Conséquences de la loi Pacte : Yannick Ollivier veut déplacer le centre de gravité du marché des PME

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Yannick Ollivier, président de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC), présentait ce mardi les résultats de l'analyse des déclarations d'activité des commissaires aux comptes et d'une enquête auprès des professionnels. L'objectif est double : comprendre le comportement des chefs d'entreprise depuis l'entrée en vigueur de la loi Pacte, et en tirer les leçons pour les années à venir.

Au-delà de la question du non-renouvellement des mandats, c'est une nouvelle stratégie de la CNCC sur le marché des PME qui se dessine.

La remontée des seuils d'audit, entrée en vigueur en mai 2019 après la loi Pacte, a fait couler beaucoup d'encre. La CNCC évoquait à l'époque les conséquences dramatiques pour la profession, touchant « 10 000 emplois et 650 millions d'¤ d'activité ». L'inspection des finances publiques estimait quant à elle la perte maximum à 620 millions d'¤ au bout de 6 ans.

Ces deux estimations partaient toutefois d'un postulat identique : les PME seraient certainement peu nombreuses à renouveler le mandat de leur commissaire aux comptes sans une disposition légale pour les y contraindre. Mais cette hypothèse était-elle correcte ?

Une source de données objective : les déclarations d'activité

Pour répondre à cette question, la Compagnie nationale (CNCC) a procédé à une analyse des déclarations d'activité déposées par les commissaires aux comptes et a lancé une grande enquête auprès de la profession lors du 1er trimestre 2021. 1 400 réponses, provenant de l'ensemble du territoire, ont été analysées.

Un recul incontestable

Premier constat, la loi Pacte a eu des conséquences incontestables sur la profession, comme en témoigne les taux de mandats non renouvelés :

  • 30% des mandats arrivés à échéance en 2019, au titre des audits réalisés en 2018 (année particulière, une part significative des assemblées générales s'étant déjà tenues au moment de l'entrée en vigueur de la loi Pacte) ;
  • 45% des mandats arrivés à échéance en 2020, au titre des audits réalisés sur l'année 2019. 

Pour la CNCC, toutefois, ces chiffres sont meilleurs qu'attendus : « En prenant en compte les non renouvellements et l'érosion du tissu économique, ce sont plus de 50% des mandats PE arrivés à échéance qui sont maintenus. [...] On ne peut pas, on ne doit pas, laisser dire que le CAC n'a pas sa place dans les petites entités : c'est faux et c'est le marché qui le dit ».

Comment expliquer ces chiffres ?

Selon l'étude menée par la CNCC, le facteur humain est essentiel : « d'après 65% des professionnels interrogés dans le cadre de l'enquête, il apparaît que la confiance et la qualité de la relation professionnelle entre le chef d'entreprise et son CAC comptent parmi les facteurs les plus déterminants de renouvellement des mandats ».

Mais ce critère n'explique pas tout. Pour Yannick Ollivier, les dirigeants d'entreprises ont agi de manière responsable, conscients de la valeur ajoutée apportée par le commissaire aux comptes, notamment en termes de réassurance, ou de renforcement de la confiance vis-à-vis de leurs parties prenantes.

Cette bonne nouvelle pour la profession ne doit toutefois pas masquer d'autres enjeux

Ces chiffres mettent toutefois en lumière d'autres enjeux. D'abord, l'accompagnement des cabinets touchés par la perte de mandat et de chiffre d'affaires, car les sommes restent, dans l'absolu, très importantes.

Mais l'étude souligne également l'importance stratégique du renouvellement du marché des petites entreprises, une priorité affichée de la mandature actuelle. Comment, en effet, démontrer la valeur ajoutée du commissaire aux comptes auprès d'un public qui n'a jamais eu affaire à ce professionnel ? Pour Yannick Ollivier, il y a donc une véritable feuille de route à tracer, et un important travail de pédagogie à réaliser.

Le président de la CNCC compte bien employer pour cela toutes les cartes dont il dispose depuis la loi Pacte : « le premier point d'entrée dans les petites entreprises sera peut être une mission ponctuelle, qui permettra de se faire connaître, avant d'arriver, dans un second temps, à une mission de certification ». Pas de vision rigide du rôle du commissaire aux comptes donc, mais plutôt une volonté affichée de répondre aux besoins des TPE/PME, y compris avec de nouvelles missions, mais sans franchir la frontière du conseil.

Une (très) discrète mission ALPE

Souvent présentée comme l'avenir des commissaires aux comptes sur le marché des TPE/PME, la mission ALPE (qui prévoit une mission de certification allégée, sur une période de 3 ans) a été très peu évoquée par Yannick Ollivier. Notamment parce qu'elle n'aurait été que peu choisie par les chefs d'entreprises, y compris ceux décidant de renouveler le mandat de leur commissaire aux comptes sur une base volontaire. Ce qui n'est pas forcément une mauvaise nouvelle pour la profession : « Nous n'avons pas encore tous les chiffres, mais dans une part très significative des situations de renouvellement, les chefs d'entreprises ont préféré renouveler le mandat pour 6 ans plutôt que pour 3. La question ne s'est pas posée sur le terrain de la durée de l'intervention, mais plutôt de son utilité ».

Une discrétion autour de la mission ALPE qui confirme la volonté de Yannick Ollivier de placer le commissaire aux comptes à un niveau plus large que celui de la certification des comptes, celui de la confiance.



Julien Catanese Aubier
Diplômé d'expertise comptable, après 7 ans en tant que rédacteur en chef puis directeur de la rédaction Fiscalistes et experts-comptables chez LexisNexis, Julien rejoint l'équipe Compta Online en tant que Directeur éditorial de juin 2020 à octobre 2023.