L'apport en industrie : fonctionnement et conditions

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Lors de la constitution d'une société, les associés fondateurs pour constituer son capital doivent apporter soit des biens (apports en nature) ou des fonds (apports en numéraire). L'apport en industrie est l'un des trois types d'apports possibles lors de la création d'une entreprise mais qui ne permet pas de constituer le capital social de la société à cause de son évaluation très délicate.

Qu'est-ce que l'apport en industrie ?

L'apport en industrie intervient lorsqu'un associé fondateur d'une entreprise nouvellement créée souhaite mettre à disposition de celle-ci, des prestations liées à des compétences qu'il détient (ses connaissances techniques, son expérience, ses relations ou son influence, sa force de travail et, de façon plus restrictive, son savoir-faire dès lors qu'il n'est pas brevetable).

En raison de la difficulté liée à son évaluation, effectuer un apport en industrie ne permet pas la formation du capital social de la société au contraire des apports en numéraire ou en nature.

Contrairement aux apports en nature ou en numéraire, il est évident que les apports en industrie ne font pas l'objet d'une libération immédiate ou partielle, puisqu'il s'agit de l'apport d'un service de la part de l'associé.

Quelle est la contrepartie d'un apport en industrie ?

En contrepartie de son apport ou de leurs apports, les associés apporteurs en industrie sont rémunérés par l'attribution de parts spécifiques non représentatifs du capital social appelés « parts d'industrie » ou « parts en industrie » et qui permettent au même titre que les parts sociales ou des actions d'avoir la qualité d'associés ou d'actionnaires et toutefois de bénéficier :

  • d'un pourcentage dans les bénéfices réalisés par l'entreprise (partage des bénéfices à charge de contribuer aux pertes) ainsi que de son actif net ;
  • d'un droit de vote en assemblée générale et de participation aux décisions collectives.

Exemple

Deux associés souhaitent apporter chacun 6 000¤ lors de la création de la société X, l'associé A réalise un apport en numéraire et l'associé B un apport en nature, le capital social de la société ainsi créée est de 12 000¤.

Les deux associés acceptent l'entrée d'un troisième associé C qui grâce à son expertise leur permettra de réduire le coût marketing de certains produits (ex : réalisation d'un site internet performant). Son apport en industrie est estimé à 5 000¤.

Le capital ainsi constitué sera toujours 12 000¤ et non 17 000¤, néanmoins, les trois associés recevront des parts qui leur permettent de bénéficier d'une fraction du bénéfice en fonction de la valeur de leur apport ainsi qu'un droit pour participer et de voter aux décisions collectives des associés.

Les droits attribués aux associés suite à leur apport en industrie doivent être spécifiés dans les statuts.

Quelles sont les sociétés concernées par l'apport en industrie ?

L'apport en industrie est possible à un certain nombre de sociétés en fonction de leur statut juridique. Les sociétés qui sont concernées par ce type d'apport sont listées ci-dessous :

  • les sociétés en nom collectif (SNC) ;
  • les sociétés à responsabilité limitée (SARL) ;
  • la société par actions simplifiées (SAS) ;
  • la société en commandité par actions (SCA) uniquement pour les associés commandités ;
  • la société en commandité simple (SCS), uniquement pour les associés commandités ;

L'apport en industrie n'est pas autorisé pour les sociétés anonymes (SA), ainsi qu'aux associés et actionnaires commanditaires des sociétés en commandité par action (SCA) et des sociétés en commandité simple (SCS).

Quelles sont les conditions liées à l'apport en industrie ?

Les associés qui apportent leur savoir ou leur expérience, etc., sont tenus de respecter les engagements liés à leur apport pendant toute la durée d'activité de l'entreprise (article 1843-3), ils doivent notamment :

  • exécuter le travail et les prestations promis et de mettre à disposition leurs connaissances techniques ;
  • fournir un travail réel sans percevoir de rémunération (à l'exception des droits aux bénéfices et de vote) et sans aucun contrat de travail, toutefois, un lien de subordination s'il existe entre la société et l'associé apporteur, peut être requalifié en contrat de travail ;
  • ne pas être en concurrence avec la société en question.

Les parts sociales constituées par des apports en industrie sont inaliénables. Ils deviennent néanmoins caducs (ils sont annulés) dans les cas suivants :

  • en cas de décès de l'apporteur ;
  • de son départ de l'entreprise ou non-respect de ses engagements ;
  • s'il n'a plus les qualités ou les capacités nécessaires pour exercer son activité au sein de l'entreprise (maladie, invalidité, ou interdiction temporaire d'exercer dans le cas d'une profession réglementée, etc.).

Les règles et les conditions qui régissent les apports en industrie doivent figurer dans les statuts, de même pour les modalités de sortie et de contrepartie.

Comment évaluer un apport en industrie ?

L'évaluation de l'apport en industrie est un peu délicate au moment de la création, néanmoins quelques techniques permettent d'avoir une idée de celle-ci, notamment :

  • une estimation du coût de la prestation que l'entreprise aurait dû dépenser pour obtenir le même travail, ou service fourni par l'associé apporteur ;
  • le temps gagné ;
  • les risques évités.

Cette évaluation doit être prévue dans les statuts au moment de l'apport et peut être effectuée dans les mêmes conditions qu'un apport en nature. Elle peut être réalisée par les associés de l'entreprise à condition que la valeur de l'apport en industrie estimée par ces derniers ne soit pas supérieure à 30 000¤ et que sa valeur totale ne dépasse pas ½ du capital social. A défaut, un commissaire aux apports doit être désigné par l'entreprise pour effectuer cette tâche.

Les raisons de la faible attractivité de l'apport en industrie

L'apport en industrie est le type d'apport le plus rare mais il permet néanmoins à l'associé qui ne dispose pas des moyens financiers suffisants de participer à la constitution de la société grâce à ses compétences ou à son expertise dans un domaine particulier.

L'apport en industrie se rencontre peu en pratique car il présente quelques inconvénients, notamment le fait que l'associé apporteur n'a pas le droit de percevoir une rémunération en contrepartie du travail fourni (à l'exception de son droit dans le bénéfice réalisé par l'entreprise).

Généralement, l'associé va donc privilégier une rémunération en tant que dirigeant de la société ou en tant que salarié de l'entreprise nouvellement créée car si la société ne fait pas de bénéfices, l'apporteur en industrie ne percevra aucun fruit (ce qui est souvent le cas pour les sociétés nouvellement créées).

En revanche, si l'associé est aussi un dirigeant ou un salarié de l'entreprise, il touchera une rémunération régulière même si la société ne réalise aucun bénéfice.

De plus, l'apport en industrie étant immatériel, ses parts ne peuvent pas être cédées, il ne peut donc pas réaliser de plus-values. Si un associé perd sa qualité d'associé pour une raison quelconque, ses parts sont annulées, ce qui exclut d'office la transmission de parts.

Enfin, si l'apporteur en industrie ne peut plus contribuer à la société, en raison d'un accident, d'une maladie, voir un décès, l'associé (ou le cas échéant ses descendants) n'aura plus aucun droit de percevoir des bénéfices, même s'il a contribué au succès de la société durant des années. Inversement, un associé qui réalise l'apport d'un bien ou d'une somme d'argent, même résiduelle, disposera toujours d'un droit au bénéfice.



Frédéric Rocci
Fondateur de Compta Online, média communautaire 100% digital destiné aux professions du Chiffre depuis 2003.
Je suis avant tout un entrepreneur. Je cotoie et j'observe la profession comptable depuis plus de 20 ans. Rédacteur à mes heures perdues, j'affectionne plus particulièrement les sujets qui traitent des nouvelles technologies et du digital.
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