Diminuer les effectifs de l'entreprise sans licencier : quelles alternatives ?

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Face à la crise sanitaire actuelle et aux graves difficultés économiques en découlant, vos clients pourront être tentées de réduire leurs effectifs et de recourir au licenciement pour motif économique. Pourtant, il ne s'agit pas forcément de la meilleure solution, en raison des fortes contraintes qui pèsent sur l'employeur.

D'autres dispositifs juridiques, créés récemment, pourraient constituer des alternatives intéressantes.

Le licenciement pour motif économique, un dispositif contraignant

Le licenciement pour motif économique, pour être justifié, doit reposer sur l'existence d'une cause réelle et sérieuse, dont la preuve sera rapportée par l'employeur. Le licenciement doit nécessairement être motivé par des raisons économiques valables, ayant des conséquences sur l'emploi. L'employeur doit également prouver les quatre conditions suivantes, prévues aux articles L.1233-3 et L.1233-4 du Code du travail :

  • le licenciement est non inhérent à la personne du salarié ;
  • le licenciement résulte d'un motif économique : difficultés économiques et financières de l'entreprise, mutations technologiques, cessation d'activité de l'entreprise ou réorganisation de celle-ci ;
  • ce motif économique doit avoir une conséquence sur l'emploi : suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification d'un élément essentiel du contrat de travail refusée par le salarié ;
  • le reclassement du salarié dans l'entreprise ou dans les autres filiales du groupe est impossible.

Attention

L'employeur doit suivre une procédure précise avant de licencier un ou plusieurs salariés pour motif économique. Il doit notamment fixer les critères permettant d'établir un ordre des licenciements, rechercher des postes de reclassement, consulter le CSE sur les raisons et les conditions des licenciements, organiser des entretiens préalables, notifier les licenciements, informer la DREETS (ex DIRECCTE) des licenciements envisagés et prononcés.

En cas de contentieux, fréquents, le juge vérifie la réalité de la cause économique et de la suppression de l'emploi du salarié.

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En cas de contentieux, fréquents, le juge vérifie la réalité de la cause économique et de la suppression de l'emploi du salarié.

Les dispositifs alternatifs de réduction d'effectifs



L'accord de performance collective (APC)

L'accord de performance collective, créé par l'ordonnance Macron du 22 septembre 2017, permet, via un accord collectif, d'aménager la durée de travail, la rémunération ou la mobilité d'un salarié dans le but de préserver ou de développer l'emploi, ou encore de répondre aux nécessités de fonctionnement de l'entreprise.

Pour être valide, l'accord de performance collective peut être conclu avec au moins un délégué syndical ou, à défaut, selon les modes de négociations dérogatoires prévus par le code du travail. Il peut être signé pour une durée déterminée ou indéterminée, peu importe que l'entreprise soit confrontée à des difficultés économiques provisoires ou non.

Une fois conclu, l'accord de performance collective permet d'imposer aux salariés une modification de leur contrat de travail, y compris dans un sens moins favorable : lorsqu'elles sont acceptées par le salarié, les dispositions de l'accord se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail. Si le salarié refuse l'application de l'accord, ce refus constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement.

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L'APC permet de réorganiser l'entreprise de manière flexible, sans avoir à justifier de motif économique. De plus, le risque de contentieux est limité. Cependant, le délai de négociation de l'accord collectif peut retarder la mise en ½uvre de l'APC qui, par ailleurs, ne garantit pas une réduction d'effectif.

La rupture conventionnelle collective (RCC)

La rupture conventionnelle collective, créée par les ordonnances dites « Macron » du 22 septembre 2017, est un mode de rupture du contrat de travail, qui permet à toute entreprise, sans condition d'effectif, d'organiser des départs volontaires dans le cadre d'un accord collectif, en dehors de tout contexte économique.

La rupture conventionnelle collective repose sur la combinaison d'un accord collectif et d'un accord individuel. En effet, elle nécessite la conclusion d'un accord collectif, qui doit être homologué par la DREETS. Cet accord collectif détermine notamment le nombre maximal de départs envisagés, les conditions permettant d'en bénéficier, les modalités de calcul des indemnités de rupture, les mesures visant à faciliter le reclassement et le retour à l'emploi des salariés, les conditions d'information du CSE sur le projet envisagé et son suivi.

Les salariés se portent ensuite candidats au départ volontaire : s'agissant d'une rupture d'un commun accord, le consentement des salariés et de l'employeur est requis.

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La RCC permet de réduire les effectifs, sans avoir à justifier d'un motif économique, selon une procédure simple et sécurisée. Elle limite le risque de contentieux et préserve le dialogue social et l'image de l'entreprise.

Cependant, sa mise en place peut être freinée par la durée de la négociation de l'accord, et nécessite une contrepartie financière suffisamment attractive pour convaincre les volontaires au départ. Par ailleurs, elle comporte le risque de voir partir les meilleurs potentiels et de ne pas atteindre l'objectif de réduction d'effectif. Enfin, la RCC n'est pas adaptée à un objectif de fermeture de site et/ou d'arrêt d'activité.

Le plan de départ volontaire collectif

Le plan de départ volontaire (PDV) est un mode de rupture pour motif économique, qui permet de réduire les effectifs de l'entreprise sur la base du volontariat. Ce dispositif peut être mis en place dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE), pour limiter le nombre de licenciements, ou bien de manière autonome, excluant alors tout licenciement.

Lorsque le plan de départ volontaire est accepté par les deux parties, il prend la forme d'une rupture amiable du contrat de travail.

Dans le cadre d'un plan de départs volontaires autonome, excluant tout licenciement pour motif économique, l'employeur n'a aucune obligation de reclassement vis-à-vis des salariés. Le PDV est privatif de toute contestation ultérieure par le salarié sur la réalité du motif économique, sauf à démontrer que son consentement a été vicié.

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Le PDV permet, avec un risque de contentieux faible, de réduire les effectifs, sans recours à la contrainte, de manière souple, dans le respect de l'image, du dialogue et du climat social de l'entreprise.

Cependant, ce dispositif, difficile à mettre en place rapidement, est coûteux en expertise et en mesures d'accompagnement. Il permet difficilement de cibler les candidats au départ, présente le risque de ne pas atteindre l'objectif de réduction de l'effectif et de voir partir les meilleurs salariés.

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Auteur : Laurence Ruaux, juriste en droit social