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Déductibilité en France d'une retenue à la source prélevée à l'étranger

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Catégorie : Actualité fiscale et droit des sociétés

En principe, les crédits d'impôts correspondant aux retenues à la source acquittées à l'étranger par une société française, à raison des redevances perçues par cette dernière société, sont imputables sur l'impôt sur les sociétés dû, en France, au titre de l'exercice de perception des redevances. En l'absence de résultat bénéficiaire et, corrélativement d'impôt sur les sociétés à verser, ces crédits d'impôts ne pouvaient pas être imputés et étaient définitivement perdus.

Un arrêt du 18 juillet dernier est venu « bousculer » cette situation qui pouvait s'avérer pénalisante pour les sociétés déficitaires, en accordant pour la première fois à une société déficitaire le droit de déduire de son bénéfice imposable en France, une retenue à la source, prélevée à l'étranger à raison de redevances perçues par cette dernière société (CAA Versailles, 18 juillet 2013, n° 12VE00572, Sté Egis SA).

Autrement dit, une société privée de base imposable à l'impôt sur les sociétés en France a été autorisée à déduire de son résultat fiscal, les crédits d'impôt acquittés à l'étranger au titre de redevances, ce qui n'était pas autorisé jusqu'à la date de cet arrêt.

Cette décision est fondée sur le principe d'application général édicté par l'article 39 1 4° du Code général des Impôts, selon lequel le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, lesquelles comprennent notamment les impôts à la charge de l'entreprise, mis en recouvrement au cours de l'exercice, à l'exception de l'impôt sur les revenu, de l'impôt sur les sociétés et de la taxe sur la valeur vénale des immeubles [1].

S'agissant du principe de la déductibilité de l'impôt étranger, le Conseil d'Etat avait jugé, en 2002, que lorsqu'une entreprise industrielle et commerciale réalise, dans un Etat étranger, des opérations dont le résultat est compris dans ses bénéfices imposables en France, ce résultat doit, conformément aux dispositions du 1 de l'article 39 du CGI, être déterminé sous déduction de « toutes charges » ayant grevé la réalisation desdites opérations. Dès lors, doivent notamment être considérées comme telles les impositions de toute nature supportées dans ledit Etat du fait de ces opérations, à moins qu'une stipulation conventionnelle spécifique n'y fasse obstacle (CE, 20 novembre 2002, n° 230530, SA Établissements Soulès et Cie). Le Conseil d'Etat de ne faisait donc pas de distinction entre l'impôt français et l'impôt étranger.

Dans l'arrêt Sté Egis SA, la Cour confirme que l'impôt prélevé à l'étranger est, comme tout impôt dont la déductibilité n'est pas expressément exclue par le Code général des impôts, déductible pour la détermination du bénéfice imposable.

Ce principe souffre toutefois d'une exception, si la convention fiscale en vigueur, dont les clauses priment sur la loi interne, fait obstacle à cette déduction. Ainsi, dans le cadre de l'affaire Céline, où les conventions franco-italiennes et franco-japonaises applicables précisaient que l'impôt prélevé à la source n'était pas déductible pour le calcul du revenu imposable en France (respectivement les articles 24 et 23 des conventions fiscales concernées), la Cour avait refusé, en 2012, la déduction de retenues à la source acquittée au Japon et en Italie (CAA Versailles, 16 juillet 2012, n° 11VE01877, TLS 299).

Au cas présent, la convention franco-grecque applicable prévoit seulement les modalités d'imputation de l'impôt étranger sur l'impôt français (article 21) mais n'interdit pas une telle déduction. Dès lors, la Cour a pu autoriser la déduction de la retenue à la source acquittée à l'étranger.

D'autres conventions fiscale sont également susceptibles de permettre à une société française déficitaire de déduire la retenue à la source supportée à l'étranger sur des redevances et notamment celles conclues avec le Brésil, le Liban, le Portugal, l'Indonésie, les Philippines, la Pologne, la Thaïlande et la Turquie.

[1] Selon la Cour Administrative d'appel de Versailles, « lorsqu'une entreprise perçoit des redevances versées par une société implantée à l'étranger qu'elle comptabilise dans son bénéfice imposable en France, ce bénéfice doit, conformément aux dispositions précitées du 1 de l'article 39 du code général des impôts, être déterminé sous déduction de « toutes charges », lesquelles s'entendent, notamment, sous réserve de stipulations conventionnelles spécifiques y faisant obstacle, des impositions de toute nature que l'entreprise supporte dans l'Etat étranger sur les redevances en provenance de cet Etat ».

Clotilde Cattier

Clotilde Cattier, avocate spécialisée en fiscalité, inscrite au Barreau de Paris.
Contact : contact@clotilde-cattier.com

Après avoir passé deux ans chez STC Partners et six ans chez Taj (Deloitte), Clotilde a rejoint le cabinet Room Avocats, en Suisse. Elle partage son temps entre Paris et la Suisse.

Ses principaux domaines d'intervention, en fiscalité française et internationale, sont les suivants :

  • fiscalité patrimoniale (restructuration de patrimoine, transmission de patrimoine, acquisition/détention/cession de biens immobiliers, etc.) ;
  • fiscalité des particuliers (imposition des cadres internationaux et des dirigeants, traitement fiscal des pensions de retraite versées sous forme de capital, etc.) ;
  • installation en Suisse de personnes physiques et de sociétés ;
  • fiscalité générale des entreprises (restructurations, assistance à contrôle fiscale, intégration fiscale, problématiques de remontée des liquidités, etc.) ;
  • fiscalité immobilière (fiscalité des marchands de biens et des promoteurs immobiliers) ;
  • fiscalité internationale (transactions transfrontalières, traitement fiscal des flux internationaux, etc.) ;
  • opérations de fusions-acquisitions ;
  • régularisation de la situation fiscale des français détenant des avoirs non déclarés à l'étranger.

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