Contrôle des financements étrangers reçus par certaines associations

Article écrit par (74 articles)
Publié le
Modifié le 31/08/2022
1 621 lectures

Le (fameux) projet de loi « contre le séparatisme »... tel était l'autre nom du texte adopté finalement sous la dénomination « loi n°2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République ».

Initialement centrées sur le renforcement du contrôle des associations cultuelles [1], plusieurs dispositions se sont vues étendues à d'autres entités comme les associations non cultuelles et les fonds de dotation. Il a donc été créé un contrôle des financements étrangers reçus par certaines associations.

Sont visées les associations relevant de la loi de 1901 recevant plus de 153 000¤ de dons par an bénéficiant directement ou indirectement d'avantages ou de ressources versés en numéraire ou consentis en nature par un État étranger, par une personne morale étrangère, par tout dispositif juridique de droit étranger comparable à une fiducie ou par une personne physique non résidente en France.

Ce contrôle est également applicable aux fonds de dotation bénéficiant des mêmes types de ressources (à l'exception, logique, des versements par un État étranger). Par contre, les fondations ne sont pas concernées.

Ces entités doivent tenir un état séparé de ces avantages et ressources provenant de l'étranger. Cet état séparé, dont les modalités sont précisées par un règlement de l'ANC, est intégré à l'annexe des comptes annuels.

Cette obligation entre en application à compter des exercices ouverts le 1er janvier 2023.

Avantages et ressources

Les avantages et ressources concernés sont notamment :

  • les apports en fonds propres ; 
  • les prêts ;
  • les subventions ; 
  • les dons manuels ; 
  • les mécénats de compétences ; 
  • les prêts de main-d'½uvre ; 
  • les dépôts ; 
  • les libéralités ;
  • les contributions volontaires ; 
  • qu'ils soient réalisés par ou sans l'intermédiaire d'un établissement de crédit, de monnaie électronique, de paiement ou d'un organisme ou service mentionné à l'article L. 518-1 du CMF.

A noter que les parts de SCI avaient été initialement incluses de cette liste des avantages et ressources d'origine étrangère. Celles-ci ont été supprimées car les parts de SCI ne constituent pas un avantage, contrairement à une donation ou à un prêt de celles-ci, opérations déjà visées le nouveau contrôle instauré.

Les avantages et ressources soumis à la nouvelle obligation sont notamment les suivants :

  • les avantages et ressources apportés directement à l'association bénéficiaire ;
  • les avantages et ressources apportés à toute association ou à toute société sous contrôle exclusif, sous contrôle conjoint ou sous influence notable de l'association bénéficiaire.

Date et modalités d'application 

Le décret n°2021-1812 du 24 décembre 2021 a fixé l'entrée en vigueur au 1er janvier 2023 et cette date d'entrée en vigueur figure également dans le règlement ANC n°2022-04 du 30 juin 2022.

D'une part, ce décret donne les modalités d'application pour cet état séparé et précise :

  • les personnes et institutions dont proviennent les avantages et ressources ;
  • les organismes bénéficiaires concernés ;
  • l'État du contributeur ;
  • les mentions que devra porter l'état séparé prévu par le règlement de l'ANC ;
  • les aspects liés à la publicité des comptes annuels.

En pratique, l'état séparé doit détailler pour chacun des avantages et ressources.

La date de l'encaissement ou, pour un avantage ou une ressource non pécuniaire, la date à laquelle il est effectivement acquis ou la période durant laquelle il est accordé.

La personnalité juridique du contributeur, en précisant sa nature :

  • un État ou une autre collectivité publique ;
  • une autre personne morale ;
  • une personne physique.

La nature de l'avantage ou de la ressource, en distinguant entre :

  • une ressource pécuniaire, en précisant sa nature : 
  • une contribution financière ;
  • un prêt ;
  • un don ;
  • une libéralité ;
  • une cotisation ;
  • le produit d'une vente de biens ou de services par l'entité ;
  • une ressource de mécénat ;
  • une autre ressource pécuniaire.
  • un avantage en nature, en précisant sa nature :
    • une mise à disposition de personnel à titre gratuit ;
    • une libéralité ou une mise à disposition de biens immobiliers ;
    • un don, une libéralité ou une mise à disposition de biens mobiliers ;
    • une fourniture gratuite de services ;
    • un autre avantage en nature.
  • un apport en fonds propres avec ou sans droit de reprise.

Le caractère direct des avantages et ressources, lorsqu'ils proviennent sans intermédiaire d'un État étranger, d'une personne morale étrangère, d'un dispositif juridique de droit étranger comparable à une fiducie ou d'une personne physique non résidente fiscale en France, ou leur caractère indirect dans le cas contraire et lorsque leur provenance réelle ne pouvait être ignorée compte tenu des circonstances de leur perception ou de leur versement.

Le mode de paiement, le cas échéant, en précisant s'il s'agit d'un versement en numéraire, par virement bancaire, par chèque, par carte bancaire ou d'un autre mode de paiement.

Le montant ou la valorisation de l'avantage ou de la ressource.

Les avantages et ressources sont classés, pour chaque État, par ordre chronologique en fonction de la date mentionnée au premier point. Est indiqué le total des financements correspondant à chaque État.

D'autre part, le règlement de l'ANC n°2022-04 du 30 juin 2022 fournit le modèle de tableau à utiliser :

En cas de publicité des comptes 

L'article 5 du décret précise que « les associations et les fonds de dotation soumis à une obligation de publicité de leurs comptes annuels peuvent intégrer à l'annexe de leurs comptes publiés une version synthétique » de cet état séparé.

Il s'agit d'une possibilité et non d'une obligation.

Le règlement ANC en donne les modalités pratiques : cette version synthétique est intégrée dans l'annexe des comptes annuels approuvés par l'organe délibérant et publiés au Journal officiel, en lieu et place de la version détaillée de l'état.

Cette version synthétique est de facto celle qui figure dans les comptes annuels joints au rapport du commissaire aux comptes, le cas échéant.

En pratique, la version synthétique de l'état doit :

  • mentionner le montant total des avantages et des ressources présenté pour chaque Etat ;
  • et être accompagnée des informations relatives aux modalités selon lesquelles la version détaillée de l'état, conforme au modèle prévu par l'ANC, est mise à la disposition du public au siège de l'association ou du fonds de dotation et, le cas échéant, sur son site internet.

La version synthétique de l'état, accompagnée des informations relatives aux modalités de mise à disposition de la version détaillée de l'état auprès du public, est à établir selon un modèle fixé par l'ANC :

* La version détaillée de l'état séparé des avantages et des ressoucres provenant de l'étranger que [l'association / le fonds de dotation] doit établir en application de l'article [A complèter] est mise à la disposition du public :

au siège [de l'association / du fonds de dotation], situé [A complèter] selon les modalités suivantes : [A complèter] ;

[et sur le site internet de l'association / du fonds de dotation].

Sanctions en cas de non-respect 

Le non-respect de cette nouvelle obligation est puni d'une amende de 3 750¤, dont le montant peut être porté au quart de la somme des avantages et ressources non inscrits dans ledit état séparé.

Aspects à anticiper...

D'une manière générale, même s'il s'agit d'un état comptable intégré dans l'annexe comptable pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2023, il est vraiment préférable d'anticiper sa préparation.

En effet, le recensement des avantages et des ressources, directs ou indirects, reçus d'États étrangers ou encore de personnes morales étrangères, nécessite la mise en ½uvre de procédures internes appropriées.

A titre d'exemples, la contribution financière d'une fondation américaine est concernée, de même qu'une subvention de l'Etat allemand.

D'une manière plus précise, l'article 4 du décret prévoit que cet état précise, pour chacun des avantages et ressources :

  • leur « caractère direct » « lorsqu'ils proviennent sans intermédiaire des personnes et institutions », tel qu'un État étranger ; 
  • ou leur « caractère indirect » dans le cas contraire et « lorsque leur provenance réelle ne pouvait être ignorée compte tenu des circonstances de leur perception ou de leur versement ».

Le règlement de l'ANC ne donne pas de précisions complémentaires sur ce point.

Cet aspect de financement étranger « indirect » laisse présager de sacrés débats en perspective, tant en interne pour les entités concernées, que pour les CAC contrôlant cet état intégré dans l'annexe...

[1] Pour les associations cultuelles, les dons étrangers de plus de 10 000¤ et la cession de lieux de culte à un État étranger doivent désormais être déclarés. Le préfet peut s'y opposer lorsqu'un intérêt fondamental de la société est en jeu.



Alexandre Walliang est expert-comptable et commissaire aux comptes au sein du cabinet Pluriel Consultants.

Il est notamment membre des comités « Secteur non marchand - Associations » du CSOEC, « Associations » et « Appel à la générosité public » de la CNCC et membre du groupe de travail CSOEC-CNCC pour la Doctrine comptable (règlement comptable ANC n° 2018-06). Voir le site « Votre expert des associations ».