[Tribune] Indicateurs a posteriori ou comptabilité prédictive ?

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Bientôt, la transformation numérique au sens le plus large, laissera à Bercy la charge du « constat du passé » : facturation électronique, fichier des écritures comptables, préremplissage des déclarations... le mouvement est déjà en marche.

Et si nous en profitions pour transformer notre « mission » auprès des TPE et nous approprier le rôle de construire, de suivre, d'ajuster ces indicateurs prédictifs ?

La reprise d'une vidéo XERFI Canal d'octobre 2021 de Jérôme Barthélémy (professeur de stratégie et de management à l'ESSEC) m'a interpellé. Jugez plutôt avec ces quelques morceaux choisis :

« Pour mesurer la performance d'une entreprise, on utilise souvent des indicateurs comme la part de marché, le chiffre d'affaires ou la rentabilité. Si ces indicateurs permettent de vérifier qu'on a bien atteint ses objectifs, ils présentent une limite. Ce sont des indicateurs a posteriori, qui reflètent essentiellement le passé et sur lesquels on ne peut pas agir.

Dans le monde de l'entreprise, la plupart des dirigeants se focalisent sur les indicateurs a posteriori. C'est assez facile à comprendre. Les indicateurs a posteriori sont beaucoup plus faciles à identifier et à mesurer que les indicateurs prédictifs.

Comme l'avait bien formulé le gourou de la qualité W. Edwards Deming, « gérer une entreprise en se focalisant sur les indicateurs financiers (les indicateurs a posteriori par excellence) revient à conduire une voiture en regardant dans le rétroviseur ».

Les limites des indicateurs financiers classiques 

Ne pensez-vous pas que nous, experts-comptables sommes directement concernés par une telle analyse ? Ne nous reproche-t-on pas de nous intéresser surtout au passé parce que c'est le rôle de la comptabilité avec son objectif essentiellement fiscal ?

Bien sûr nous établissons des « prévisionnels »...surtout pour les banquiers pour appuyer une demande de financement ou pour ces start-ups pour convaincre les investisseurs de participer à une « levée de fonds » !

Bien évidemment les « indicateurs a posteriori » sont nécessaires, ne dit-on pas que le passé éclaire l'avenir...

Mais franchement, présenter un « bilan » près de cinq mois après la clôture d'un exercice est-ce bien raisonnable ? Notons aussi, par exemple, le peu d'intérêt porté aux dossiers de gestion établis par les OGA que l'on retrouvait dans leur enveloppe d'envoi encore fermée avec les comptes des derniers mois de l'exercice suivant...

Alors oui cette formule de W. Edwards Deming est tout à fait pertinente « gérer une entreprise en se focalisant sur les indicateurs financiers (les indicateurs a posteriori par excellence) revient à conduire une voiture en regardant dans le rétroviseur ».

Vers la comptabilité prédictive ?

Bon d'accord, mais après avoir dit cela que pouvons-nous faire ? Écoutons Jérôme Barthélémy.

« Les indicateurs prédictifs sont beaucoup plus intéressants. Contrairement aux indicateurs a posteriori, ce sont des indicateurs sur lesquels il est possible d'agir. Ils permettent également de s'assurer qu'on est sur la bonne voie pour atteindre ses objectifs. En agissant sur les indicateurs prédictifs, on peut influencer les indicateurs a posteriori ».

Et si nous réfléchissions à transformer notre « mission » notamment pour la plus grande partie de notre clientèle (TPE, artisans, commerçants et professionnels libéraux). Bientôt la transformation numérique au sens le plus large, fait que la comptabilité fiscale sera assurée par... Bercy qui s'attribuera ainsi la charge du constat du passé.

Dès lors, pour cette clientèle (j'insiste), notre profession pourrait s'approprier le rôle de construire, de suivre, d'ajuster ces indicateurs prédictifs...

Projetons-nous dans un futur proche : sur la base des données N-1, l'expert-comptable établit dès le 15 janvier N (exercice civil) le prédictif sur 12 mois. Grâce aux nouveaux outils des partenaires de la profession qui centralisent les flux en temps réel, ce prédictif est actualisé, corrigé des informations et des données extérieures.

Pour ces plus de 1 200 000 petites entreprises, nul besoin d'une « usine à gaz », l'essentiel est dans la rapidité plus que dans la précision « à 100¤ près » : rapidité de communication d'un résultat « approché » pour N-1, rapidité de l'établissement du prévisionnel N, rapidité de la remontée des informations essentielles pour actualiser le prédictif avec les quelques informations impactant celui-ci de manière significative et amenant à corriger le résultat estimé en fin d'exercice.

Et si demain les clients consultaient leur expert-comptable non pour connaître le résultat de l'exercice précédent mais pour connaître à la fois le résultat du mois écoulé et celui du 31 décembre à venir ?

L'expert-comptable, l'expert du futur !


 

Serge Heripel est expert-comptable retraité et vice-président de l'organisme mixte de gestion agréé France Gestion.