Big Data : experts-comptables agrégateurs de données ou créateurs de valeur ?

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Ce vendredi 10 juin 2020, le Conseil supérieur de l'Ordre des experts-comptables (CSOEC) organisait un webinaire autour de la Big Data, sur le thème « Comment exploiter les données de mes clients ? ».

Cette session, animée par, Sanaa Moussaïd, vice-présidente du CSOEC et présidente du secteur Stratégie numérique, Denis Barbarossa, membre du groupe de travail data du CSOEC et Marianne Alex, accompagnatrice pédagogique à l'École centrale de Lyon, avait pour objectif de faire un « tour d'horizon des orientations innovantes de la profession ».

Un cadre juridique contraignant

Le thème du congrès 2019 « L'expert-comptable au c½ur des flux » résonne tout particulièrement avec ce webinaire. Les cabinets doivent en effet gérer de plus en plus de flux de données, dans des formats parfois incompatibles, et avec des interfaces toujours plus variées. DSN, fichier des écritures comptables, facturation électronique, la quantité d'information disponible dans les cabinets est impressionnante. Sanaa Moussaïd met toutefois en garde les cabinets qui voudraient se lancer trop rapidement dans le traitement de ces données, et rappelle le cadre juridique : « Les cabinets ne peuvent pas faire ce qu'ils veulent des données de leurs clients ».

Au delà du secret professionnel, ces informations sont en effet très protégées :

  • les données personnelles par le règlement RGPD, avec parfois des niveaux de confidentialité très élevés (numéro de Sécurité sociale de salariés par exemple) ;
  • les données non personnelles a minima par le secret des affaires et le droit de la concurrence.

Le cabinet doit donc recueillir l'accord des clients avant toute exploitation des données, en prenant le temps de le convaincre de la valeur ajoutée que peut lui apporter l'analyse de données.

De nouveaux services à apporter aux clients

Denis Barbarossa le rappelle, « les cabinets n'ont pas vocation à être de simples agrégateurs de données ». Pour ne pas être réduits à ce rôle et se démarquer de la concurrence, ils doivent donc proposer de nouveaux services à leurs clients. Mais les intervenants l'assument, toutes les applications ne sont pas connues. Certains services existent, d'autres restent à inventer : contrôle de l'intégrité et certification de flux de données, nouvelles missions de conseil, analyses prédictives en fonction de données contextuelles, analyses sectorielles plus larges, analyse plus fine des indicateurs clés grâces aux outils de Business Intelligence, etc.

Selon Sanaa Moussaïd, 70% des entreprises déclarent manquer des ressources nécessaires pour analyser leurs propres données. C'est donc cette cible, constituée essentiellement de TPE et PME, que les cabinets doivent viser.

Un traitement des données à intégrer dans l'organisation du cabinet

Le temps de saisie des documents papier devrait progressivement être remplacé par du temps d'analyse et de traitement des données, de plus en plus structurées. C'est en tout cas la conviction de Denis Barbarossa : « Nos clients n'ont pas envie de jouer aux connecteurs de données ».

Mais dans ce cas, comment les cabinets peuvent-ils traiter ces informations à la place de leurs clients, pour développer les services évoqués plus haut ?

Selon les intervenants, cela passe d'abord par une véritable politique de formation, pour acquérir et diffuser au sein du cabinet les compétences clés en matière de Big Data : capacité à exploiter les bases de données produites au sein du cabinet, maîtrise des outils de Business Intelligence (comme Power BI ou Tableau Software), connaissance des données disponibles publiquement (open data), etc.

Dans ces objectifs, Sanaa Moussaïd a annoncé l'ouverture prochaine d'une formation certifiante organisée avec l'École Centrale de Lyon (sans donner de date à ce stade), et la parution d'un « Guide Data ».

Mais cette adaptation de la profession passe aussi par un travail important de pédagogie, tant au sein du cabinet qu'auprès des clients, pour repenser totalement les modes de production. Marianne Alex, auteur d'une étude sur le sujet auprès de professionnels de l'expertise comptable, le dit clairement :

« La plus grande difficulté des cabinets est aussi un paradoxe : la plupart des collaborateurs se disent trop pris par la saisie pour développer de nouvelles missions, mais nous constatons dans le même temps une résistance à accepter des outils d'automatisation qui contribueraient à régler ce problème ».



Julien Catanese Aubier
Diplômé d'expertise comptable, après 7 ans en tant que rédacteur en chef puis directeur de la rédaction Fiscalistes et experts-comptables chez LexisNexis, Julien rejoint l'équipe Compta Online en tant que Directeur éditorial de juin 2020 à octobre 2023.