège de direction effective dans un Etat de l'Union européenne ou dans un Etat partie à l'accord sur l'Espace Economique Européen ou dans un Etat tiers ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales ;
  • ladite société est soumise à l'impôt sur les bénéfices des personnes morales dans l'Etat de son siège ;
  • au titre de l'exercice de perception des distributions, le résultat fiscal de la société bénéficiaire, calculé selon les règles de l'Etat de situation de son siège, est déficitaire, et, cette dernière fait l'objet, à la date de la distribution, d'une procédure comparable à la procédure française de liquidation judiciaire. Si une telle procédure n'existe pas dans le droit local applicable, l'exonération est également susceptible de s'appliquer si la société bénéficiaire se trouve en état de cessation des paiements et si son le redressement est manifestement impossible ;
  • la société bénéficiaire doit justifier de ses difficultés financières auprès de la société résidente distributrice ou auprès de l'établissement payeur.

Remarque
Ce dispositif d'exonération trouve également à s'appliquer lorsque la distribution est effectuée au profit d'un établissement stable, sous réserve du respect des conditions suivantes :

  • la société et son établissement stable sont tous les deux situés dans un Etat de l'Union européenne ou dans un Etat tiers ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales ;
  • l'établissement stable a un résultat fiscal déficitaire, calculé selon les dispositions fiscales en vigueur dans l'Etat dans lequel il est implanté ;
  • la société dont dépend l'établissement stable fait l'objet d'une procédure comparable à celle de la liquidation judiciaire (ou est en état de cessation des paiements et son redressement est manifestement impossible).

Ce dispositif, qui est applicable aux distributions perçues à compter du 1er janvier 2016, vient d'être commenté par l'administration fiscale, dans sa base BOFIP.

Dans ces commentaires figurent notamment des précisions sur les justificatifs du respect des conditions d'application du régime devant être fournis en cas de demande de l'administration fiscale.

Ainsi, l'administration fiscale indique que les sociétés qui effectuent des distributions en dispense de retenue à la source doivent pouvoir produire une attestation de la société bénéficiaire des distributions, établie sur papier libre et attestant qu'elle respecte l'ensemble des conditions requises pour le bénéfice de l'exonération.

Cette attestation doit être étayée par la fourniture de pièces justificatives mettant en évidence la situation déficitaire de la société bénéficiaire (par exemple : bilan déposé dans l'Etat de son siège faisant apparaître sa situation déficitaire), ainsi que l'existence d'une procédure comparable à celle de la liquidation judiciaire ou démontrant l'état de cessation des paiements et de redressement manifestement impossible de la société bénéficiaire dans l'Etat de son siège de direction effective.



Clotilde Cattier, avocate spécialisée en fiscalité, inscrite au Barreau de Paris.
Contact : contact@clotilde-cattier.com

Après avoir passé deux ans chez STC Partners et six ans chez Taj (Deloitte), Clotilde a rejoint le cabinet Room Avocats, en Suisse. Elle partage son temps entre Paris et la Suisse.

Ses principaux domaines d'intervention, en fiscalité française et internationale, sont les suivants :

  • fiscalité patrimoniale (restructuration de patrimoine, transmission de patrimoine, acquisition/détention/cession de biens immobiliers, etc.) ;
  • fiscalité des particuliers (imposition des cadres internationaux et des dirigeants, traitement fiscal des pensions de retraite versées sous forme de capital, etc.) ;
  • installation en Suisse de personnes physiques et de sociétés ;
  • fiscalité générale des entreprises (restructurations, assistance à contrôle fiscale, intégration fiscale, problématiques de remontée des liquidités, etc.) ;
  • fiscalité immobilière (fiscalité des marchands de biens et des promoteurs immobiliers) ;
  • fiscalité internationale (transactions transfrontalières, traitement fiscal des flux internationaux, etc.) ;
  • opérations de fusions-acquisitions ;
  • régularisation de la situation fiscale des français détenant des avoirs non déclarés à l'étranger.