Débat : le robot comptable peut-il être un illégal ?

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L'exercice illégal de la profession d'expert-comptable fait débat auprès des comptables qui souhaitent créer leur entreprise. Parfois, ils vont jusqu'à estimer que la simple saisie, qui peut désormais être réalisée par des algorithmes, n'entre pas dans la prérogative d'exercice des experts-comptables.

S'ensuit un débat au sein de la commission exercice illégal de l'Ordre de Paris Île-de-France dont la mission est de poursuivre ceux que l'on appelle communément les illégaux.

Aucun robot comptable n'a jamais été poursuivi par l'Ordre. Les raisons en sont nombreuses et le débat, est loin d'être terminé. Les mêmes problématiques touchent les avocats avec les legaltech.

Dès lors qu'aucun conseil comptable ou juridique n'est donné et qu'aucune écriture comptable n'est saisie manuellement, peut-on réellement parler d'exercice illégal de l'une ou l'autre profession ?

Retour sur l'une des conférences des universités d'été 2019 du CROEC de Paris Île-de-France.

« Une commission exercice illégal souvent interpellée par les experts-comptables »

Les robots comptables ou plutôt, les nouveaux outils d'automatisation de la saisie via imports de données, scraping, prise de photos des pièces justificatives semblent toujours plus nombreux.

La commission exercice illégal est ainsi régulièrement « interpellée par les experts-comptables qui se demandent ce que fait l'Ordre » rappelle Virginie Roitman, Présidente de la commission de répression de l'exercice illégal à Paris.

Le « problème vient du fait que la communication de ces robots attaquaient les experts-comptables, ils étaient agressifs ». Ils sont aussi de plus en plus nombreux, parfois très spécialisés dans un secteur d'activité.

Ainsi, « les entrepreneurs trouvent des services dans des outils digitaux faciles à utiliser, responsive, qu'ils utilisent pour toutes ces raisons et qui leur donnent une information flash que l'expert-comptable a encore parfois du mal à leur donner » rappelle à son tour Guillaume Proust. « La plupart des clients de ces plateformes n'ont pas d'expert-comptable ».

Chez Georges le robot, toutes les informations stratégiques sont renseignées par l'utilisateur. C'est lui qui a la responsabilité de la justesse des informations qu'il saisit.

Il n'est pas accompagné sauf en cas de problème technique, liée à l'utilisation du logiciel. Aucune aide ne lui est apportée pour sa comptabilité et seuls quelques liens vers des sites externes lui sont fournis.

Pour Côme Fouques, président de Georges Tech, « tout est automatisé et l'utilisateur ne passe que 18 étapes, après la saisie automatisée, pour obtenir sa déclaration 2035 ».

Lorsque le droit est dépassé par la pratique... 

Le robot comptable effectue toutes les opérations de classement des pièces justificatives, lecture, reconnaissance de caractère et affectation comptable sans aucune intervention humaine. Il pose la question de la démarche intellectuelle au moment de la saisie comptable et indirectement, de l'intégration de la saisie comptable à la prérogative d'exercice des experts-comptables.

À ce stade, il n'y a pas de réponse claire et définitive, ni du côté des avocats, ni du côté des experts-comptables.

Que l'on parle de legaltech ou de robot comptable, la problématique de départ est la même. À la lecture des textes, le robot comptable serait un illégal puisqu'il effectue la tenue comptable de façon autonome.

Comment le droit peut-il saisir un phénomène qui n'existait pas auparavant ? Pour Bernard Sansot, avocat inscrit au Barreaux de Paris, la question se pose et ce, d'autant plus que le droit évolue et que « la technologie, elle est définitive ».

Aujourd'hui, « le juste pénal considère que la saisie informatique n'est pas uniquement une opération d'ordre informatique mais une opération intellectuelle qui relève du monopole » alors que « la position du juge civil a évolué en 20 ans et est assez mitigée ». On peut se demander quelle serait la décision des juges pour un algorithme, une intelligence artificielle qui ferait de la saisie comptable.

Du côté des avocats, aucune legaltech n'a été condamnée pour exercice illégal de la profession d'avocat. Les « juridictions ont retenu l'absence d'assistance juridique malgré la génération automatique de documents litigieux » témoigne Vanessa Bousardo, avocate.

Pour elles, le « système proposé par les legaltech permettait simplement d'agréger des informations qui étaient déjà disponibles sur internet » et il n'est pas prouvé que « les assistances téléphoniques iraient au-delà de l'assistance technique en fournissant des conseils juridiques ».

À contrario, si la legaltech ou le robot se mettait à réaliser des consultations comptables ou juridiques, on pourrait penser que la décision serait différente.

En pratique, des experts-comptables s'appuient déjà sur ces robots comptables pour les proposer à leurs clients. C'est le cas d'Éric Hainaut, expert-comptable au sein du groupe Emargence. Le robot comptable lui « permet de gérer ses clients BNC avec des procédures internes industrialisées ». Trois personnes au sein de son cabinet s'occupent ainsi de 450 dossiers BNC.



Sandra Schmidt
Rédactrice sur Compta Online de 2014 à 2022, média communautaire 100% digital destiné aux professions du Chiffre depuis 2003.